
Gatineau
Mais comment Gatineau a-t-elle pu se retrouver avec toutes ces oeuvres, dont certaines représentent un intérêt d’importance nationale? «Des dons», répond la Ville de Gatineau.
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«La collection s’est construite au fur et à mesure, par des dons, explique Valérie Camden, responsable des arts visuels et du patrimoine à la Ville de Gatineau. Ce sont des gens qui ont donné des tableaux aux maires qui se sont succédé, en guise de cadeaux, qui donnaient des oeuvres à des directeurs de service, sans procédure ou processus particulier. Au moment de la fusion, on a mis en commun les collections des anciennes villes. On s’est ensuite donné une politique d’acquisition, en 2006. Maintenant, quand quelqu’un veut faire un don, c’est analysé par un jury. La Ville est approchée plusieurs fois par année par des gens intéressés à faire un don. Quand nous l’acceptons, nous émettons un reçu aux fins du calcul de l’impôt de la valeur sur le marché de l’oeuvre en question.»
Il n’y a pas que les collectionneurs privés qui garnissent la banque d’oeuvres d’art de Gatineau. En 2015, la Fondation Marc-Aurèle Fortin a fait don à la Ville de sept oeuvres du peintre québécois. Certaines sont toujours exposées au cabinet du maire.

Conservation
En acceptant la propriété publique d’oeuvres d’art, la Ville ne fait pas qu’embellir les murs des la Maison du citoyen. Elle fait surtout oeuvre utile en les conservant et en les rendant disponibles à d’autres institutions publiques comme des musées. «On a un mandat au niveau de la conservation, précise Mme Camden. Ce ne sont pas des oeuvres qu’on peut exposer n’importe où. Ça dépend de la lumière, de la circulation autour de l’oeuvre, des écarts de température dans la pièce ou encore de l’humidité. On est cependant régulièrement approché par des musées pour des prêts dans le cadre d’expositions particulières.»
La collection d’art visuel de la Ville n’est pas composée que de grands noms de la peinture. Plus de 40 % des oeuvres qu’elle contient ont été créées par des artistes locaux. On peut penser au peintre hullois Jean Alie. Dans les années 1970, il a peint des dizaines de toiles qui représentent des lieux existants et disparus du Vieux-Hull, ou encore à John Stanley Walsh, qui a fait la même chose, mais dans les années 1940.
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DES DIZAINES DE RIOPELLE DANS LA COLLECTION DE LA VILLE
Trois médecins de Montréal sont débarqués dans les bureaux de la Ville de Gatineau, en 2008, dans le but d’offrir des dizaines d’oeuvres d’un des géants de la peinture contemporaine, Jean-Paul Riopelle. Un don gracieux… avec à la clé, évidemment, un reçu aux fins de calcul d’impôt. Le genre de don qui se refuse difficilement.
Aujourd’hui, la collection d’art de Gatineau compte plus d’une soixantaine d’oeuvres de Riopelle regroupées dans une quinzaine de titres. Il s’agit essentiellement d’estampes, un art que le peintre a particulièrement affectionné au courant de sa carrière. Ces oeuvres ont normalement moins de valeur qu’un tableau sur toile, unique, puisqu’elles ont souvent été tirées en quelques dizaines d’exemplaires. C’était d’ailleurs le but des estampes. Elles permettaient de rendre plus accessibles des oeuvres qui demeurent originales.
Gatineau détient tout de même quelques titres assez prestigieux de Riopelle. L’oeuvre Affiche avant la Lettre Fondation a été créée à Paris, en 1967. «C’est au tout début de sa période de création d’estampes, note le galeriste d’Ottawa, Jean-Claude Bergeron. Il travaillait à l’époque à l’imprimerie ARTE d’Adrien Maeght, sur la rue Daguerre, en plein Paris. Plusieurs grands noms de la peinture étaient alors imprimés à cet endroit. Riopelle est tombé dans les estampes comme un enfant tombe dans un plat de bonbons. Il s’amusait beaucoup à faire ça. Ç’a été une découverte qui a créé chez lui un réel engouement. Il a fait de nombreuses séries.»
Alors qu’il collabore étroitement avec les techniciens de l’imprimerie pour repousser les limites de cette technique d’impression, Riopelle se lance, en 1968, dans la réalisation d’un bestiaire. Gatineau possède d’ailleurs l’une des 75 impressions de l’oeuvre Le Homard.
Gatineau peut aussi se vanter d’avoir toute la série des huit estampes de l’oeuvre Les Mouches à Marier réalisée à Paris, en 1985. Certaines impressions de cette série se vendaient plus de 15 000 $ sur le marché, d’après ce que Le Droit a pu constater dans les derniers jours. Ces oeuvres étaient en quelque sorte un hommage de Riopelle à un grand ami qu’il avait en commun avec Gilles Vigneault, Léopold «Paul» Marier. Ce dernier a été champion canadien de pêche à la mouche en 1936. Il est par la suite devenu maître dans l’art du montage de mouche à pêche. Marier a ensuite rendu la pareille à Riopelle en nommant l’une de ses mouches à son nom.
Jean-Paul Riopelle n’est d’ailleurs pas le seul signataire du Refus Global à avoir une place dans la collection publique de la Ville de Gatineau. Les peintres Marcelle Ferron et Marcel Gauvreau sont aussi au nombre des artistes présents dans le catalogue de la Ville à avoir cosigné cette oeuvre déterminante publié en 1948 et qui allait dessiner le chemin de la grande transformation de la société québécoise pendant la Révolution tranquille.