Diane Dufresne, la diva multidisciplinaire

La première série d’œuvres sculptées de Diane Dufresne – une centaine de têtes et visages creusés dans l’argile – est présentement à l’affiche au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny

Diane Dufresne — l’artiste visuelle — a récemment ajouté une corde à son arc en se découvrant une nouvelle passion pour la sculpture.


Sa première série d’œuvres sculptées – une centaine de têtes et visages creusés dans l’argile – est présentement à l’affiche au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny.

Cette exposition, intitulée Artchéologie (démarrée le 24 juin et à découvrir jusqu’au 1er octobre 2023), se veut immersive: le visiteur est invité à se munir d’une lampe frontale afin de «partir à la découverte (surnaturelle) «de civilisations imaginaires retrouvées».



«Ces visages, aux multiples proportions, formes et expressions, proviennent d’un univers au-delà du fait terrestre, comme si nous venions de découvrir les artistes-sculpteurs d’un monde encore inconnu jusque-là » indique le conjoint de Diane Dufresne, Richard Langevin, qui, quand il n’est pas «l’homme de l’ombre» de la diva (en s’assurant notamment que tout, sur et autour de la scène, soit conforme aux attentes) est un artiste visuel à part entière. Il a d’ailleurs collaboré à la mise en scène d’Artchéologie, où se côtoient «l’étrange et le merveilleux».

Le centre de diffusion artistique en profite aussi pour présenter en parallèle une grande rétrospective des œuvres Richard Langevin.

«La sculpture m’a toujours fascinée, mais c’est nouveau, pour moi. Richard était parti au Saguenay voir sa famille. Moi, j’étais dans ma solitude — j’étais bien; je suis une solitaire. Je suis descendue dans mon atelier [en me disant] « je vais m’amuser avec de l’argile »… ç'a a duré un an et demi. J’ai fait 120 têtes, c’est pas mal», partage Diane Dufresne.

«La sculpture, pour moi, c’est une détente, alors que faire les toiles, dessiner, agencer les couleurs, c’est plus compliqué... Bien sûr, [mes sculptures ne sont] pas aussi monumentales que ce que fait Richard Langevin. Ça m’amuse et ça vient assez vite.»

—  Diane Dufresne

Le show business aussi est un univers assez stressant, [on vise et on recherche] toujours la performance, surtout aujourd’hui.



«Depuis que je m’occupe de la scénographie et du côté audiovisuel des shows (de Diane), j’avais mis ma carrière de sculpteur un peu de côté. La pandémie [m’a permis] de retrouver de retrouver la dimension 3D. Et Diane a redécouvert qu’elle vivait avec un sculpteur», sourit-il.

Renseignements: Centre d’art Diane Dufresne

La diva et les défauts

Si elle revendique le statut de «pont» et de «doyenne», l’épithète «diva», en revanche, la laisse de marbre.

«On m’a traitée de diva parce que je ne faisais pas tout ce que [l’industrie] attendait ou demandait». Elle refusait les propositions qu’elle jugeait artistiquement «plattes», «mais le public, les gens, ça leur a fait plaisir [cette étiquette], ils aimaient avoir une diva dans leur vie. Et c’est vrai que je ne fais pas beaucoup de concessions», sourit-elle.

La chanteuse Diane Dufresne.

Diane Dufresne continue de décliner poliment, mais catégoriquement les invitations pour lesquelles elle ne sent pas que sa présence serait pertinente.

«Je ne fais plus beaucoup de projets ni de shows, maintenant. On continue de me proposer des choses, mais souvent, je ne vois pas pourquoi je ferais ça. Les émissions de télé comme Star Académie, par exemple, je ne vois pas ce que je pourrais faire de bien là. Je ne critique pas l’émission, mais ce n’est juste pas ma place.»



Elle se voit mal encadrer des jeunes alors que son message pourrait se résumer «à leur dire de développer leurs défauts, pour devenir des artistes». Développer «leurs “beaux défauts“», sur lesquels reposent en définitive la personnalité et l’individualité, précise-t-elle, plutôt qu’à les encourager à «chercher à devenir des copies de tout ce qu’on a déjà».

