«Réorganisation» de nuit au laboratoire de l’Hôpital de Papineau: «Ça me fait vraiment peur pour la population»

Il n'y a plus de technologiste en tout temps au laboratoire de l'Hôpital de Papineau la nuit, entre minuit et 6h.

La pénurie de personnel force une «réorganisation» des activités au laboratoire de l’Hôpital de Papineau la nuit, ce qui empêche entre autres l’analyse immédiate des prises de sang directement sur place. Pendant que les dirigeants du réseau se font rassurants, les équipes soignantes et les syndicats s’inquiètent des conséquences qu’une telle décision peut avoir sur la qualité des soins prodigués aux patients, particulièrement ceux de l’urgence.


Dans un message envoyé à la fin août à tous les usagers du laboratoire du centre hospitalier du secteur Buckingham dont Le Droit a obtenu copie, une coordonnatrice explique qu’en raison de «la précarité des effectifs au niveau des technologistes», les services du laboratoire de l’hôpital ne seront plus accessibles entre minuit et 6h le matin, sauf en cas d’urgence. Déjà, depuis quelques semaines, le service était affecté entre 2h et 6h.

Une personne travaillant à l’Hôpital de Papineau considère qu’il est inconcevable que la troisième plus grosse urgence de l’Outaouais n’ait pas un accès direct et rapide à un laboratoire en tout temps.

Une décision «inacceptable»

«Même les médecins sont outrés de ça, soutient un membre du personnel ayant requis l’anonymat par crainte de représailles. […] Ça me fait vraiment peur pour la population.»



Une autre personne travaillant à l’Hôpital de Papineau considère qu’il est inconcevable que la troisième plus grosse urgence de l’Outaouais n’ait pas un accès direct et rapide à un laboratoire en tout temps. «J’ai peur pour mes patients qui arriveront en pleine nuit en douleur cardiaque, qui ne pourront pas avoir accès à des prises de sang dans des délais acceptables, confie cet autre employé. [Ils] attendront pendant des heures pour savoir ce qu’ils ont et ne pourront pas être traités adéquatement.»

La présidente du Syndicat des professionnelles en soins de l’Outaouais (SPSO), Karine D’Auteuil, juge cette plus récente décision du CISSSO «inacceptable».

«C’est très inquiétant», affirme aussi la présidente régionale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Guylaine Laroche. Cette dernière souligne que la majorité des patients qui se présentent à l’urgence ont besoin d’analyses de laboratoire, de sorte que l’impossibilité d’y avoir recours «va allonger les durées de séjour à l’urgence».

La Dre Cindi Jacques, directrice médicale du département de laboratoire du CISSSO, se fait pour sa part rassurante. «Ce n’est pas une vraie fermeture de laboratoire, expose-t-elle. On offre tous les services qui sont nécessaires pour les urgentologues et pour les patients hospitalisés à Papineau. Ce n’est pas vraiment un bris de services, c’est très important de comprendre que c’est juste une réorganisation de services». La Dre Jacques affirme ainsi que «tous les services qui sont nécessaires sont toujours disponibles» et que «les patients peuvent être bien soignés par leurs médecins à Papineau, même pendant la nuit.»



La Dre Jacques a aussi indiqué qu’un nouvel équipement sera éventuellement utilisé afin de pouvoir effectuer certains types d’analyses à l’Hôpital de Papineau, même lorsqu’il n’y a pas de technologiste au laboratoire.

Le service de radiologie de l’Hôpital de Papineau est déjà fermé la nuit, il n’y a qu’une personne disponible sur appel. Et aux soins intensifs, il n’y a que trois des six lits qui sont ouverts.

Des conséquences dès 22h

L’impact de cette «réorganisation» à partir de minuit se fait ressentir sur une plus longue période. Pour les prélèvements de biochimie ou les analyses d’urine, par exemple, les échantillons doivent être envoyés au laboratoire avant 22h pour obtenir des résultats le soir même. Pour les formules sanguines complètes, l’accès au laboratoire sera possible jusqu’à 23h45. Il s’agit pourtant de «soins de base», insiste un troisième employé ayant témoigné sous le couvert de l’anonymat.

