Six Québécois sur 10 voudraient voir le taux d’alcool permis dans le sang des automobilistes passer de 0,08 à 0,05, démontre un sondage SOM-Les Coops de l’information.
Ce résultat va à l’encontre du gouvernement caquiste qui a rejeté cet automne la recommandation d’un coroner d’étudier la question.
Dans son rapport sur la mort de Stéphanie Houle, décédée en 2021 alors qu’elle était la passagère d’un conducteur en état d’ébriété, le coroner Yvon Garneau recommandait au gouvernement d’étudier «la faisabilité d’abaisser le seuil limite d’alcool dans le sang de 0,08 mg/100 ml à 0,05 mg/100 ml».
Le coroner écrivait notamment que le Québec est la seule province au Canada «à être anachronique avec une limite de 0,08 mg par 100 ml de sang. Pourtant, la preuve est faite quant à la diminution des accidents mortels depuis l’instauration d’une limite inférieure à 0,05 ailleurs au Canada et dans le monde».
Le gouvernement Legault a vite rejeté cette recommandation, affirmant qu’une révision de la limite d’alcool permise au volant n’était pas envisagée.
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61% en faveur
Les Coops de l’information ont sondé 1032 Québécois, au début du mois de novembre, afin de savoir s’ils étaient en faveur, ou pas, d’une diminution du taux d’alcool permis chez les automobilistes.
Une majorité de Québécois y sont «plutôt favorables» ou «très favorables», dans une proportion de 61%.
Un résultat qui encourage et surprend Lise Lebel, la mère de Katherine Beaulieu, cette jeune femme qui a perdu la vie en 2010 à Trois-Rivières dans un accident causé par une conductrice ivre. Mme Lebel a milité durant plus d’une décennie contre l’alcool au volant, notamment pour que la limite soit abaissée.
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Je suis contente de voir que les mentalités changent petit à petit, et ce résultat [du sondage] me surprend positivement. Je m’attendais plutôt à un 30% ou 40% en faveur.
— Lise Lebel
«On demande ça depuis le début. Car à 0,08, il y a déjà un niveau de dangerosité, tandis qu’à 0,05, la ligne est très mince entre être apte à conduire ou non», ajoute celle qui croit que le Québec est trop permissif en ce qui concerne l’alcool au volant.
Les jeunes et les femmes plus favorables
Ce sont les jeunes de 18 à 34 ans qui sont le plus en accord avec une telle mesure, dans une proportion de 67%.
Les personnes âgées entre 55 à 65 ans et les 65 ans et plus sont les moins enclins à une réduction du taux, avec 56% et 58% en faveur.
Les gens de 35 à 44 ans et de 45 à 55 ans sont en faveur à 59% et 64%.
Selon le sondage SOM-Les Coops de l’information, les femmes sont davantage favorables à une diminution de la limite permise que les hommes, dans des proportions de 65% contre 56%.
Les Montréalais sont les plus en accord avec une diminution du taux, dans une proportion de 66%, contre 50% dans la grande région de Québec et 57% ailleurs dans la province.
Les résultats de ce coup de sonde encouragent aussi l’Association pour la santé publique du Québec et Les mères contre l’alcool au volant (MADD Canada), deux organisations qui militent pour la diminution du taux permis aux conducteurs.
«Vraiment, ça démontre une accessibilité sociale. Avec toutes les discussions qu’il y a eu ces derniers temps dans les médias à ce sujet, c’est très positif de savoir qu’une majorité de Québécois sont en faveur», souligne la porte-parole de l’Association pour la santé publique du Québec, Marianne Dessureault.
Elle ajoute que l’organisation avait sondé des gens sur la question en 2018, en 2022, puis au printemps 2023.
Leurs résultats : 48% en 2018, 51% en 2022 et de 57% en 2023.
«Aujourd’hui, on parle de 61%, c’est vraiment intéressant. Maintenant, il faut une volonté politique», note Mme Dessureault.
«On ne lâchera pas!», a de son côté affirmé Marie Claude Morin de MADD Canada. «Le timing n’est peut-être pas bon pour un tel changement dans le climat politique actuel, mais on va continuer de militer et d’informer. Ça fait 20 ans qu’on en parle, je suis encouragée de voir que l’opinion publique change tranquillement», ajoute Mme Morin.
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Bien que la limite d’alcoolémie prévue par le Code criminel canadien est de 0,08, toutes les provinces prévoient aujourd’hui des sanctions administratives pour les conducteurs ayant un taux supérieur à 0,05.
La Saskatchewan a même abaissé cette limite à 0,04. Seul le Québec ne s’est pas doté d’un tel système de sanctions administratives pour les conducteurs qui soufflent un taux entre 0,05 et 0,08. Ces sanctions prévoient des amendes, des saisies de véhicule et des suspensions de permis de conduire.
Des projets de loi en ce sens n’ont rien donné dans le passé. Le gouvernement libéral du Québec a tenté sans succès de faire passer la limite permise à 0,05 en 2007, puis en 2010.
Depuis longtemps, l’Institut national de santé publique du Québec prône également pour la diminution du taux d’alcoolémie permis. Elle a d’ailleurs déposé des mémoires en ce sens à la Commission des transports, en 2010 et en 2018, rappelant que «la littérature scientifique est unanime quant à l’effet de l’abaissement du taux légal sur les collisions routières».
Dans une étude réalisée par l’Association pour la santé publique du Québec en 2022, on apprend que le nombre d’accidents mortels causés par l’alcool avait diminué de 52% en Colombie-Britannique, deux ans après l’instauration du système sanctionnant les automobilistes qui conduisent avec un taux supérieur à 0,05.
Pas moins de 23,5% des conducteurs qui sont décédés sur les routes du Québec en 2022 avaient un taux d’alcoolémie supérieur à 0,08, selon le plus récent bilan routier de la SAAQ.