Chronique|

L’art de reconnaître ses erreurs

Si la mairesse France Bélisle veut vraiment amener son conseil municipal à travailler de manière plus constructive, elle devra commencer par reconnaître ses propres erreurs.

CHRONIQUE / Si la mairesse France Bélisle veut vraiment amener son conseil municipal à travailler de manière plus constructive, elle devra commencer par reconnaître ses propres erreurs. Or pour une raison qui m’échappe, c’est une chose qu’elle semble incapable de faire.


À la fin août, la mairesse a accusé le chef d’Action Gatineau, Steve Moran, d’avoir enfreint le code d’éthique des élus municipaux en marchandant son appui à un projet immobilier au centre-ville contre plus de logements sociaux.

Mme Bélisle n’y était pas allée de main morte, allant jusqu’à citer l’article 3.4 du code à l’appui de ses dires. «On ne peut pas échanger une prise de position en fonction d’une demande», prétendait-elle alors, ajoutant qu’il lui paraissait «assez évident» que le chef d’Action Gatineau avait enfreint les règles.

La mairesse s’engageait tout de même à valider son interprétation du code. On lui a d’ailleurs reproché d’avoir lancé des accusations AVANT de faire ses validations. Ce qui devrait être la moindre des choses, surtout lorsque de telles accusations remettent en question l’intégrité d’un élu.

Des experts cités par Le Droit se sont ensuite prononcés pour dire qu’un élu ne se met pas en conflit d’intérêts lorsqu’il exige des concessions pour le bien public en échange de son vote. Lorsqu’un élu tente d’aller chercher un maximum de bénéfices pour sa communauté (comme plus de logements sociaux), il ne fait que son travail, de dire Stéphane Émard-Chabot, un spécialiste du droit municipal.

Cinq semaines plus tard, le conseiller Moran a demandé à la mairesse de se rétracter, jugeant que les allégations dont il avait été la cible attaquaient son intégrité. Or Mme Bélisle, qui semble toujours incapable de démontrer de manière convaincante que le chef d’Action Gatineau a commis une faute déontologique, refuse de lui céder un pouce de terrain.

Au cours d’un point de presse assez décousu, mardi, elle a cependant refusé de dire si elle avait déposé une plainte contre M. Moran auprès de la commission municipale du Québec, l’organisme chargé d’enquêter sur les allégations en matière de déontologie municipale.

Pour M. Moran, c’est la reconnaissance implicite que les accusations portées à son égard sont sans fondement. Il continue de demander à la mairesse de se rétracter.

Or loin de reconnaître qu’elle est allée trop loin, la mairesse a plutôt réaligné ses reproches à M. Moran. Elle ne parle plus de faute déontologique, mais laisse plutôt entendre que M. Moran aurait enfreint la «politique des transactions immobilières» de la Ville de Gatineau. En quoi exactement? On attend toujours les explications de la mairesse.

Dans ce même point de presse qui partait dans tous les sens, la mairesse a accusé le parti Action Gatineau d’avoir attaqué maintes fois son intégrité au cours des deux dernières années de son mandat. Lorsqu’on lui demande de préciser en quoi, elle a été incapable de fournir le moindre exemple.

«Je pense que ce combat dans la boue n’est pas nécessaire», finit-elle par répondre. Mais madame la mairesse, qui lance de la boue à qui dans cette affaire?

Le plus triste, c’est que la mairesse n’a sans doute pas tout faux. Quand elle dit ressentir un malaise à voir un élu municipal s’ingérer à la dernière minute dans une vente de terrains municipaux au centre-ville, je la comprends. C’est un point qui mérite d’être examiné plus à fond. Moi aussi, je trouve assez spécial qu’un promoteur négocie de gré à gré avec un conseiller municipal pour obtenir son vote. Ça peut tout à fait, comme le prétend la mairesse, court-circuiter le travail des fonctionnaires chargés de négocier le dossier avec le promoteur.

Mais jusqu’à preuve du contraire, M. Moran n’a pas enfreint le code d’éthique en agissant de la sorte. La mairesse, qui dit vouloir ramener une ambiance constructive autour de la table du conseil municipal, devrait l’admettre. Les vrais leaders ne craignent pas de reconnaître leurs erreurs, surtout quand celles-ci ont causé du tort à autrui. Elle a des comptes à rendre à M. Moran.