«Avoir une personnalité différente, c’est ce que j’ai appris avec le Frère Jérôme. Voilà un homme qui me manque énormément. C’était un grand philosophe, et, en même temps, un rebelle, un outsider. Il vivait seul, sa congrégation ne venait pas souvent manger avec lui, hésitait à l’approchait. C’était un être profondément angoissé, mais il parlait de l’angoisse et de la page blanche comme si c’était un cadeau de la vie. Il m’a appris à être [et assumer] qui on est. Authentique. Les jeunes, aujourd’hui, essaient trop d’être quelqu’un d’autre.»

Non pas qu’il ne lui reste plus à faire ou à inventer, pour que la «doyenne», ait le sentiment d’avoir complété son héritage : «Tout. Il reste tout à faire. Tout de ce qu’on a à l’intérieur de soi. Il ne faut surtout pas que la lassitude [s’immisce]. Dans cette course et ce show business, où tout est un peu répétitif, ce qu’il reste à faire c’est de s’amuser et de conserver sa passion. Le désir a tendance à disparaître, quand on prend de l’âge, alors il faut savoir le retrouver. C’est pour ça que je ne fais que du ‘nouveau’. Il me reste à faire une bonne vie avec une bonne finale. Une belle vieillesse.

Abandonner son œuvre et continuer de créer

Y a-t-il des chansons que vous n’osez plus faire devant public — soit qu’elles soient de haute voltige, et dangereuses pour les cordes vocales d’une septuagénaire, soit parce que l’envie n’est plus là?, demande-t-on à Diane Dufresne.

«Ohhh oui! Il y a certaines chansons que je ne pourrais pas chanter, comme J’ai 12 ans, maman, ou Le parc Belmont, que j’ai chantée dans plein de mises en scène et d’arrangements différents. Au bout d’un moment, avec l’habitude, tu n’es plus au centre de la chanson. Elle appartient à d’autres. Il faut que tu l’abandonnes. Et j’ai accepté ça.»

«Je ne chanterais pas L’homme de ma vie ni Tiens-té ben, j’arrive. Ça n’aurait pas de sens, ce serait un retour en arrière.»

—  Diane Dufresne
Diane Dufresne.

En revanche, elle ne se lasse pas des bulles d’Oxygène, auxquelles elles continuent d’insuffler de nouvelles teintes.

Parlant «d’autres»... un spectacle intitulé Belmont, qui plongera dans le répertoire de Diane Dufresne, est d’ailleurs en cours de production. Cette création sera présentée à Repentigny (au Théâtre Alphonse-Des jardins) à partir du 4 août prochain.

Cette pièce de théâtre musical signée par la troupe montréalaise du Théâtre de l’Œil Ouvert (avec aux commandes, la metteure en scène Jade Bruneau) propose une plongée dans le riche univers de l’icône québécoise et l’exubérante «folie». L’artiste s’incarnera à travers cinq facettes (et cinq comédiennes): la diva, l’amoureuse, l’artiste, la folle et la petite fille.



Passant de l’une à l’autre, un homme, «maître de cérémonie magnétique et imprévisible», se découvrira lui-même en se libérant du rôle qu’il croit devoir jouer, sous la pression sociale.

Diane Dufresne n’y participe pas, mais la septuagénaire a donné son feu vert aux jeunes créateurs de cet «audacieux» projet.

«Je n’ai pas vu Belmont, mais il paraît que c’est très spécial, très créatif. On dit même que ça dérange et pour moi c’est très bien. On est là pour ça, déranger. J’ai l’impression qu’il y a une continuité et si [les œuvres] se transforment, tant mieux!»

Son précédent disque, Meilleur Après (auquel ont collaboré Sting, Daniel Bélanger, Catherine Major, Moran, Jean-Phi Goncalves et Cyril Mokaiesh), remonte à 2018. Ses admirateurs peuvent toutefois commencer à envisager de découvrir un 15e album studio, un jour, confesse-telle. C’est pour «bientôt». «Enfin pas dans un ou deux ans. Mais j’y travaille. Et ce sera différent».