Le public a réservé un accueil de superstar à la bande dont les membres ont fait leur entrée en scène sur une musique solennelle, très Ô Canada, plutôt décalée pour des festivités entourant la Saint-Jean.
Effervescents et frénétiques dès le début de leur concert, les rockeurs drummondvillois se sont empressés de galvaniser la foule en lançant Hawaïenne.
Leur prestation était truffée de vieux succès et autres cris de ralliement, mais ils ont aussi fait la part belle à leur dernier album, Présence d’esprit, paru à l’automne. On a pu constater que les fans étaient nombreux à pouvoir reprendre en chœur les refrains de ces plus récentes compositions – en particulier Vol à l’étalage et la fort jolie ballade Pâté chinois – avec autant de facilité que les succès tirés des six albums précédents.
La présence de la rivière en bord du site a incité le groupe à jouer avec la thématique de l’eau.
«On a la chance de jouer ce soir près de l’eau et ça, ça nous excite à chaque fois», a convenu le chanteur et guitariste Simon Proulx, avant d’entonner Tout nu sur la plage (que le public avait déjà commencer à lui réclamer à corps et à cris).
Le band n’en était pas à son premier rodéo au parc des Cèdres, et les musiciens ne gardent que d’excellents souvenirs de leurs passages antérieurs, a-t-il indiqué... avant de partager une anecdote de «party» aux proportions épiques, à l’issue de laquelle le guitariste Alexandre Parr se serait retrouvé au poste de police. On soupçonne Proulx d’avoir délibérément exagération cette conclusion délirante.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/HDRU54O3GBARFDBS275CMJM7GM.jpg)
Hymnes à la joie
Parmi leurs nouveautés, Les Trois Accords ont puisé Costume de bain et la très entraînante Piscine hors terre. Ils ont aussi mouillé leur chemise en convoquant Les dauphins et les licornes, chanson tout en progression pour laquelle Simon Proulx a dit souhaiter voir la foule manifester une grosse «explosion d’amour». Il n’a vraiment pas été déçu par la taille de la vague que ses copains et lui avaient provoqué.
On inclue l’éclairagiste parmi ces copains, car l’explosion avait aussi lieu sur scène, noyée dans un tourbillon de faisceaux arc-en-ciel et de néons multicolores; n’en déplaise aux patriotes, les jeux d’éclairages, spectaculaires de bout en bout, méritent la sanction royale.
Quelques minutes auparavant, Simon Proulx, peu habitué à voir en face de lui une foule assise, avait émis un commentaire acidulé en direction de la section «chaises pliantes», qui, durant «Les amoureux qui s’aiment», s’était transformée en piste de danse. Les chaises allaient resservir par la suite, mais pas très longtemps, car Caméra vidéo et J’aime ta grand-mère approchaient à grand pas.
Pour la première, le groupe avait prévu un «volet participatif», défi pour lequel les chaiseux ont rapidement accepté de déplier les jambes. Rendu à J’aime ta grand-mère, véritable hymne à la joie, la foule n’a pas eu besoin de se faire dire de lâcher son fou : pratiquement tout le monde était debout, à danser ou sautiller, dans un petit moment d’euphorie collective.
Pareil durant la chanson Tout le monde capote : la foule ondule, dodeline et capote au diapason. Et c’était sûrement le dessein des Trois accords quand ils l’ont composée.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/6MWNZFSDZJHNLEI24RWABBJN5E.jpg)
«C’est malade!»
Difficile de pas se laisser emporter par la vague de bonne humeur que les Drummondvillois font flotter autour d’eux, sans même avoir l’air de se forcer.
Malgré l’humour potache ou deuxième degré (Je me touche dans le parc, Ouvre tes yeux Simon, Saskatchewan, etc.), on a affaire à des pros. Les mélodies sont solides, les riffs soignés, les transitions millimétrées. Et les hits défilent en cascade – pas question de perdre la moindre seconde de fun. C’est la course. Celle d’un Grand champion...
Simon Proulx a remercié à plusieurs reprises le public aylmerois, pour son énergie débordante et son accueil généreux. «C’est comme ça à chaque fois [qu’on joue en Outaouais] et franchement, c’est malade!», s’est-il écrié, pendant que ses comparses opinaient du bonnet. Il a dit pas mal de niaiseries, dimanche, mais ça, ça n’avait pas du tout l’air d’une blague.
Dan Bigras
Dès son entrée en scène, juste avant les Trois Accords, Dan Bigras irradiait de bonheur, entouré de quatre complices musiciens, qui l’attendaient en scandant «Bête humaine! Bête humaine!» – annonçant du même souffle la chanson qui allait inaugurer leur concert.
