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Contributions au Fonds de solidarité, ce ne sera plus comme avant!

En 2024, les personnes ayant déclaré des revenus de plus de 112 665 $ en 2022 pourront toujours acheter des parts de travailleurs, mais sans bénéficier des fameux crédits. L’intérêt pour le REER du Fonds de Solidarité et celui de Fondaction devrait donc disparaître ou presque chez les hauts salariés.

CHRONIQUE / Le Fonds de solidarité FTQ tenait son assemblée des actionnaires ce week-end, sa direction réservait pour l’occasion une bonne nouvelle pour les épargnants : les contributions forfaitaires allaient être de retour à compter de l’exercice de 2024-2025.


Qu’est-ce que ça veut dire? À partir du 1er juin l’année prochaine, on pourra de nouveau cotiser au REER du fonds de travailleurs à l’aide d’un versement unique. Ce n’était plus possible depuis 2021. Toutefois, ne vous attendez pas à ce que ça revienne à la situation d’avant. L’accès risque d’être restreint.

Encore aujourd’hui, il n’y a qu’un moyen pour acquérir des parts du Fonds de solidarité: par prélèvements sur la paie. Cela suppose qu’on doit être salarié et œuvrer pour une entreprise où le système est en place. Depuis plus de deux ans, donc, les travailleurs autonomes se cognent le nez aux portes de ce REER qui, en plus de la déduction fiscale habituelle, offre des crédits d’impôt de 30 %.



La direction du Fonds de solidarité le reconnaît, la situation est inéquitable pour toute une catégorie de travailleurs. C’est d’autant plus ennuyeux que Janie Béïque, présidente et cheffe de la direction du Fonds, s’est lancée dans une croisade pour favoriser l’épargne-retraite.

C’est dans cette optique que le Fonds s’est fixé pour objectif de recruter en cinq ans 100 000 nouveaux actionnaires-épargnants parmi les travailleurs qui gagnent moins que le salaire moyen ou qui ne participent pas à un régime complémentaire de retraite. Ça ressemble étrangement à la définition du travailleur autonome… C’est gênant.

La capacité du Fonds de la FTQ à accueillir des cotisations forfaitaires se trouve sous pression depuis le bond sans précédent du taux d’épargne provoqué par le confinement des années «pandémie». L’organisation a dû absorber un afflux de capitaux hors de l’ordinaire depuis 2020. Or, les fonds de travailleurs (incluant Fondaction, de la CSN) ne disposent pas d’une capacité infinie à récolter de l’argent, sans toutefois pouvoir refuser les nouveaux actionnaires qui choisissent le prélèvement sur la paie. Ils sont entre autres limités par les gouvernements qui renoncent à des revenus fiscaux en accordant les crédits d’impôt (15 % à Québec et 15 % à Ottawa), et quand ils approchent du seuil de tolérance, ils doivent restreindre les entrées de fonds en fermant l’accès aux cotisations uniques.

Depuis 18 mois, toutefois, le taux d’épargne n’atteint plus les niveaux pandémiques, loin de là! Les consommateurs ont retrouvé leur pleine liberté de dépenser, et ils ne s’en privent pas. D’un autre côté, de nombreux ménages doivent composer avec la hausse vertigineuse des intérêts hypothécaires, beaucoup sont contraints de rogner dans l’épargne.

La perte des crédits d’impôt pour les contribuables à revenu élevé, une mesure annoncée en mars par le ministre des Finances Eric Girard, libérera aussi de la capacité. En 2024, les personnes ayant déclaré des revenus de plus de 112 665 $ en 2022 pourront toujours acheter des parts de travailleurs, mais sans bénéficier des fameux crédits. L’intérêt pour le REER du Fonds de Solidarité et celui de Fondaction devrait donc disparaître ou presque chez les hauts salariés.



Loin du bar ouvert

Autre nouveauté annoncée au dépôt du dernier budget québécois, la durée minimale de détention des actions des fonds fiscalisés sera haussée, elle passera de deux à cinq ans. Même si ce n’était pas le but, ce changement risque d’atténuer l’attrait pour le Fonds de Solidarité et Fondaction chez certains épargnants qui approchent de la retraite, laissant ainsi plus d’espace pour accepter les cotisations uniques.

Beaucoup d’espace? Le porte-parole du Fonds de solidarité, Patrick McQuilken, se garde bien d’avancer des chiffres ou des proportions, mais je comprends de nos échanges que ce sera loin du bar ouvert. Au contraire, il s’annonce limité.

Dans un communiqué de presse diffusé dans la foulée de l’assemblée de la fin de semaine, le Fonds précise qu’il divulguera ultérieurement « les modalités » pour le rétablissement des contributions forfaitaires. De quelles modalités? Patrick McQuilken affirme que diverses approches sont à l’étude, que la solution retenue dépendra de « la capacité de leur système ».

On doit comprendre qu’on ne reviendra pas à l’ancienne formule, premier arrivé, premier servi. Auparavant, le Fonds annonçait l’ouverture des contributions forfaitaires puis fermait les portes une fois le plafond atteint. La dernière fois, en juin 2021, la période de cotisation n’a même pas duré une semaine.

Le modèle qui vient à l’esprit, c’est celui de Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD). Les actions de CRCD offrent des avantages fiscaux similaires aux parts de fonds de travailleurs. Le processus de souscription est toutefois différent.

À la nouvelle émission d’actions, Desjardins procède d’abord à un appel d’intérêt. Les membres annoncent leurs intentions d’achat à l’étape de « présouscription ». Si la demande est inférieure au nombre de parts disponibles, tout le monde pourra acquérir le nombre d’actions qu’il désirait. Si l’appétit des épargnants dépasse l’offre, les parts sont attribuées par tirage. Le porte-parole du Fonds de solidarité n’a pas voulu confirmer si la solution figurait dans les cartons, sans réfuter cette possibilité.



De quoi pourrait-il s’agir d’autre?

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La semaine avant l’assemblée générale, le Fonds de la FTQ demandait à ses actionnaires-épargnants de vérifier s’ils étaient toujours admissibles au crédit d’impôt pour 2024. On doit retourner à la ligne 299 de sa déclaration de revenus de 2022. Si le montant indiqué dépasse 112 665 $, oubliez le cadeau fiscal pour vos contributions de 2024. Celles effectuées durant les 60 premiers jours de 2024 seront attribuées à l’année 2023, à moins d’avoir déjà atteint la cotisation maximale autorisée aux fonds de travailleurs, soit 5000 $ par année.

Selon votre situation, vous devez aviser votre employeur de cesser les retenues à la source, avant la fin décembre 2023 ou avant la fin février 2024.