Dans ce courriel directement adressé au ministère de l’Éducation provincial, les trois organismes n’y vont pas de main morte, décrivant un «manque de volonté» de la part gouvernement. Et d’enfoncer le clou: «Jusqu’à présent, le manque d’attention que le gouvernement a semblé porter à la pénurie, une situation frôlant la catastrophe pour le système scolaire de langue française, est difficile à expliquer.»
Au-delà de la colère contre le gouvernement conservateur avec lequel l’AEFO entretient depuis cinq ans des relations très froides, un constat s’en dégage tout de même: les lettres de permission intérimaire autorisant à un enseignant non certifié d’exercer ont augmenté de presque 400% en six ans, tandis que les banques de suppléants se vident.
En 2020, le gouvernement sous pression avait pourtant tenté de répondre par des projets pertinents: un partenariat avec l’Université Laurentienne afin de créer un nouveau programme hybride de formation initiale en enseignement, une modification des règlements permettant d’engager plus de professeurs francophones et l’élaboration de projets comme des salons de l’emploi et un portail de recrutement pour les conseils scolaires francophones.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/VP5K6JS2KRFN3OZEEL35NIPBDY.jpg)
Autant de mesures encore aujourd’hui insuffisantes pour colmater le déséquilibre de «l’offre et de la demande» d’un système comprenant 115 000 élèves. Au regard des statistiques des dernières années, ce nombre est en hausse constante dans les écoles de langue française, à la différence de leurs homologues anglophones.
Dans ces conditions, le lancement d’un baccalauréat en éducation à l’Université de l’Ontario français (UOF) pour la rentrée 2023 conjugué au rétablissement du programme accéléré de formation des enseignants d’éducation technologique en français par l’Université d’Ottawa, constituent des notes encourageantes… sans s’attaquer aux racines du problème.
La responsabilité du gouvernement reste entière, même si sa culpabilité doit être partagée avec d’autres responsables politiques. En 2015, les libéraux alors au pouvoir avaient ordonné le passage du programme de formation des enseignants d’un à deux ans, sans anticiper la baisse des inscriptions faisant suite à cette décision.
Pour ne rien arranger, des facteurs externes concourent à l’incapacité de pourvoir immédiatement les postes. D’une part, la désaffection du métier est de plus en plus grande, particulièrement chez les francophones. C’est sans compter que cette profession noble ne correspond plus tout à fait aux attentes de milliers de candidats potentiels séduits par le mode virtuel hérité de la pandémie. Enfin, la pénurie de main-d’œuvre observable dans l’ensemble des professions amplifie les difficultés.
À défaut d’inverser la lourde tendance, le gouvernement pourrait au moins arrêter l’hémorragie. Des mesures sont possibles. À commencer par l’augmentation des places d’enseignants en faculté, un dossier sur lequel le ministère de l’Éducation possède le dernier mot, ou encore l’accélération du processus d’accréditation des enseignants venant de l’étranger. Cette manne pour répondre à la pénurie se heurte toujours aux obstacles administratifs.
Les discours volontaristes de promouvoir la francophonie, et l’immigration de locuteurs de langue française, en Ontario, ne peuvent s’affranchir d’une politique musclée pour contrer une pénurie aux effets dévastateurs sur le long terme.
Le rétablissement d’un dialogue sain et constructif entre le gouvernement et les principaux acteurs francophones du monde enseignant serait au moins une première étape.
•••
Sébastien Pierroz est journaliste et producteur pour la franchise d’actualité ONFR+ du Groupe Média TFO