Les Kings, « une étape » vers les « 10 % » de chances de ravoir les Nordiques, justifie Girard

Surpris par les « critiques sévères» et « la réaction très négative » à son annonce, Eric Girard a défendu sa décision de décaisser 5 à 7 millions $ des coffres de l’état pour amener à Québec « un produit de qualité ».

Les 5 à 7 millions $ versés par le gouvernement Legault pour faire venir les Kings de Los Angeles au Centre Vidéotron, en octobre 2024, constitue « une étape » sur le chemin du retour d’un club de la LNH à Québec, dit Eric Girard. Le ministre évalue au passage les probabilités de ravoir les Nordiques à 10 %.


Les Québécois en auront pour leur argent lorsqu’ils verront les Kings de Los Angeles sur la glace du Centre Vidéotron, estime le ministre des Finances. Les millions de dollars octroyés amèneront à Québec « un produit de qualité », a assuré M. Girard, mardi.

Après une semaine de controverse, le ministre des Finances du Québec a convoqué la presse pour faire le point sur l’octroi d’argent public pour organiser deux parties hors-concours des Kings de Los Angeles à Québec.

Il entend les critiques, mais ne recule pas.

« Le projet est une étape visant à promouvoir la candidature de Québec pour le retour dans la Ligue nationale [de hockey]. C’est des dépenses de promotion pour montrer qu’on a une infrastructure de la Ligue nationale, payée par les contribuables, qui est disponible », a-t-il justifié, devant la vague de critiques qui perdure depuis une semaine.

Le CH à Québec en saison?

Les étapes subséquentes? La présentation à Québec du Championnat du monde de hockey junior en 2027, du Championnat du monde de hockey féminin en 2029 et du tournoi de la Coupe Memorial, la grande finale annuelle du hockey junior canadien, a énuméré le ministre Girard.

Et pourquoi pas un match présaison des Canadiens de Montréal au lieu des Kings? Qui ne sont pas venus jouer à Québec depuis 2018 et qui se sont manifestés après la signature d’une entente avec leurs rivaux de Los Angeles, a tenu à souligner M. Girard.

« Les Canadiens sont venus en 2018 avec un alignement incomplet, pour le dire poliment. Pour jouer contre les Maple Leafs [de Toronto] qui jouaient deux matchs, ce soir-là, un à Toronto et un à Québec. Les billets ne se sont pas vendus. Si les Canadiens veulent revenir, je dirais qu’on est rendu à des matchs de saison régulière en 2025 », a répondu le ministre Girard, visiblement déçu par la dernière visite du CH à Québec.

10 % de chances de ravoir les Nordiques

S’il ne l’avait pas affirmé explicitement lors de son annonce de mardi dernier, le ministre Girard trace aujourd’hui un lien direct entre la venue d’une équipe de la LNH au Centre Vidéotron et « le retour potentiel des Nordiques un jour ».

« J’ai un mandat difficile! Est-ce que quelqu’un pense que de faire revenir les Nordiques sera une tâche facile? Les probabilités que les Nordiques reviennent sont probablement autour de 10 %. Tout ce que je fais est pour m’assurer que les possibilités soient réelles de ravoir les Nordiques dans cet amphithéâtre payé par les contribuables québécois. »

—  Eric Girard, ministre des Finances du Québec et ministre responsable du dossier du retour des Nordiques

Voici son calcul. L’expansion pour une nouvelle équipe dans la LNH a une chance sur deux de se réaliser « dans les prochaines années », avance le ministre. De là, cinq villes seraient sur les rangs : Atlanta, Salt Lake City, San Antonio, Houston et Québec. Donc 50 % divisés en cinq donne 10 %, a détaillé l’économiste de formation.

« Un produit de qualité », promet-il

Surpris par les « critiques sévères» et « la réaction très négative » à son annonce, le ministre Girard a défendu sa décision de décaisser 5 à 7 millions $ des coffres de l’État pour amener à Québec « un produit de qualité ».

L’initiative était sienne, et celui qui est officieusement « le ministre des Nordiques » en prend la responsabilité.

« Ce projet, c’est mon idée. J’assume l’entière responsabilité de celui-ci. »

—  Éric Girard, ministre des Finances

À plusieurs reprises, le ministre Girard a souligné que ce sera « un produit de qualité » qui patinera sur la glace du Centre Vidéotron.

Notamment puisque les Kings sont troisièmes de leur conférence, et que les Panthers et les Bruins, qui affronteront l’équipe de Los Angeles à Québec, sont des équipes performantes.

La date du séjour des Kings dans la Capitale, à une semaine du début de la saison régulière, promet aussi aux amateurs de hockey un alignement complet, où joueront « plusieurs Québécois ».

