La nouvelle de son arrestation, rendue publique lundi soir, pourrait passer comme un fait divers parmi tant d’autres. Mais force est de constater que lorsqu’on étudie les détails entourant le dossier de cet homme de 36 ans originaire de Saint-Barnabé, on échappe depuis plusieurs mois à ce qui aurait pu, à plusieurs reprises, tourner au drame. Un drame évité sur un territoire où les patrouilleurs se relèvent encore péniblement de la mort de leur consoeur Maureen Breau, tuée lors d’une intervention auprès d’Isaac Brouillard-Lessard, un individu à l’état mental perturbé et qui avait, à plusieurs reprises, été remis en liberté en raison de sa non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux.
Selon mes sources, Maxime Bourassa, qui n’en était pas à ses premiers démêlés avec la justice, présentait un profil semblable. Maintes fois arrêté pour des menaces et des gestes violents envers des personnes en autorité, maintes fois déclaré non criminellement responsable en raison de troubles mentaux, maintes fois remis en liberté avec suivi.
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Il s’est présenté au poste de la MRC de Maskinongé en août 2022. Il était alors armé d’une hache et a tenté de pénétrer dans le poste pour s’en prendre directement à des policiers. Incapable de franchir la porte d’entrée, il aurait fait le tour du bâtiment et se serait rendu dans la cour arrière du poste en brandissant sa hache.
Lorsque les policiers sont intervenus pour procéder à son arrestation, il les aurait suppliés de lui tirer dessus. Intoxiqué et visiblement en psychose, l’homme a été maîtrisé et a comparu en lien avec ces événements.
Deux mois plus tard, en octobre 2022, il s’est de nouveau fait arrêter alors qu’il était garé dans le stationnement de ce même poste de police. Il a été remis en liberté en signant une promesse de ne pas troubler l’ordre public. Au lendemain de ces événements, il était de nouveau arrêté près de Yamachiche lors d’une altercation avec une autre personne. Lors de son arrestation, les policiers ont constaté qu’il avait en sa possession plusieurs armes blanches et proférait de nouveau des menaces envers les policiers.
En 2019, le même manège se serait produit à Repentigny. À au moins quatre reprises, l’homme a été arrêté en possession d’armes blanches ou de haches. Dans la plupart de ces cas, il menaçait de tuer quelqu’un. En octobre 2019, Maxime Bourassa se serait introduit par effraction dans un poste de pompier, avec la même intention de s’en prendre à des personnes en autorité. Il était cette fois armé d’un pied de biche, et était très agressif, selon nos sources.
Visiblement, les événements d’août et d’octobre 2022 à Louiseville n’ont pas suffi à faire cesser le manège. En juin dernier, Bourassa était arrêté à Repentigny pour voies de fait sur un agent de la paix. L’homme était intoxiqué et avait un long couteau caché dans son chandail. Cette fois, il a écopé de 21 jours de détention pour ces événements.
Deux mois plus tard, en août dernier, il était arrêté à l’aréna de Repentigny après avoir frappé un agent de sécurité et avoir menacé de mettre le feu au bâtiment. Les policiers qui ont procédé à son arrestation ont trouvé des lames de rasoir cachées dans ses chaussures.
C’est mardi dernier, alors qu’il se rapportait à un agent de probation, que Maxime Bourassa aurait proféré de nouveau des menaces envers certains membres du poste de police de la MRC de Maskinongé. Il aurait dit avoir des cibles précises et aurait répété être prêt à passer à l’action.
Le dossier s’est retrouvé sur le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales qui, selon mes sources, aurait plutôt proposé un 810, soit la signature d’une promesse de ne pas troubler l’ordre public. La décision du DPCP aurait causé la commotion dans le milieu policier, autant à l’Assomption, là où demeurait l’homme, qu’à Maskinongé.
Les enquêteurs des crimes majeurs auraient alors déployé de nombreux efforts, notamment avec l’aide de spécialistes en profilage et de psychologues judiciaires, afin d’étoffer leur dossier pour revenir à la charge et demander de nouveau un mandat d’arrestation, qu’ils ont finalement obtenu et exécuté vendredi avec la collaboration du Groupe tactique d’intervention. Ainsi, pendant deux jours, les policiers et policières de Maskinongé ont été en hypervigilance, avec des mesures de sécurité spéciales pour assurer leur protection.
Maxime Bourassa, visiblement, avait besoin d’un encadrement strict, il avait besoin d’aide. «Qu’est-ce qu’il faisait en liberté», me demande une source policière proche du dossier, qui n’hésite pas à qualifier les derniers jours de véritable commotion pour les patrouilleurs de la Sûreté du Québec. «S’il représente une menace envers nous, on peut facilement penser qu’il représente une menace pour n’importe qui», continue cette source.
C’est précisément pour des cas comme celui de Maxime Bourassa et d’Isaac Brouillard-Lessard que l’Association des policiers et des policières du Québec (APPQ) a lancé, le printemps dernier, une pétition réclamant des changements importants dans l’encadrement des personnes potentiellement violentes dont l’état mental est perturbé. Déposée à l’Assemblée nationale, la pétition a recueilli près de 25 000 signatures, soit l’une des pétitions en ligne les plus signées de l’histoire de l’institution.
Mais on connaît la suite: la CAQ a refusé d’en faire un débat public, assurant plancher sur un plan d’action.
À Louiseville, la semaine dernière, bien des policiers auraient aimé voir les grandes lignes de ce plan d’action être appliquées sur le terrain. Bien des policiers auraient aimé qu’on les aide et qu’on assure leur sécurité, ce qu’ils réclament sans cesse depuis la mort de leur consoeur. Mais depuis le décès de Maureen, beaucoup vous le confirmeront, rien n’a véritablement changé...
Maxime Bourassa doit revenir en cour le 29 septembre prochain pour la suite des procédures. C’est à ce moment que l’on saura si le tribunal le remet en liberté moyennant de nouveau un suivi, une décision qui doit être prise en fonction de nombreux critères, dont celui de ne pas miner la confiance du public envers le système de justice.
«En tout cas, notre confiance à nous, elle est solidement ébranlée», ajoute un policier qui a préféré demeurer anonyme.