Il y a dix ans, André Dufour habitait depuis quelques années en face du Musi-Café, devenu le triste emblème de la tragédie qui a coûté la vie à 47 personnes. « Tous ceux qui vivaient dans ces appartements-là, on n’a rien retrouvé. »
Cette nuit-là, il n’y était pas. C’est son voyage de noces qui l’a sauvé.
Il y a 10 ans, si je n’allais pas en voyage, j’étais mort. Et à Saint-Jean-Vianney, s’il n’y avait pas le match de hockey [le Canadien était en séries éliminatoires], j’étais mort.
— André Dufour
L’homme qui soufflera en septembre 80 bougies a déménagé à Lac-Mégantic en 1999, après une séparation. « Mon fils était là. Il venait d’ouvrir trois gyms et il était débordé. Je suis allé le rejoindre pour l’aider dans la gestion. »
Il y rencontre celle qui deviendra son épouse le 4 juillet 2013. Le lendemain, le couple part en voyage à l’Île-du-Prince-Édouard. « Le 6 au matin, on se lève et on ouvre la TV. La première chose qu’on voit, c’est Lac-Mégantic qui est en feu. On voit qu’il ne reste plus rien de chez nous. On fait des appels et personne ne répond. »
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Il prend alors conscience qu’il faudra une fois de plus tout recommencer. « C’était ça pour moi, mais pour ma femme Diane aussi parce que sa maison avait déjà passé au feu. Les deux, on venait de tout perdre une autre fois. En fait, je n’ai plus rien. Je n’ai aucune photo de mes enfants jeunes. Aucune note de mes cours. Aucun souvenir. »
Échapper à la mort deux fois
« À Saint-Jean-Vianney, j’avais 25 ans. Je me suis sauvé avec mon bébé dans les bras et ma femme. On a tout perdu. La maison, l’auto, tout. Des amis aussi. On a perdu beaucoup de monde. »
Sa maison faisait partie des 42 résidences qui ont été englouties par un glissement de terrain le 4 mai 1971. La tragédie a fait 31 morts. Dans le balado Saint-Jean-Vianney, le village aux pieds d’argile, il raconte que sa conjointe de l’époque a eu le temps d’attraper le sac à couches de leur fils. Le couple a dû repartir à zéro.
« À Lac-Mégantic, je disais aux gens qu’ils avaient la chance de rester dans leur village. De reconstruire. À Saint-Jean-Vianney, on n’a pas pu retourner dans notre village. »
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En 1971, après la tragédie, le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, a fermé définitivement la localité saguenéenne de 1700 personnes. Les maisons intactes ont été déménagées et les autres reconstruites dans les secteurs Arvida et Shipshaw.
L’homme se permet toutefois de dire que l’aide gouvernementale est arrivée plus rapidement en 1971 qu’en 2013. « Les assurances nous ont couverts, mais ç'a été plus difficile. Et puis, Diane a perdu sa job. À l’époque du glissement de terrain, tout le monde avait continué de travailler, ici c’était différent. Beaucoup de gens ont perdu leur emploi. »
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C’est presque un cliché de lui dire qu’il est résilient. Il répond qu’il n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Il regrette toutefois les amitiés qu’il a perdues.
« Je me suis toujours impliqué. À Saint-Jean-Vianney, c’était toute ma vie. J’ai vécu mon enfance là. À 16 ans, j’étais le président du centre de loisirs et j’avais créé le terrain de jeux. En arrivant à Lac-Mégantic, je me suis aussi impliqué. J’étais dans le CA du club de golf et dans le club Optimiste. »
Le couple vit maintenant à Sherbrooke. « C’est une câline de belle ville! On est bien installé. L’été, on passe six mois au camping et je joue au golf. Diane a une nouvelle job et moi je profite de la retraite. »
Résilient vous dites. « J’ai hérité ça de ma mère! »