« Le gouvernement, qu’il fasse un effort, ça se vote 30% (pour les députés). Voyons donc, ça ne marche pas, y compris pour les infirmières. Et ces enfants-là, c’est bien beau, mais à la maison, ils vont réclamer leurs amis. On a beau leur acheter des livres, on n’a pas l’expertise enseignante », s’est exclamée Ginette, une grand-maman qui « viendra à la rescousse » de son fils pour s’occuper de deux enfants au fil des jours à venir, l’un en maternelle, l’autre en deuxième année. C’est sans compter un enfant à la garderie.
Cette dernière admet que même si elle donne un coup de main avec grand plaisir, le plan de match de la semaine lui permettra de «souffler un peu» puisque son fils a aussi prévu prendre des congés.
Rien n’y paraissait à première vue, mais la fin d’après-midi, lundi, n’était pas comme les autres: des dizaines de milliers d’élèves de la région ont quitté leur classe, sac à dos remplis d’items à ramener à la maison, en ne sachant pas à quel moment ils y remettront les pieds. Dans trois, sept, dix jours, voire deux semaines? Nul ne connaît la réponse à la question.
En Outaouais, le débrayage de trois jours du Front commun (CSQ, CSN, FTQ et APTS), qui regroupe entre autres le personnel de soutien et professionnel des écoles; jumelé à la grève générale illimitée de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) dès jeudi, entraîne la fermeture complète et ce pour une durée inconnue des quelque 90 établissements des centres de services scolaires des Draveurs (CSSD), des Portages-de-l’Outaouais (CSSPO) et au Coeur-des-Vallées (CSSCV).
Il s’agirait, si cela se concrétise, de la première grève générale illimitée chez les enseignants depuis le début des années 80.
Dans le cas des écoles du Centre de services scolaire des Hauts-Bois-de-l’Outaouais (CSSHBO) et de la Commission scolaire Western Québec (CSWQ), elles reprendront leurs activités régulières dès vendredi, leurs enseignants étant affiliés à la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) et l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ-QPAT). Les écoles privées ne sont pas touchées.
Grand-père en renfort
Papa d’un garçon du préscolaire, Christian, qui œuvre comme facteur, a quant à lui organisé les prochains jours avec l’aide du grand-père, qui va être au poste le matin. Mais s’il fallait que le débrayage se poursuive à moyen terme, le plan pourrait changer et il pourrait y avoir certains impacts sur le travail, avoue-t-il.
« On essaie de s’arranger du mieux qu’on peut pendant que je travaille. Je finis relativement tôt alors je suis chanceux pour cela. [...] [Si ça perdure], il falloir que les employeurs mettent de l’eau dans leur vin et nous accommodent un peu je crois », lance-t-il, ajoutant que c’est davantage au gouvernement qu’à l’autre côté de faire des pas vers l’avant « parce qu’ils les ont niaisés assez longtemps ».
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Mère d’un enfant du primaire, Anik affirme quant à elle que la situation sera assez bien gérable, puisqu’elle et son conjoint sont des fonctionnaires en télétravail avec alternance.
« Ça va être correct. On soutient vraiment les profs et le personnel scolaire, on comprend et on est complètement d’accord avec la grève. C’est juste qu’il va quand même y avoir certains enjeux, mais on va venir à bout. On n’est pas monoparental ou travailleur autonome, ce qui est toute une autre game », dit-elle.
La Gatinoise ajoute que les revendications doivent être davantage entendues en haut de la pyramide.
« Qu’est-ce qu’on ferait sans eux? Ça me fait plaisir de payer un peu plus de taxes pour pouvoir leur offrir [de meilleures conditions]. En espérant que ça se règle assez vite pour tout le monde, parce qu’ils (les enseignants) n’ont pas de fonds de grève, alors c’est terrible pour eux aussi, avant Noël. Il y a aussi les enfants qui ont déjà des troubles d’apprentissage, ce n’est pas évident pour eux non plus », affirme-t-elle.
Du temps en famille
Travailleurs autonomes, Yoan et sa conjointe indiquent pour leur part ne pas avoir pas de scénario précis, ayant une relative grande marge de manoeuvre.
« On n’a pas de plan de match. On va essayer d’aller au cinéma, au musée. Ça va nous permettre de vivre plus de moments avec les enfants. On va aussi faire des devoirs », dit-il, spécifiant qu’il n’aura pas de difficulté à se consacrer au boulot durant cette période atypique.
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Et un mal de tête...
C’est une tout autre histoire pour Wissam, chauffeur de taxi et père de trois enfants dont un en âge scolaire, rencontré aux abords d’une autre école de Gatineau.
« La semaine prochaine [si la situation perdure], je ne sais pas ce que je vais faire. Par hasard, je suis en vacances cette semaine [pour m’occuper des enfants] parce que mon épouse est en voyage en Allemagne pour un mariage, j’en suis déjà à ma deuxième semaine [de congé] mais la semaine prochaine, je suis supposé travailler et elle aussi. Je dois être sur place pour travailler », raconte-t-il.
L’homme affirme que le conflit doit se résoudre à tout prix parce qu’on «ne peut pas jouer avec le futur de nos enfants».
« Ces gens-là [dans les écoles] font un très, très bon travail. Ils sont plus que parfaits. Mon fils est en première année et il parle français et anglais à l’école, en plus de l’arabe à la maison. Imaginez-vous. Ils doivent régler les problèmes. La jeunesse, c’est notre futur, on doit en prendre soin », s’exclame le père arrivé au pays il y a 20 ans.
Des congés en alternance avec sa conjointe pour une demi-semaine ou encore la prise en charge d’un groupe d’enfants en alternance avec des amis font partie des options probables.
« On n’a pas d’autre choix », clame l’homme.
Des leçons avec grand-maman
Lynn, grand-mère de trois petits-enfants, viendra en renfort durant le conflit de travail qui, espère-t-elle, ne s’éternisera pas et permettra d’améliorer les conditions de travail du personnel de l’éducation.
« On va faire pas mal de leçons ensemble, comme j’ai fait dans le temps de la COVID. [...] C’est plate pour les enfants, ce n’est pas évident pour eux, pour leur année scolaire. Les parents, eux, doivent travailler. Ils sont chanceux d’avoir des grands-mamans comme moi (rires) », soutient-elle.
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Mère au foyer, Marie-France plaide quant à elle que son rythme quotidien sera peu bousculé, ajoutant avoir passablement de compassion pour les parents pour qui ce sera un dur casse-tête.
« Ça tombe bien. Mais ils vont manquer du temps dans les classes. C’est à se demander si ce sera repris, on est un peu dans le néant. Mais je vais faire des travaux à la maison, on va essayer de faire de la révision ensemble, dit-elle. [...] J’espère qu’ils (le personnel) obtiennent ce qu’ils veulent, parce qu’ils passent pratiquement plus de temps avec nos enfants que nous-mêmes. »
Cette dernière spécifie que le personnel scolaire «n’est pas assez entendu» et qu’il est désolant qu’on ait à se rendre à cette étape pour qu’on leur tende l’oreille à Québec.