Faut-il assurer Pitou et Minou ?

Les produits d'assurance animalière sont en hausse de popularité au Canada.

Le phénomène des polices d’assurances pour chien et chat prend de l’ampleur au Canada, si bien que depuis 2018, le nombre d’animaux assurés au pays a augmenté de 88 %. Prévoyance astucieuse, amour aveugle ou piège marketing ?


Devant une industrie représentant 322 M$ au pays et au moins six choix de compagnie, vous vous êtes peut-être demandé si et comment vous devriez prévenir les contre-coups financiers d’une maladie ou d’un accident chez votre bête à poils. La Tribune a décidé de vous offrir un tour d’horizon de la question.

Déjà, dans l’ensemble des sept cliniques contactées par La Tribune sous l’identité d’une propriétaire de chat en quête de conseils sur le sujet, les recommandations se sont avérées en faveur d’une assurance animalière. Des formations sont même données par des assureurs directement dans les cliniques afin d’aider celles-ci à bien conseiller la clientèle, a-t-on répondu.



En entrevue, la Dre Anne-Elyse Choquette, qui est copropriétaire de l’Hôpital vétérinaire de l’Estrie, à Sherbrooke, assure cependant que les vétérinaires, les cliniques et leur personnel n’en retirent aucun bénéfice et demeurent indépendants dans leurs suggestions­.

Constatant elle aussi sa montée en popularité, la Dre Choquette recommande sans l’ombre d’un doute la souscription à une assurance pour son chien ou son chat. « Moi-même, mon chien est assuré, dit-elle. On peut peut-être voir de 10 à 12 patients par jour, et là-dessus, ce n’est pas rare qu’il y en ait au moins un avec des assurances. »

Malheureusement, les polices d’assurances pour animaux exotiques, comme les oiseaux ou les petits rongeurs, ne sont pas encore disponibles au Canada, précise-t-elle, mais leur arrivée est grandement souhaitée.

La spécialiste explique que sa position réside dans la sécurité d’offrir les soins nécessaires en cas de malchance. Il n’est pas rare pour elle et ses collègues de voir un animal euthanasié ou abandonné, faute de moyens de la part de son propriétaire pour le soigner après un accident.



« Encore la fin de semaine dernière, ça m’est arrivé, dit-elle. J’avais un petit chat d’un an qui a été frappé par une voiture et qui a finalement dû être relocalisé dans une autre famille. Ça arrive encore, mais je dois dire que les gens sont de plus en plus au courant que c’est cher, un vétérinaire, et ils sont de plus en plus responsables dans leur décision d’adopter ou non. »

Anne-Elyse Choquette, copropriétaire de l'Hôpital vétérinaire de l'Estrie

Le président de l’Ordre des médecins vétérinaires, le Dr Gaston Rioux remarque en effet que plusieurs cliniques conseillent maintenant l’adhésion à une police d’assurance pour animaux. « Il peut y avoir certaines inquiétudes qu’on a à ce sujet, mais il y aussi des bons côtés », dit-il.

Dans tous les cas, martèle-t-il, il est important de rappeler que l’adoption d’un animal demande un investissement important. « La principale étape quand on veut adopter un animal, c’est justement se faire un budget. Ça a l’air bien simple, bien anodin, mais parfois, on a tendance, nous les humains, à adopter un animal sur un coup de cœur plutôt qu’avec rationalité. »

Menace à l’indépendance ?

Se disant ni pour, ni contre, le Dr Rioux préfère cependant émettre une mise en garde. « Ce qui peut nous inquiéter à moyen et long terme, c’est qu’à un moment donné, les compagnies d’assurances ne permettront pas tout type de chirurgie. Ils vont peut-être potentiellement imposer des choix aux médecins vétérinaires et aux clients. Ça se produit en médecine humaine et dans d’autres domaines », évalue-t-il.

Le Dr Gaston Rioux, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec.

« Si ça se produit, là on a un enjeu d’indépendance professionnelle, continue-t-il. Ce qu’on veut, c’est que le médecin vétérinaire soit autonome et indépendant dans ses décisions, qu’il exerce son jugement professionnel pour être en mesure de recommander ce qui est la meilleure alternative pour le client. »

La Dre Choquette n’est pas tout à fait du même avis. « Moi, je ne le ressens pas comme ça et pour l’instant, ce n’est pas mon expérience, heureusement », dit-elle.



