Chronique|

Vous pourrez mourir un peu plus où vous voulez

La nouvelle aide médicale à mourir québécoise sera davantage revue et corrigée qu’on le pensait. Une toute nouvelle porte vient de s’ouvrir.

CHRONIQUE / Les Québécois se qualifiant à l’aide médicale à mourir pourront d’ici quelque temps choisir un peu plus de quitter la vie là où ils le souhaitent. Par exemple, dans un parc national.


La nouvelle aide médicale à mourir québécoise sera davantage revue et corrigée qu’on le pensait. Une toute nouvelle porte vient de s’ouvrir.

Ce qui est fascinant, c’est que personne, ni au gouvernement ni au sein des partis d’opposition, ne pensait aller jusque-là il y a encore seulement deux semaines. Comme quoi, les choses peuvent aller très vite.



Il faut savoir que l’actuelle loi québécoise restreint l’administration de l’aide médicale à mourir à trois lieux : un établissement de soins de santé (hôpital ou CHSLD), une maison de soins palliatifs ou le domicile. Nulle part ailleurs.

L’amendement voté ce mardi par les députés réunis en commission parlementaire élargit le champ des possibilités. Il se lit comme suit : «L’aide médicale à mourir peut être administrée dans un autre lieu [que ceux déjà prévus] de manière à assurer le respect de la dignité et de l’autonomie de la personne ainsi que le caractère important de ce soin, pourvu que ce lieu soit préalablement autorisé par le directeur des services professionnels ou le directeur des soins infirmiers de l’instance locale visée à l’article 99.4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.»

C’est majeur.

La discussion là-dessus a commencé la semaine dernière en commission parlementaire. Au départ, les élus de l’opposition ont ressenti un vrai malaise.



Mais cette commission parlementaire a ceci d’extraordinaire que plus il est question d’un nouvel aspect, plus les députés finissent par trouver une logique de fond à l’avancée dont ils discutent.

À force de discussions, ils ont fini par trouver une formule qui les rassure tous un peu plus, puisque l’amendement retenu précise que les demandeurs devront obtenir une autorisation du directeur des services professionnels ou de celui des soins infirmiers concernant le lieu qu’ils ont choisi.

Heureusement que cette précision a fini par être apportée. Personnellement, mon malaise serait plus grand sinon.

Cet ajout sur cette autorisation préalable découle d’une suggestion du péquiste Joël Arseneau.

Sur le fond des choses, en ce domaine, il faut toujours craindre un effet de banalisation et redouter une forme de commercialisation, même quand on jure que cet écueil sera évité.

L’argument principal de la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, qui poussait dans cette direction depuis quelques jours, est que l’aide médicale à mourir au Québec a toujours été guidée par un principe phare, celui de l’«autodétermination» de la personne concernée, du respect de ses choix.



Si on peut choisir la date, pourquoi pas le lieu? Oui, il y a une logique à cela.

On ouvre en même temps une porte vers l’inconnu. À tout le moins vers quelque chose de nouveau.

Le débat a surgi lorsque La Presse a découvert qu’un complexe funéraire du Haut-Richelieu offrait à ses clients de recevoir l’aide médicale à mourir dans ses locaux moyennant environ 700$, un coût lié à la location d’une salle. L’aide médicale à mourir comme telle est couverte par l’assurance maladie.

Pour le gouvernement, et pour les partis d’opposition, il demeure hors de question que qui que ce soit puisse faire la promotion de l’aide médicale à mourir et exiger des frais même indirectement. Mais rien en théorie, au-delà de ça, ne pourra empêcher qu’elle soit administrée dans un salon funéraire ou dans une chambre d’hôtel, ou devant un lac, dans un champ bucolique, sur un terrain de camping ou dans un parc national ou municipal.

Avant d’accorder son autorisation, le directeur des services professionnels ou le directeur des soins infirmiers devra consulter les propriétaires des lieux éventuellement choisis. Parcs Canada ou la Société des établissements de plein air du Québec, par exemple. Ou encore une administration municipale.

C’est un changement aussi imprévu que majeur, même si dans l’esprit des parlementaires on vient encadrer les choses, installer des balises.

Élargissement

En commission parlementaire, les députés ont modifié un autre élément important du projet de loi, celui qui devait concerner les personnes souffrant d’un «handicap neuromoteur» grave et incurable.

Cette notion a été jugée à la fois trop restrictive et trop floue. Elle a été remplacée la semaine dernière par celle de «déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes». Cette définition est plus large.



Rappelons que le projet de loi porté par la ministre Sonia Bélanger ajoute à la législation actuelle la possibilité de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir, de l’élargir aux personnes ayant un diagnostic de maladie grave et incurable menant à une inaptitude, comme dans le cas de l’Alzheimer, par exemple. C’est le volet le plus connu. Celui-ci entrera en vigueur d’ici 18 à 24 mois.

En conclusion, retenons que la commission parlementaire a élargi le champ d’application de la loi québécoise plus que n’importe qui ne pouvait l’imaginer au départ.