En entrevue avec Le Droit la semaine dernière, le président-directeur général par intérim du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), Yves St-Onge, a fait savoir que le projet de nouvel hôpital de 600 lits devrait coûter «quatre milliards quelque chose».
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Lors de la parution du plan clinique du CISSSO, en juin 2021, les coûts de construction étaient évalués à 1,5 milliard de dollars. Il n’avait pas fallu beaucoup de temps pour que le gouvernement fasse passer cette estimation à 2,5 milliards de dollars. À ce jour, la section du site Internet du CISSSO réservée au Centre hospitalier affilié universitaire (CHAU) fait toujours mention de ce montant. Mais avec l’inflation qui sévit, «tous les projets de construction au Québec ont besoin d’être réévalués», expose M. St-Onge, en précisant que celui du CHAU «le sera en temps opportun».
La hausse anticipée «est mathématique» et «c’est normal [en raison des] coûts de construction», affirme Yves St-Onge, en ajoutant qu’«il n’y a pas de cachette là-dedans».
Où sera-t-il?
La question qui demeure, c’est celle du terrain. En juin 2022, il n’y avait aucun conditionnel lorsque le ministre de la Santé, Christian Dubé, est venu à Gatineau pour annoncer que le CHAU serait construit sur la rue d’Edmonton, là où se trouvent actuellement un parc industriel, un poste de police et des ateliers municipaux.
Ce n’est que tout récemment qu’un flou s’est installé à ce sujet. En visite dans la région le 15 septembre, M. Dubé n’a pas voulu confirmer que l’hôpital sera bel et bien érigé là où il l’avait annoncé. Le ministre avait aussi rappelé que les expropriations nécessaires sur le site de la rue d’Edmonton représentent «un élément complexe de ce dossier-là».
De retour dans les Hautes-Plaines?
Une rumeur persistante dans le milieu des affaires de la région veut que le gouvernement se tourne de nouveau vers le site du boulevard de la Technologie, dans le quartier des Hautes-Plaines, pour y ériger le futur hôpital. Cette information n’est pas confirmée ni par le CISSSO ni par le gouvernement.
Selon nos informations, c’est le terrain des Hautes-Plaines qui avait dès le départ été recommandé par le bureau de projet du CHAU, notamment parce qu’il aurait permis de respecter l’échéancier et le budget.
Un «mélodrame»
Le plus récent rapport annuel du comité exécutif du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CISSSO permet par ailleurs d’apprendre que la décision d’annoncer que le terrain choisi était sur la rue d’Edmonton, l’an dernier, a été prise bien peu de temps avant qu’elle ne soit rendue publique.
Le rapport annuel du comité exécutif du CMDP contient un «mot du président» signé par le Dr Tinouch Haghighat, qui y dénonce vivement l’état actuel du réseau régional. Le Dr Haghighat y parle entre autres du projet de nouvel hôpital comme étant un «mélodrame». «Une équipe de hauts fonctionnaires travaille pour choisir un site pour le nouvel hôpital [et] une semaine avant le verdict il y a une volte-face et la désignation d’un nouveau terrain qui nécessite plusieurs dizaines voir [une] centaine d’expropriations et beaucoup de décontaminations, écrit-il. Autant de raisons pour retarder le projet de plusieurs années d’autant plus que les coûts de construction ont plus qu’explosé. Ceci nous faire craindre de finir par un projet tardif et sous-dimensionné qui fera perpétuer nos insuffisances régionales pour des générations futures.»
Le Dr Tinouch Haghighat souligne, dans le même document, que le «changement de dernière minute du site d’implantation» du CHAU a été fait sans explications sur «le pourquoi» et «le comment». «Ce manque de transparence décrédibilise et surtout retarde le projet», écrit le médecin spécialiste en cardiologie. Il rappelle aussi que le comité exécutif du CMDP «a gardé sa position neutre concernant le choix du terrain», tout en souhaitant «que tous les acteurs régionaux poussent dans le même sens pour que ce projet se fasse à temps et qu’il soit adéquatement dimensionné pour le futur de la région».
Le comité exécutif du CMDP réitère ainsi sa volonté que la région obtienne son nouvel hôpital «le plus rapidement possible», qu’il soit «de qualité, dans un site de qualité» et que le projet soit «centré sur l’intérêt du patient avant tout autre intérêt économique ou partisan».
Un retard en vue?
Yves St-Onge a de son côté rappelé, lors de la dernière réunion du conseil d’administration du CISSSO, que le ministre «est en réflexion sur le terrain qui avait été retenu». «On va le laisser faire sa réflexion, a ajouté M. St-Onge. C’est un dossier gouvernemental, la décision appartient au gouvernement. Moi, je lui ai dit ‘ce que je veux, c’est d’avoir un nouvel hôpital’. […] Il a dit qu’ils vont prendre une décision définitive le plus rapidement possible.»
En entrevue avec Le Droit, M. St-Onge a fait savoir que le flou entourant l’endroit où sera érigé le futur hôpital est «pas mal récent». Il insiste toutefois pour dire que cela n’engendre «pas du tout» de pause dans le travail effectué par le bureau de projet.
«L’équipe travaille depuis maintenant plus d’un an, a-t-il rappelé. Quel que soit l’endroit où ça se situe, ça n’a aucune importance pour ces gens-là.»
À l’heure actuelle, 1800 «fiches techniques» ont été produites par l’équipe du bureau de projet afin de préciser à quoi servira «chaque local de l’hôpital, où qu’il soit». Ce plan de match servira ensuite pour le travail des architectes en fonction du site choisi, a précisé M. St-Onge. «On peut décider qu’on met quatre étages de plus ou deux étages de moins», donne-t-il en exemple.
M. St-Onge avoue cependant qu’il aurait aimé être déjà fixé quant au choix du terrain. «J’aurais aimé ça que la pépine soit sur le terrain, honnêtement, parce que c’est sûr que de mon point de vue, on retarde l’arrivée du nouvel hôpital parce qu’on ne nous confirme pas le terrain, dit-il. C’est normal, parce qu’il va y avoir des délais pour les expropriations. Donc là, il y a un calendrier qui va venir avec ça. On verra. Nous, on est prêts, où qu’il soit, à travailler pour le mettre en place. Il n’y a aucun délai qui va nous être imparti. On n’a pas pris de chance, on a avancé.»
Invité à préciser ses propos, Yves St-Onge a affirmé que les tergiversations sur le terrain ne causeront pas nécessairement «un retard». Si le gouvernement change son fusil d’épaule et choisit un autre site, le CISSSO devra regarder le calendrier proposé et en évaluer «la faisabilité», explique-t-il. Entre un terrain nécessitant des expropriations, des démolitions et de la décontamination et un site où la construction peut être lancée sans de telles étapes, «il y a une différence des fois d’un, deux ou trois ans», expose M. St-Onge. «Nous, on sait très bien combien de temps on a à travailler pour le faire, dit-il. Le reste, c’est quand on va nous donner la réponse sur le terrain.»
Le grand patron du CISSSO assure que le ministre Dubé «ne veut pas laisser traîner les choses», mais qu’il veut cependant «prendre le temps que les choses se fassent correctement».
Avec la collaboration de Mathieu Bélanger, Le Droit