Le personnel s’inquiète également de la surcharge que cela représente pour l’urgence. Le service de radiologie est déjà fermé la nuit, il n’y a qu’une personne disponible sur appel. Et aux soins intensifs, il n’y a que trois des six lits qui sont ouverts. Il n’est donc pas rare que des patients nécessitant des soins intensifs soient à l’urgence. Les équipes soignantes entrent au travail «avec la peur au ventre» et «le manque de personnel se fait ressentir dans toutes les sphères du système», affirme-t-on. Les craintes de nouveaux départs sont aussi bien présentes.

Cas urgents

Dans le message reçu par les employés concernés le 25 août, il est indiqué que «pour les cas considérés urgents», il est possible de contacter un technologiste sur appel. Une telle initiative doit toutefois prendre en considération que le technologiste doit revenir au travail en «plus ou moins 30 minutes». Une coordonnatrice doit aussi approuver toute requête en ce sens.

«C’est du n’importe quoi, s’insurge Karine D’Auteuil au SPSO. Si tu arrives la nuit avec une douleur abdominale, le médecin va prescrire un bilan hépatique. Comment une coordonnatrice pour évaluer la décision du médecin?» Du côté de l’APTS, Mme Laroche note que l’employé sur appel qui rentre au laboratoire la nuit pour une urgence devra aussi assumer ses quarts de travail habituels, ce qui accroît les risques d’épuisement.

Karine D’Auteuil, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de l’Outaouais.

Un «taxi local» pour les cas urgents

Dans un autre envoi daté du 31 août, le CISSSO indique au personnel qu’il est «maintenant possible de faire une demande pour un taxi local» pour transporter des spécimens entre les hôpitaux de Papineau et de Gatineau. Cette option ne doit être utilisée que pour les demandes d’analyses de laboratoire qui sont «URGENTES», précise-t-on en lettres majuscules.



Ces mesures sont loin de rassurer le personnel. «Dans une situation dite urgente où on doit appeler la personne de garde, on peut compter environ deux heures avant d’avoir un premier résultat, s’indigne l’un des employés à qui nous avons parlé. Sans oublier que la nuit, nous n’avons pas de radiologie.»

Les préoccupations sont aussi vives pour d’éventuels cas de patients devant recevoir une transfusion massive, puisqu’il n’y aurait qu’une petite quantité de culots de sang laissés au laboratoire la nuit.

À l’APTS, Guylaine Laroche plaide pour que le gouvernement agisse rapidement afin de mettre en place des mesures d’attraction et de rétention de la main-d’oeuvre dans les laboratoires. «Dans certains secteurs, on est à effectifs excessivement réduits, dit-elle. […] À un moment donné, ça prend des incitatifs et ça prend des salaires adéquats.»

Le directeur adjoint des services diagnostiques à la direction des services multidisciplinaires et à la communauté du CISSSO, Zied Ouechteti, a fait savoir qu’à l’heure actuelle, il n’y a que 60% des postes pourvus au laboratoire de Papineau. L’organisation souhaite évidemment embaucher de nouvelles ressources «le plus tôt possible», dans l’espoir que la réorganisation actuelle ne soit que temporaire.

Retour temporaire des radiographies à Saint-André-Avellin

Le CISSSO a par ailleurs annoncé, jeudi, la «reprise partielle» des services de radiographie au Centre local de services communautaires (CLSC) de la Petite-Nation, à Saint-André-Avellin. L’organisation a pu trouver des technologues pour que ces services soient offerts du 8 septembre au 1er décembre.

Le CLSC pourra donc offrir de la «graphie générale» sans rendez-vous entre 9h et 17h les 8, 11, 15, 18, 22, 25 et 29 septembre, les 2, 6, 9, 13, 16, 20, 23,27 et 30 octobre, les 3, 6, 10, 13, 17, 20, 24 et 27 novembre, de même que le 1er décembre.

«Lorsque le service n’est pas offert localement au CLSC de la Petite Nation, les usagers nécessitant une prise en charge rapide en radiographie devront être dirigés vers l’Hôpital de Papineau à Buckingham», a précisé le CISSSO dans un communiqué.