Effectivement, pour ce qui est des « maisons des aînés et alternatives », il semble que le gouvernement et l’Office québécois de la langue française aient oublié de se parler.
J’ai déjà abordé dans cette chronique l’adjectif alternatif. Celui-ci est encore critiqué quand il est employé dans le sens de « relatif à une solution de remplacement » ou, dans certains cas, pour désigner des pratiques ou événements offrant d’autres choix que ceux de la société de consommation, des tendances dominantes, des autorités reconnues, des préférences populaires, etc.
Or, même si cet emploi d’alternatif est aujourd’hui très répandu, voire considéré comme acceptable par certaines sources dont le Petit Larousse, il est toujours déconseillé par le Grand dictionnaire terminologique (GDT).
Ainsi, ce dernier nous suggère de remplacer « festival alternatif » par « festival parallèle », « route alternative » par « itinéraire facultatif », « école alternative » par « école innovatrice », « médecine alternative » par « médecine douce »...
Radio alternative
L’adjectif alternatif, si on se fie à ceux et celles qui le critiquent, devrait plutôt être réservé à tout ce qui présente une alternance, par exemple un mouvement alternatif (pour un mouvement de va-et-vient tels un piston, une pendule, la marée), le courant alternatif, une présidence alternative (à tour de rôle), etc.
Pensez au célèbre gag de François Pérusse lorsqu’il parodiait les radios communautaires : « Vous écoutez CDKC, la radio alternative : des fois, a marche, des fois, a marche pas. »
Maintenant, je suis à peu près certain que le gouvernement, en créant des maisons alternatives, ne voulait pas parler de maisons qui remplissent leur rôle une fois sur deux. Mais étant donné que certaines maisons des aînés sont aussi destinées à accueillir des adultes handicapés n’ayant pas encore atteint le troisième âge, il fallait trouver une façon d’exprimer cette réalité. On a choisi « maison alternative ».
À partir de là, soit on les baptise autrement (ce qui est un peu tard, vous l’admettrez), soit on cesse de critiquer alternatif en ce sens... en quel cas l’OQLF devra réécrire plusieurs fiches du Grand dictionnaire terminologique.
Aînés et handicapés
Mais il y a un autre problème : quand un de ces établissements héberge à la fois des personnes aînées et des personnes handicapées, on se retrouve devant une « maison des aînés et alternative ».
Ce qui enfreint une règle : lorsqu’on coordonne deux éléments avec la conjonction et, il faut normalement que ces éléments soient de la même catégorie grammaticale (ce qu’on appelait la nature des mots dans l’ancienne grammaire).
Or, nous avons ici un nom complément (aînés) et un adjectif (alternative). Ça ne va pas du tout.
À la défense du gouvernement (et d’un peu tout le monde), cette règle n’est pas très connue ni même enseignée. Moi-même, je n’avais aucun souvenir de l’avoir apprise dans mon parcours scolaire, jusqu’à ce qu’un lecteur me reprenne dans ma propre chronique, en 2010. J’avais écrit qu’une académie est une « société savante ou d’études ».
En fait, oui, je me suis rappelé par la suite qu’à l’université, une professeure nous avait donné comme exemple la phrase suivante : « Elle s’habille en hâte et en bleu. » Il était évident que quelque chose clochait, mais je n’avais pas extrapolé outre mesure. J’ai donc fait quelques recherches en 2010 et je n’ai trouvé trace de cette règle que dans quatre ouvrages : le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Dictionnaire Bordas et le Dictionnaire des difficultés de la langue française de Thomas.
« J’aime le dessin et patiner »
Cette règle existe surtout pour nous éviter des tournures grossières, comme « j’aime le dessin et patiner » (nom et verbe) au lieu de « j’aime le dessin et le patin », ou « j’aime dessiner et patiner ».
Mais encore aujourd’hui, je me rends compte que la plupart de mes collègues l’ignorent et coordonnent allègrement des éléments asymétriques. Ces jumelages douteux se retrouvent même dans des appellations officielles, comme ici à Sherbrooke, avec le Centre culturel et du patrimoine Uplands.
J’ai quand même découvert que certains grammairiens tolèrent ces constructions, notamment parce que de grands auteurs les ont commises. C’est le cas d’Usito, qui donne les deux exemples suivants.
Un produit inodore et sans saveur.
Il était simple et d’une profonde sincérité.
Bref, il serait intéressant que l’OQLF se penche là-dessus et rédige une fiche dans la Banque de dépannage linguistique, pour que l’on sache à quel saint se vouer.
Mais cela m’étonnerait qu’on nous propose des « maisons des aînés et des handicapés ». Ce dernier mot va à l’encontre de la rectitude politique, même s’il serait le plus logique.
PERLES DE LA SEMAINE
J’ai profité de mes trois mois de pause pour glaner quelques coquilles de mes collègues. La plupart ont été corrigées avant publication.
Huit clos ministérirel : Trudeau et ses troupes se prépare à l’automne.
Cette ambiance de fête s’est maintenue jusqu’à la fin du spectacle, alors que Garou, une vraie bête de scène, enchaînait les succès « Sous le vent », « Belle », « Gitant » [Gitan]...
La femme de 25 ans aurait été arrêtée et accusée de plusieurs chefs d’accusation.
Infractions terrosite : un membre de l’armée britannique accusé.
Thierry Larose se permet aussi d’exprimer sa déception [...] quand il contemple [...] le faussé qui se creuse entre les générations.
Questions ou commentaires?