Investir ailleurs

Interrogée sur le sujet, la conseillère en sécurité financière chez Courtage CRH, Audrey Hébert, avoue rarement recommander l’achat d’une assurance pour animaux de compagnie. « La plupart du temps, quand les gens y pensent, il est déjà trop tard parce que l’animal a des problèmes de santé, dit-elle. Mais l’assurance va exclure tous les problèmes de santé déjà existants de sa couverture. »

« C’est quand même dispendieux pour ce que ça donne au final, poursuit-elle. Il y a une augmentation de l’attachement animal, c’est certain, mais quand on est conseiller, l’important c’est de protéger la famille. Il y en a qui n’ont pas beaucoup de liquidités disponibles, donc souvent, les assurances animalières seront le dernier des besoins. »

Mme Hébert croit plutôt qu’on gagne à investir cet argent tout en le gardant disponible aux imprévus. « Si le client a la liquidité d’investir quelques centaines de dollars par année en assurance, il est aussi bien de le mettre de côté dans un CELI au cas où, puis de le mettre dans un REER au moment de l’impôt pour diminuer son revenu imposable. Au final, il aura beaucoup plus de retour d’argent qu’avec une assurance. »

Le Dr Gaston Rioux croit aussi qu’il soit une meilleure idée d’adopter des habitudes d’épargne et d’accumuler son propre coussin d’urgence. « C’est la meilleure solution, parce qu’évidemment, les compagnies d’assurances ne font pas du bénévolat. C’est sûr qu’ils font des sous sur le consommateur. Si le consommateur n’est pas en mesure de prévoir ou ça ne lui tente pas, oui, il peut souscrire à une assurance. »

Pour assurer un chien contre accident et maladie, la prime annuelle moyenne s'élève environ à 813,98 $.

Ce que disent les chiffres : le témoignage d’une propriétaire assurée

La Tribune s’est entretenue avec une propriétaire de chiens qui a eu recours maintes fois à sa compagnie d’assurances durant les dernières années. Anaïs-Gabrielle Dandurand, qui possède une femelle bouledogue français et un mâle American Bully, a assuré ses bêtes pour accidents et maladie en décembre 2020 avec la compagnie Peppermint pour un coût total de 85 $ par mois. « Ce n’était pas naturel pour moi de le faire au début. J’ai pris une assurance parce que le Bully que j’ai adopté était au départ en copropriété pour être reproducteur, et l’éleveur m’a demandé de prendre une assurance couvrant au minimum 2500 $. Je me suis dit tant qu’à en prendre une pour lui je vais aussi en prendre pour ma bouledogue française, comme c’est quand même réputé pour avoir des petits problèmes de santé ici et là. »

Depuis, sa femelle a dû subir une extraction de dents après une querelle entre chiens et une hospitalisation pour ingestion d’un mégot de joint sur le trottoir. De son côté, son mâle a dû subir une extraction de griffe après avoir dévalé les escaliers lorsqu’il était encore tout jeune. Puis, plus récemment, une boiterie l’a mené à la clinique vétérinaire, puis chez un spécialiste pour subir une opération des ligaments croisés.

Un mois plus tard, ce même toutou a subi un malaise de cause inconnue, qui a nécessité une autre hospitalisation. « Je ne savais pas si ça allait être considéré comme un accident et j’étais toujours en attente de remboursement de l’opération, alors j’ai vendu mon véhicule pour sauver la vie de mon compagnon. Finalement, les assurances ont remboursé le maximum possible en cas d’accident pour lui. »

Factures à l’appui, Mme Dandurand peut ainsi témoigner avoir reçu 5584,36 $ en indemnisations de son assureur en un peu plus de deux ans, sur un total de frais vétérinaires de 11 235,17 $.



Un calcul rapide permet de déterminer que Mme Dandurand a dépensé 2720 $ en primes d’assurance depuis l’adhésion à sa police. Elle a ainsi réalisé des économies nettes de 2864,36 $ pour les soins de ses animaux.

« Je me disais que je payais ça pour rien, dit-elle. Surtout mon conjoint, qui est plus terre à terre. Là, il est super content qu’on ait des assurances. Je me remercie le ciel chaque jour d’avoir assuré mes animaux. On le fait pour nos voitures, pour nos téléphones, pourquoi pas nos animaux ? Tout le monde devrait en avoir. »