Chronique|

Un bruit à rendre fou

Je sympathise de tout cœur avec les résidents des Hautes-Plaines qui subissent, depuis des années, un concert de sons stridents et lugubres en provenance du parc industriel voisin.

CHRONIQUE / Oui, le bruit peut vous rendre cinglé.


Je sympathise de tout coeur avec les résidents des Hautes-Plaines qui subissent, depuis des années, un concert de sons stridents et lugubres en provenance du parc industriel voisin.

Les résidents sont allés se plaindre au conseil municipal de Gatineau plus tôt cette semaine. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. Ils ont beau déposer plainte après plainte à la municipalité, celle-ci a les mains liées. Les activités du parc industriel sont… tout à fait légales. Certains entrepreneurs ont des droits acquis.

La situation n’en est pas moins intolérable pour le voisinage. Le Droit a publié un enregistrement des bruits industriels qui empoisonnent leur vie et qui proviennent des activités d’un ferrailleur installé à quelques dizaines de mètres de leurs propriétés.

On y entend un bruit sinistre de tôle froissée à vous faire dresser les poils sur les bras. J’ai pensé à ces films où un sous-marin en perdition s’enfonce dans les profondeurs. Vous savez, le craquement de la coque du submersible qui cède sous la pression intolérable de l’eau?

(Association du Dôme)

Ce son-là, précisément.

Un son… imprévisible. Qui peut retentir à tout moment. Alors que tu bois ton café, que tu t’installes devant ton ordi, que tu dînes avec ta blonde… Bang! Une claque sonore en arrière de la tête. Qui devient, à la longue, une véritable torture. L’équivalent auditif du supplice de la goutte…

Des résidents éprouvés par le bruit disent avoir développé des maux de tête, de l’anxiété. Je n’ai pas de misère à le croire. On aurait tort de minimiser leur mal. Ces gens-là ne fabulent pas.

L’exposition au bruit «environnemental» a des conséquences sur l’audition, la qualité du sommeil, la concentration et même sur la santé cardiovasculaire, affirme l’Institut de la santé publique du Québec (INSPQ) dans un guide sur la prévention du bruit environnemental publié en 2018.

Le bruit est plus qu’une nuisance, ajoute l’INSPQ. C’est un stresseur, un polluant environnemental. Il constitue un risque pour la santé et la qualité de vie de la population. Le bruit est aussi un risque économique: il fait diminuer la valeur des maisons, faisant chuter d’autant les revenus de taxes des villes…

Gatineau aurait tort de minimiser le problème. Même si, dans le cas des Hautes-Plaines, on voit difficilement ce qui peut être fait pour résoudre l’impasse. Tout le monde est dans son droit. La quête de quiétude des résidents est tout à fait légitime. Tout comme le désir des industries de poursuivre leurs activités durant les heures d’ouverture. Aucune loi n’est enfreinte dans ce dossier. C’est bien là le drame: aucune solution évidente ne pointe à l’horizon. La cohabitation est et restera difficile.

Par contre, ce cas peut servir de leçon pour l’avenir. Car à mesure que les villes s’étendent, elles se rapprochent des zones industrielles. Chaque fois, ça cause des problèmes de cohabitation. On le voit en Outaouais à Val-des-Monts où la présence d’un parc industriel près des maisons est vivement contestée par les riverains. On l’a vu sur la montée Chauret, à Gatineau, où des activités industrielles (illégales dans ce cas-ci) ont rendu fou le voisinage.

Et si on n’y prend garde, on risque de s’aligner bien sur le même genre de problème à Gatineau. La municipalité vient tout juste d’acquérir un vaste terrain pour construire une école sur le chemin Pink à deux pas… du parc industriel Vernon.

Va-t-on répéter à cet endroit le drame des Hautes-Plaines? Est-ce que les écoliers devront subir des grincements de tôle froissée? Est-ce que les profs devront crier par-dessus la machinerie lourde pour se faire entendre en classe?

En lisant le guide de l’INSPQ sur la prévention du bruit environnemental, une chose m’est apparue clairement. Les actions les plus efficaces pour contrer la pollution sonore se font… en amont. Il faut prévenir. Quand on prévoit, les moyens techniques pour atténuer la pollution par le bruit ne manquent pas: murs ou buttes antibruit, écrans végétaux, zones tampons…

De nos jours, on peut même insonoriser la façade des bâtiments exposés à une route ou concevoir des bâtiments «écrans» pour intercepter les décibels en provenance d’une source polluante.

L’exemple des Hautes-Plaines démontre que les problèmes de cohabitation d’usage se guérissent mal. Mieux vaut les prévenir. À défaut de mieux, le drame de ces riverains devrait servir de leçon.