Le président de la Chambre américaine des représentants destitué, une première historique

Aussitôt après ce résultat sans précédent, un Kevin McCarthy malgré tout souriant a été entouré par des membres de son parti.

C’est une première dans l’histoire du Congrès américain: le chef républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a été évincé mardi de son poste, victime de querelles fratricides au sein de son parti.


Après un débat tendu entre conservateurs dans l’hémicycle, 216 élus ont voté pour le destituer, dont huit républicains, contre 210.

Aussitôt après ce résultat sans précédent, un Kevin McCarthy malgré tout souriant a été entouré par des membres de son parti, qui lui ont donné l’accolade et lui ont serré la main.

Le vote ouvre une période de fortes turbulences à la chambre basse, où un remplaçant doit être choisi la semaine prochaine.

Kevin McCarthy a d’ores et déjà annoncé mardi soir qu’il ne se représenterait pas, même si les règles parlementaires l’y autorisent.

«J’ai été le 55e chef de la Chambre, l’un des plus grands honneurs. J’en ai aimé chaque instant», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, tout en se disant «optimiste» malgré cette débâcle.

Il avait déjà été élu au forceps en janvier, en raison de la très mince majorité républicaine.

Pour accéder au perchoir, il avait notamment dû faire d’énormes concessions avec une vingtaine de trumpistes, dont la possibilité que n’importe quel élu ait le pouvoir de convoquer un vote pour le destituer — ce qu’a finalement fait Matt Gaetz.

«Promesses contradictoires»

«C’est dans l’intérêt de ce pays que nous ayons un meilleur +speaker+ que Kevin McCarthy», a lancé après le scrutin cet élu de la droite dure américaine qui a déposé lundi la motion pour destituer le chef de son parti.

«Personne ne (lui) faisait confiance», a ajouté M. Gaetz. «Kevin McCarthy avait fait de nombreuses promesses contradictoires».

L’élu de Floride reproche principalement au ténor républicain d’avoir négocié avec les élus démocrates un budget provisoire pour financer l’administration fédérale, auquel s’opposaient de nombreux conservateurs. Il l’accuse aussi d’avoir conclu un «accord secret» avec le président Joe Biden sur une possible enveloppe pour l’Ukraine.

Or l’aile droite du Parti républicain s’oppose vivement au déblocage de fonds supplémentaires pour Kiev, estimant que cet argent devrait plutôt servir à lutter contre la crise migratoire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Et qu’importe que l’immense majorité du groupe parlementaire de Kevin McCarthy l’ait publiquement soutenu : les trumpistes disposaient d’un veto de fait à la Chambre compte tenu de la très fine majorité républicaine dans cette institution.

Pas de soutien démocrate

Après un débat tendu entre conservateurs dans l’hémicycle, 216 élus ont voté pour destituer Kevin McCarthy, dont huit républicains, contre 210.

«Je ne regrette pas d’avoir négocié. Notre gouvernement est fait pour trouver des compromis», a répondu Kevin McCarthy.

Le républicain de 58 ans a semblé penser un temps qu’il parviendrait à sauver sa tête, espérant que les calculs politiques l’emporteraient et qu’il pourrait soutirer aux démocrates un appui, même très juste, en échange de concessions.

Peine perdue.

«C’est au Parti républicain de mettre fin à la guerre civile des républicains à la Chambre», avait tranché le chef démocrate Hakeem Jeffries dans une lettre après une longue réunion mardi avec son groupe parlementaire.

«Les raisons de laisser les républicains gérer leurs propres problèmes sont innombrables. Laissons-les se vautrer dans la fange de leur incompétence et de leur incapacité à gouverner», avait de son côté lancé, implacable, l’élue progressiste Pramila Jayapal.

Signe des désaccords qui déchirent les républicains, les élus conservateurs se sont succédé dans l’hémicycle pour plaider pour et contre Kevin McCarthy. Tom Cole avait prévenu du «chaos» dans lequel la Chambre et les républicains seraient plongés si M. McCarthy était destitué.

«Le chaos, c’est le président McCarthy», avait répliqué Matt Gaetz.

Luttes intestines

Ces luttes intestines étalées au grand jour ont fait réagir Donald Trump.