Le bluesman, qui a mis l’alcool au rancart il y a belle lurette, s’est plongé dans «Les soirs de scotch» (chanson que la foule ravie a applaudi à tout rompre), aussitôt suivie par «Tue-moi», autre toune de «gueule de bois», lente et pesante, mais particulièrement touchante.
Pour alléger l’atmosphère, Bigras s’est mis à philosopher sur le temps qui passe – partout et sur tout, y compris sur ses muscles de vétéran, qui, désormais, claquent dès les étirements...
Sauf qu’il n’était pas là pour discourir, mais pour faire lever le party, alors il a lancé la chanson à répondre «Vire ta chaise de bord» : «Nous autre on est réchauffés, on le ressent dans les coudes ; mais vous autres, vous êtes assis... ça vous prend un petit oumpf!» Succès immédiat: la foule a aussitôt oumpfé le refrain de cette sympathique toune dénonçant les esprits intolérants.
«Y’é full drôle, Bigras!» a constaté tout haut une adolescente qui découvrait le chanteur. Il est effectivement assez comique, l’artiste.
Le public a eu droit à toutes les facettes de Dan Bigras, dimanche.
Droit à son côté blues-rock et ses grooves furieux, quand il se déchaîne au piano et ‘sort le méchant’ (sur Ça arrive juste dins vues, notamment).
Droit à de beaux moments de douceur (quand son Ange animal déploie ses ailes miséreuses, on a la chair de poule) et de poésie arrache-cœur (Sarajevo). Et que dire de ce magistral diptyque, constitué de l’Ave Maria de Gounod (durant lequel son quatuor se fait pieusement silencieux), suivi d’un Carmina burana inattendu (durant lequel son band, tonitruant, le suit en latin)? Tout simplement renversant!
Droit à de nombreux apartés comiques. Était-ce la proximité des Trois Accords? Dan Bigras a multiplié les clowneries. Musicales (la sympathique Pas fort, sur laquelle il a, comme souvent, improvisé quelques couplets), mais pas seulement.
Il est bavard, et il aime déconner quand il jase. Mettant à profit ses talents de raconteur-blagueur, il a terminé son «set» par une longue mais divertissante digression au pays des contes (modernes et adultes), ceci pour préparer le terrain aux 3 petits cochons (succès radio «inattendu», avec ses personnages d’entrepreneurs porcins qui mériterait d’être invités à la Commission Charbonneau), et à Chez vous, chez nous (évoquant la relation entre un Chaperon Rouge devenu adulte et son méchant loup), qu’il a chanté en duo avec Evelyne Lange, sa batteuse.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/UV4VJMEDERCX5HV5V3FUPNVAZM.png)
Mélissa Ouimet
En fin d’après-midi, la rockeuse est-ontarienne Mélissa Ouimet a donné aux festivaliers du parc des Cèdres leurs premiers sourires aux lèvres et leurs premières vibrations rock.
L’air épais, enfumé, donnait une atmosphère de feu de camp qui convenait plutôt bien à la chanteuse de Saint-Albert, une fille de bois, qui aime la nature, la simplicité et les soirées autour du feu de camp.
Entre fougue et sensibilité, le quintette a rapidement réveillé le public (encore épars, vers 18h) en assénant les riffs nerveux d’un répertoire dont il ne faudrait pas sous-estimer la haute teneur mélodique, de Tant pis pour toi à Seule (Tourne), en passant par Amours jetables, précédée d’un coup de chapeau au «grand-père patenteux» de la chanteuse, qui lui a appris «la patience», la minutie et «le respect» – celui des choses comme celui des êtres humains.
«Ils ont du gaz! On aime ça!» a-telle constaté en écoutant le public reprendre en chœur le refrain de La ville s’endort.
La bande en a profité pour replonger dans l’époque des partys des années 90, en offrant un medley où se côtoyaient Roch Voisine, France D’Amour, Les BB, Diane Dufresne. L’hommage s’est prolongé par une incursion dans le répertoire de quelques grandes voix féminines, avec des versions musclées de morceaux popularisés par Laurence Jalbert, Julie Masse, Marjo, etc.
Puis, après être revenue à (la partie francophone de) son répertoire, la Franco-Ontarienne, sans rien perdre de son énergie scénique, s’est faite un peu plus «politique». Elle n’a pas pu résister à l’envie de clore son spectacle en partageant Désolée de vous déranger, écho à l’éco-je-m’e-foutisme et miroir de son écoanxiété, puis en faisant résonner «la chanson la plus importante de [son] répertoire», Personne ne pourra m’arrêter, devenue un des emblèmes sonores du mouvement de mobilisation franco (en 2018, dans la foulée des coupes imposées par le gouvernement de Doug Ford).