Mardi matin, à l’Assemblée nationale, les porte-parole de l’Alliance des boutiques de vapotage du Québec (ABVQ) et de l’Association des représentants de l’industrie du vapotage (ARIV) ont pris la parole pour défendre les « droits des vapoteurs » et la survie de l’industrie qui risquent d’écoper « lourdement » de l’interdiction de la vente de produits de vapotage aromatisé.
Rappelons qu’en avril dernier, le gouvernement du Québec a lancé une offensive afin de réduire la consommation de produits de vapotage, notamment chez les jeunes.
Il sera bientôt illégal de vendre tout produit de vapotage à d’autres saveurs que celle du tabac. D’autres interdictions, entre autres sur la concentration en nicotine de ces produits ainsi que sur leurs emballages, seront également mises en place.
L’ARIV et l’ABVQ ont rapidement fait connaître leur position sur le sujet : un bannissement des saveurs provoquerait plutôt une explosion du marché illicite et pourrait inciter d’anciens fumeurs à reprendre goût à la cigarette.
Un modèle québécois en trois mesures
À quelques jours de la fin des consultations publiques, une ultime tentative pour sauver cette industrie, qui prend de l’ampleur au Québec depuis 10 ans. Trois mesures sont proposées par les regroupements.
La première : limiter les saveurs à quatre catégories, soit le tabac, la menthe, le menthol et les fruits. Il n’est donc pas question d’arôme sucré rappelant les bonbons ou les desserts, toujours en vente dans les vapoteries.
Ils suggèrent également d’ajouter une taxe de 3 % sur la vente au détail des produits de vapotage vendu au Québec.
Selon Daniel Marien, porte-parole de l’ARIV, cette taxe représenterait 10 millions $ de revenus par an pour le gouvernement. Ces fonds pourraient notamment être alloués à des fins de prévention dans les écoles.
Mais également « afin d’identifier et de sanctionner les détaillants qui commercialisent des produits de façon illégale. »
Idem pour les amendes données aux mineurs qui en consomment.
« Une récompense pourrait aussi être offerte à toute personne qui dénonce ou signale des personnes impliquées dans la vente de produits de vapotages à des personnes mineurs. »
Finalement, ils demandent au gouvernement un délai de neuf mois à compter de l’application du règlement pour permettre aux entreprises de modifier leur modèle d’affaires.
« Nos entreprises risquent la faillite, car nos échéances actuelles ne nous permettent pas de gérer adéquatement les stocks, de mettre à jour le personnel et de transformer notre modèle d’affaires », explique M. Marien.
Selon le porte-parole, plus de 400 boutiques spécialisées seraient menacées de fermer et près de 1500 employés risqueraient de perdre leur emploi dans la région de Québec.
« Un voisin responsable »
Daniel Marien assure partager « les préoccupations du gouvernement et de la population concernant le vapotage chez les jeunes. En aucun cas les jeunes et les adultes non fumeurs ne devraient vapoter. »
« Tel que présenté, le projet de règlement du ministre Christian Dubé aura de lourdes conséquences. Le gouvernement s’apprête à transformer un produit légal en un produit illégal. Pourtant, la prohibition comme vue avec l’alcool et le cannabis n’a jamais fonctionné. »
Un argument qui a fait écho chez le chef conservateur Éric Duhaime. En compagnie de Valérie Gallant, porte-parole de la Coalition des droits des vapoteurs, il a souligné mardi que « la prohibition engendra des fermetures d’entreprises, des pertes d’emplois et une explosion des ventes sur le marché noir ou un détournement vers les autres provinces ».
Ce propos fait notamment référence à l’Ontario. Province voisine où déjà plusieurs Québécois achètent des produits de vapotage par Internet, et dont la tendance risque d’augmenter lors du bannissement au Québec, prévoit David Lévesque, porte-parole de l’ABVQ.
Il croit notamment que lorsque la loi sera appliquée, « les achats iront en majorité en Ontario, mais un marché noir fera également son retour au Québec ».
L’Ontario restreint les produits de vapotage aux boutiques spécialisées. Les ventes de saveur sont donc interdites dans les dépanneurs, contrairement à la situation actuelle du Québec.
« Ce cadre réglementaire des produits de vapotage permet de réduire la consommation chez les jeunes, tout en offrant une alternative moins nocive aux ex-fumeurs adultes », rappelle M. Marien.
« Arguments absurdes »
Les mesures formulées par les associations représentant les vapoteurs québécois ont rapidement été tempérées par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT).
En particulier les arguments discutés lors de la conférence «sur l’avenir du vapotage», qui se déroulait mardi dans un hôtel de Québec.
« Contrairement à ce qui a été rapporté durant l’évènement de la CDVQ, le vapotage chez les jeunes n’est pas en recul [au Québec]. Au contraire, les données demeurent fort préoccupantes. Pour protéger les jeunes contre le vapotage nicotinique, le gouvernement doit agir au niveau des saveurs les plus populaires auprès des jeunes, soit celles aux fruits et à la menthe - qui sont utilisées par plus de 80% des jeunes qui vapotent », a souligné Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la CQCT.
Une des craintes premières de l’industrie du vapotage est que le marché illicite gagne du terrain chez les jeunes lors du bannissement des saveurs.
Toutefois, selon l’Institut national de santé publique du Québec, rapporte la CQCT, « le tiers des jeunes vapoteurs de 15 à 17 ans (31 %) rapportent s’approvisionner directement auprès d’une boutique spécialisée où la présence de mineurs est pourtant interdite, et le quart (24,3 %) auprès d’un dépanneur. La troisième source est les amis/connaissances/familles (43,5 %). »
Les exceptions pour les saveurs mentholées et fruitées ne sont également pas une mesure valable, selon la CQCT.
« Les vapoteurs adultes pourront continuer de se procurer en toute légalité dans tous les dépanneurs et vapoteries au Québec des liquides à la saveur de tabac ou sans saveur, c’est-à-dire neutre. Ces catégories de saveurs ont l’avantage d’attirer les adultes, mais pas les jeunes », ajoute Mme Doucas.
La CQCT accuse notamment les organismes «pro-vapotage» d’entretenir des liens étroits avec l’industrie du tabac.