C’est en discutant avec une autre médecin que la Dre Marie-Hélène Rochon, qui pratique à Ottawa depuis 2007, a appris qu’elle avait maintenant la possibilité de travailler à temps partiel au Québec sans qu’aucune pénalité ne lui soit imposée. Elle a donc entamé les démarches, au printemps dernier, pour obtenir un permis du Collège des médecins du Québec.
Elle a ainsi pu faire son premier quart de travail en sol québécois la semaine dernière, à la Clinique ambulatoire 0-17 ans du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO). Cette clinique vise surtout à éviter des visites à l’urgence pour les jeunes patients qui n’ont pas de médecin de famille ou qui n’arrivent pas à voir le leur.
Si la Dre Rochon a cette possibilité, c’est grâce à ce qui est appelé l’«accord 774». Cette entente permet aux médecins hors Québec et aux médecins du secteur privé qui souhaitent travailler à temps partiel dans le réseau public québécois de le faire sans impact sur leur rémunération. Avant la conclusion de cet accord, la Dre Rochon aurait vu sa rémunération être amputée de 30% par la Régie de l’assurance maladie du Québec, puisque son travail aurait été fait en dehors des plans régionaux d’effectifs médicaux en vigueur au Québec.
Le chef du Département de médecine générale (DRMG) de l’Outaouais, le Dr Marcel Guilbault, a expliqué au Droit que l’accord 774 a permis d’abolir cette pénalité. Les médecins hors Québec qui sont prêts à donner un coup de main à temps partiel dans la Belle Province peuvent désormais le faire pour un maximum de 90 jours par année et toucher 100% de la rémunération prévue. Ces médecins sont également exemptés des «activités médicales particulières» devant normalement être effectuées en début de carrière pour soutenir les besoins particuliers du réseau public, entre autres dans les urgences et les centres d’hébergement et de soins de longue durée.
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Un revenu supplémentaire
La Dre Marie-Hélène Rochon est originaire de l’Outaouais et y habite encore. Elle traverse donc la rivière chaque fois qu’elle se rend dans la clinique dont elle est co-propriétaire, à Ottawa.
Après ses études en médecine à l’Université d’Ottawa, elle a directement intégré le réseau de la santé de l’Ontario, qu’elle connaissait mieux. Mais «c’est vraiment difficile pour la médecine familiale» en Ontario dernièrement, explique-t-elle. En travaillant dans un «organisme de santé familiale» ontarien comme elle le fait, les médecins doivent assumer des frais qui ne cessent d’augmenter. «Il y a une explosion des coûts […] pour les employés, les salaires des infirmières, nos dossiers électroniques, énumère la Dre Rochon. Tout augmente, mais nos salaires ne suivent pas.»
Avec les quarts de travail qu’elle accepte de faire à la Clinique ambulatoire 0-17 ans du CISSSO, «il n’y a aucuns frais de bureau» et il y a «un bon soutien» du personnel en place, constate la médecin de famille.
Comme elle suivait déjà quelques patients québécois dans sa clinique d’Ottawa, elle est déjà assez familière avec le système québécois et n’a pas de misère, par exemple, à effectuer des demandes de référence à des médecins spécialistes.
En plus du gain financier que lui permet l’accord 774, la Dre Rochon y voit une opportunité de diversifier sa pratique et d’aider le réseau de la santé de l’Outaouais. Les parents des petits patients qui obtiennent une consultation à la Clinique ambulatoire 0-17 ans sont «un peu dans le néant» vu qu’ils n’ont pas de médecin de famille et ils sont «super reconnaissants du service qui est offert dans cette clinique-là», a-t-elle constaté.
De grands besoins
Avec les départs à la retraite qui se font de plus en plus nombreux et les besoins des patients qui se complexifient au même rythme que le vieillissement de la population, le manque de médecins de famille se fait sentir en Outaouais. En vertu des plans régionaux d’effectifs médicaux, la région pouvait recruter 17 omnipraticiens cette année. Selon le site Internet du ministère de la Santé, quatre de ces postes n’ont pas encore trouvé preneur.
Au DRMG, le Dr Guilbault a fait savoir que le bouche-à-oreille a déjà permis de recruter huit médecins de famille ontariens pour travailler à temps partiel «dans des secteurs en besoin» sur la rive québécoise.
Il invite d’ailleurs les omnipraticiens de l’Ontario qui souhaitent donner un coup de pouce en Outaouais à écrire au DRMG par courriel à l’adresse 07_DRMG@ssss.gouv.qc.ca. «Toute offre, si petite soit-elle, sera acceptée si elle répond bien sûr à un besoin», affirme le Dr Guilbault en donnant l’exemple de consultations sans rendez-vous sur une base occasionnelle les fins de semaine.