Depuis que la Ville de Sherbrooke a annoncé son intention de permettre la construction de logements additionnels (unités d’habitation accessoires) sur des terrains ayant déjà une maison, on ressent plusieurs craintes dans la population.
Le 29 août dernier, le projet a été mal reçu lors d’une consultation à Fleurimont. Le lendemain, dans les Nations, le débat s’est déplacé vers le logement étudiant, dossier toujours sensible autour de l’Université de Sherbrooke. Plusieurs inquiétudes sont revenues dans les autres consultations d’arrondissement sur le sujet.
Les inquiétudes ne sont pas loufoques. En théorie, si plus de logements s’installent sur une rue, ça peut avoir un impact sur la circulation, sur les infrastructures, sur la tranquillité. Du moins, s’il y a plusieurs ajouts de logements.
Sauf que ce n’est pas ça qui se passe.
La Ville de Victoriaville a adopté un règlement permettant des UHA en 2019. Un employé de la Ville m’a confirmé qu’un seul permis a été délivré jusqu’à maintenant.
La Ville de Sainte-Catherine, en banlieue de Montréal, le permet depuis février 2022. Depuis, une seule construction – pas encore terminée au moment d’écrire ces lignes, selon un échange avec une employée.
La Ville de Granby, de son côté, permet ce type de construction depuis 2021. La Ville a obtenu deux demandes de projet.
Bref, ce n’est pas la folie.
Si on additionne tout ça, ça donne 4 personnes sur 128 000, soit 0,003%.
Si on comparait la densification à une bière, on ne serait pas loin d’une bière sans alcool. C’est très doux.
Tout ça pour ça?
Est-ce que ça veut dire que les gens ont paniqué pour rien? Non. C’est correct de débattre sur les principes et d’évoquer ses craintes. C’est à ça que servent les consultations. Après, il faut juste les mettre en perspective.
Est-ce que ça signifie que ce projet de règlement de la Ville de Sherbrooke ne sert à rien? Non. Même si ce n’est pas ça qui va changer quelque chose à la crise du logement, cette possibilité va quand même répondre à certains besoins.
Il est vrai que dans certaines villes, ça peut permettre la construction d’un triplex derrière un autre triplex. Quand je restais à Québec, c’était exactement ma situation. Il y avait un duplex dans la ruelle, derrière « mon » triplex. Mais c’était aussi dans un quartier où on ne retrouvait que ça, des triplex ou des duplex.
Ce n’est pas ça qui serait permis derrière une maison unifamiliale. Il faut que ce soit cohérent à la construction principale et à la trame urbaine du quartier. Donc, ce n’est pas un duplex qui ferait son apparition dans la cour d’une maison de la rue Allard dans Fleurimont.
Ce qu’il y a plus de chances d’arriver dans une rue comme Allard, c’est un projet de maison multigénérationnelle, où une famille voudrait cohabiter avec les grands-parents tout en leur donnant un peu d’intimité, ce que permet un logement dans la cour. Ou au jeune qui demeure dans la résidence familiale le temps de ses études à l’université, mais qui veut une plus grande indépendance. Cette proximité rassure aussi des parents pas prêts à voir leur enfant partir de la maison.
Ne serait-ce que pour ça, tout le projet de règlementation pour du logement additionnel est pertinent. Et si, en plus, dans certains quartiers plus denses, un duplex apparait derrière un quadruplex, tant mieux! Mais faut pas s’attendre à voir la trame urbaine changer.
Ce projet règlementaire sert bien plus à permettre une plus grande diversité de cohabitation dans les ménages qu’un projet de densification douce.
Du moins, pour le moment. Dans quelques années, peut-être que le principe sera mieux connu et que certaines personnes sauront davantage comment l’utiliser intelligemment, mais on le voit bien, présentement, on parle de cas d’exception, de projets isolés.
Tout le travail de Ville de Sherbrooke autour de ce projet de règlement n’est pas inutile, même s’il va concerner que quelques cas rares. Tout ce qui a un impact sur l’urbanisme ou la qualité de vie doit être fait comme il faut. Incluant les consultations qui ont permis plusieurs ajustements.
Densification douce? Bof, pas tant que ça. Mais ça va permettre des projets humains, et ça aussi c’est important.
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