Le chef de l'exploitation du Groupe Sports et divertissement de Québecor, Martin Tremblay et le président des Kings, Luc Robitaille, accompagnant les ministres Eric Girard et Jonatan Julien lors de l'annonce, le 14 novembre dernier.

Promouvoir le Centre Vidéotron et le retour des Nordiques

Même si le grand argentier du gouvernement Legault affirmait il y a une semaine ne pas vouloir envoyer de « signal » à la Ligue nationale de hockey (LNH), mardi, il a parlé de l’accueil des Kings de Los Angeles comme « une étape visant à promouvoir la candidature de Québec ».

« Un jour, lorsqu’il y aura une expansion, si nous avons un actionnaire privé, Québec va être sur les rangs, c’est certain », a assuré le ministre Girard, responsable de piloter le dossier du hockey professionnel.

« C’est une dépense de promotion pour montrer qu’on a une infrastructure de la LNH qui est disponible », a-t-il répété, pressé de questions par les journalistes. « Ce sont des étapes qui visent [...] à utiliser notre infrastructure et à montrer que Québec a des fans [...] et une culture de hockey. »

Le ministre a également rappelé que les Québécois avaient collectivement investi 370 millions $ dans l’espoir d’accueillir une équipe de la LNH. « Les contribuables ont payé un amphithéâtre pour une équipe de la ligue nationale et n’y en ont pas, a rappelé Eric Girard. Moi ce que je fais, c’est la promotion de cet amphithéâtre. »

« Mon but était simple : utiliser le Centre Vidéotron pour sa raison d’être. »

—  Éric Girard, ministre des Finances du Québec
Le Centre Vidéotron a été inauguré en 2015, après un investissement public de 400 millions $.

Le 14 novembre dernier, tout sourire, le ministre des Finances annonçait l’octroi d’une subvention de 5 à 7 millions pour l’organisation de deux parties hors-concours des King de Los Angeles au Centre Vidéotron. D’abord contre les Bruins de Boston le 3 octobre 2024, puis contre les Panthers de la Floride, le 5 octobre.

Rapidement, l’annonce a été décriée par les partis d’opposition, mais aussi par les syndicats de la fonction publique et les organismes communautaires, à qui le gouvernement Legault répète qu’il doit se serrer la ceinture.

Des élus caquistes, dont des ministres, ont également remis en cause le « timing » de l’annonce du ministre Girard. Des maires se sont aussi questionnés publiquement sur le bien-fondé de la subvention, prise à même un fonds destiné à soutenir des projets d’entreprises et d’organismes locaux sans but lucratif de la région de Québec.

Le premier ministre Legault, tout comme le ministre de l’Éducation Bernard Drainville, a plaidé qu’il s’agissait d’un « signal » pour montrer à la LNH que Québec est prêt à obtenir sa propre franchise de hockey professionnel.

Les oppositions ne lâchent pas

Les partis d’oppositions ne lâchent pas le morceau.

Le co-porte-parole et chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a qualifié les arguments de M. Girard de « pathétiques », mardi.

« Si on avait voulu inventer de toutes pièces un exemple pour illustrer le dérèglement des valeurs de ce gouvernement-là, je pense qu’on n’aurait même pas trouvé un exemple comme ça », a déclaré M. Nadeau-Dubois.

Son collègue solidaire Haroun Bouazzi a présenté mardi après-midi une motion en chambre pour demander au gouvernement d’annuler cette subvention pour la venue des Kings de Los Angeles à Québec. Comme attendu, la motion a été refusée par la Coalition avenir Québec (CAQ).

Le Parti libéral du Québec en fera pour sa part sa motion du mercredi, ce qui forcera tous les députés à voter de façon individuelle sur la question.

Certains élus de la CAQ ont exprimé leur malaise avec ce geste de leur gouvernement. Dont la ministre des Transports et vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, qui a remis en question publiquement le moment choisi pour l’annonce.

Son collègue Girard a reconnu que les impératifs commerciaux, c’est-à-dire la vente de billets, ont dicté du moment de l’annonce.

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a aussi indiqué de son côté que « le timing n’était pas idéal ».

Le libéral Enrico Ciccone dénonce le fait que « les Québécois vont payer deux fois. Celui qui a acheté un billet va payer deux fois ».

Lui-même un ancien hockeyeur professionnel de la LNH, M. Ciccone souligne en plus que le commissaire de la LNH, Gary Bettman, déteste être mis sur la sellette dans les médias à propos de nouvelles équipes et que la stratégie du ministre Girard n’aide pas la cause.