Dans son rapport dévoilé mercredi, Bonnie Lysyk a souligné que le gouvernement de l’Ontario a agi «en tenant peu compte des commentaires d’experts» et en ne prenant pas en considération les répercussions et les risques environnementaux, agricoles et financiers lorsqu’il a décidé de retirer certaines zones de la «ceinture de verdure» en 2022.
Elle a estimé que les propriétaires des 15 terres qui ont été retirées de la «ceinture de verdure» pourraient constater, à terme, une augmentation de plus de 8,3 milliards de dollars de la valeur de leurs propriétés.
Selon son enquête, 14 des 15 sites qui ont été retirés ont aussi été «intégrés à l’exercice» par le chef de cabinet du ministre du Logement.
L’un des promoteurs ayant profité du changement de réglementation est TACC Developments, qui appartient à la famille De Gasparis. Sylvio De Gasparis, qui n’est pas nommé directement dans le rapport, a des liens étroits avec le premier ministre Doug Ford.
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«De la corruption»
«L’exercice visant à modifier les limites de la ceinture de verdure à l’automne 2022 ne peut être décrit comme un processus standard ou défendable», a écrit Mme Lysyk dans son rapport.
«L’exercice de sélection des terres, incomplet et très restreint, excluait l’apport substantiel des experts en planification de l’aménagement du territoire des ministères provinciaux, des municipalités, des offices de protection de la nature, des dirigeants des Premières Nations et du grand public, tout en accordant un traitement préférentiel à certains promoteurs ayant un accès direct au chef de cabinet du ministre des Affaires municipales et du Logement.»
Après avoir pris connaissance du rapport, la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Marit Stiles, a réclamé la «démission immédiate» du ministre du Logement de la province, Steve Clark.
«Appelons un chat un chat: c’est de la corruption. Les Ontariens ont droit à quelque chose de mieux qu’un gouvernement qui enrichit un petit groupe de personnes qui soutiennent son parti financièrement, au détriment des gens qui travaillent fort», a-t-elle plaidé dans un communiqué.
Décisions biaisées
Dans son rapport, Mme Lysyk a noté que le processus qui a mené au retrait de 15 terrains de la «ceinture de verdure» a duré trois semaines et qu’il a été piloté par le chef de cabinet du ministre du Logement.
Il s’agit de Ryan Amato, qui n’est toutefois pas nommé directement dans le rapport.
MM. Ford et Clark ont tous deux assuré à la vérificatrice générale qu’ils n’étaient pas au courant que c’était M. Amato qui était responsable du processus.
Mme Lysyk a formulé 15 recommandations à l’attention du gouvernement dans son rapport, incluant celle de réévaluer sa décision de modifier les limites de la «ceinture de verdure».
Selon la vérificatrice générale, le processus qui a mené au choix des 15 terrains qui ont été retirés de la zone protégée «n’était pas transparent, objectif, ni pleinement éclairé».
Le chef de cabinet au centre du dossier
Lorsque le Parti progressiste-conservateur a remporté les élections de juin 2022 avec une forte majorité, M. Ford a ordonné à M. Clark, dans sa lettre de mandat à titre de ministre du Logement, de terminer le travail concernant les mises à jour des politiques liées à la «ceinture de verdure», peut-on apprendre en lisant le rapport de la vérificatrice générale.
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Le ministère du Logement a offert deux options au chef de cabinet de M. Clark: entamer un examen global de la «ceinture de verdure» ou choisir certains sites spécifiques, a écrit Mme Lysyk.
En octobre dernier, M. Amato a demandé au ministère de former une petite équipe de six à dix fonctionnaires pour évaluer des sites spécifiques, plutôt que d’amorcer un examen global.
M. Amato a alors ordonné à cette «équipe du projet» de ne divulguer aucune information au sujet de leurs travaux. Il leur a aussi fait signer des accords de confidentialité.
Réformes radicales
Les travaux devaient être effectués rapidement pour s’inscrire dans les réformes radicales du gouvernement ontarien en matière de construction de logements. Il vise notamment à construire 1,5 million d’habitations au cours des 10 prochaines années.
Le chef de cabinet du ministre du Logement a ensuite fourni lui-même à cette équipe 21 des 22 sites qui devaient être évalués pour savoir s’ils allaient être retirés de la zone protégée.
Lors de son entretien avec la vérificatrice générale, M. Amato a reconnu qu’il avait choisi les terrains en partie après avoir parlé à quelques promoteurs lors d’un événement de la Building Industry and Land Development Association (BILD) le 14 septembre.
«Dans l’ensemble, ceux et celles qui avaient accès au chef de cabinet à l’événement de septembre de la BILD ont fait l’objet de retraits de terres ou biens-fonds de l’ordre de 6784 acres, soit 92% des 7412,64 acres qui ont finalement été retirés de la ceinture de verdure en décembre 2022», est-il écrit dans le rapport.
La province, dans sa réponse incluse dans le rapport, a fait savoir qu’elle acceptait 14 des 15 recommandations de la vérificatrice générale et a reconnu qu’il y a toujours moyen d’améliorer la façon dont la fonction publique politique travaille.
La vérificatrice générale avait lancé un audit de l’optimisation des ressources en janvier après avoir reçu une demande conjointe des trois partis d’opposition l’appelant à déclencher une telle enquête.