«Pourquoi les républicains passent-ils leur temps à se disputer entre eux, pourquoi ne combattent-ils pas les démocrates de la gauche radicale qui détruisent notre pays»? a écrit l’ex-président républicain sur sa plateforme Truth Social.

Un tel vote n’avait pas eu lieu depuis plus d’un siècle aux Etats-Unis, et jamais aucun «speaker» n’avait été évincé de son poste jusqu’à mardi.

Le président Joe Biden a appelé dans la soirée les élus de la Chambre à élire rapidement un nouveau chef, face aux «défis urgents» auxquels font face les États-Unis.

Mais la tâche s’annonce compliquée pour les républicains, qui se réuniront dans une semaine, mardi prochain, pour se mettre d’accord sur un nouveau candidat. Un vote devrait avoir lieu le lendemain.


Matt Gaetz, l’élu trumpiste qui a fait chuter Kevin McCarthy

Le nom de Matt Gaetz s’est souvent retrouvé associé à des affaires peu flatteuses.

C’est incontestablement l’un des élus du Congrès des États-Unis le plus détesté par les démocrates, et désormais par une partie de son propre camp : en faisant chuter mardi le président de la Chambre des représentants, le républicain Matt Gaetz a vu sa notoriété changer de dimension.

L’homme de 41 ans a déposé lundi la motion de censure qui a permis de destituer Kevin McCarthy 24 heures plus tard. Une déflagration politique inédite sur la colline du Capitole.

Pour réussir ce coup retentissant, Matt Gaetz a rallié un petit nombre de représentants issus comme lui de la frange la plus radicale du Parti républicain; puis ils ont fait basculer la majorité en apportant leurs voix aux démocrates.

Cet élu de Floride, jusque-là relativement peu connu du grand public —en tout cas pour son travail parlementaire— a très probablement éprouvé une satisfaction longuement attendue : celle d’écarter un chef républicain avec qui il entretenait des relations acrimonieuses.

Déjà en janvier 2023, lors de la course d’obstacles qu’avait été l’élection de Kevin McCarthy au perchoir de la Chambre, Matt Gaetz s’était illustré parmi les «Never Kevin» (les «anti-Kevin»), des élus qui refusaient de voter pour l’élu de Californie, en qui ils disaient ne pas avoir confiance.

Avant cet épisode tendu, le nom de Matt Gaetz s’est souvent retrouvé associé à des affaires peu flatteuses, voire pire. Il a été accusé d’avoir eu une relation sexuelle avec une jeune fille mineure, une allégation qu’il a récusée en se disant victime de l’establishment.

Un mode de défense auquel le quadragénaire aux costumes soignés, au sourire d’acteur d’Hollywood et à la mèche toujours impeccablement coiffée, a souvent eu recours.

Un lourd passif sous enquête

«Je suis l’homme le plus ciblé par les enquêtes au Congrès des États-Unis», a ainsi déclaré lundi le bouillonnant représentant, une phrase semblant par ailleurs s’inspirer directement de la rhétorique de Donald Trump, dont il reste l’un des plus fidèles lieutenants.

Il avait auparavant publié sur les réseaux sociaux un montage photo de son crâne cerné par une quinzaine d’armes à feu.

Il faut dire que Matt Gaetz a d’autres faits d’armes présumés à son passif.

On lui a reproché de possibles détournements de fonds publics, des faits directement visés depuis deux ans par une enquête de la commission d’éthique de la Chambre des représentants. Et puis une consommation illégale de stupéfiants, une conduite en état d’ivresse ou encore d’autres abus incompatibles avec la probité normalement attendue d’un «congressman».

Sur une note plus légère, ce fils d’un responsable politique qui a présidé le Sénat de la Floride a vécu dans sa jeunesse dans la maison ayant servi de décor au film The Truman Show, réalisé par Peter Weir et sorti en 1998 avec Jim Carrey dans le rôle principal.

Sur le plan politique, opposé au droit à l’avortement, ouvertement climatosceptique, défenseur du lobby des armes à feu, propagateur de la théorie complotiste du grand remplacement, Matt Gaetz épouse pratiquement toutes les positions de la droite américaine la plus extrême.