Secondaire: «Les jeunes de Val-des-Monts sont laissés de côté»

Valérie Langlais et son conjoint Pierre Lizotte, entourés de leurs enfants Lexa, Isak et Laurik.

Temps de transport plus long, accès plus complexe aux activités parascolaires, décrochage, motivation en déclin: cela avait beau être la première demande, le refus de Québec de financer un projet de construction d’une école secondaire à Val-des-Monts, où la croissance démographique est sur une lancée incessante, exaspère certaines familles.


Du nombre, il y a Valérie Langlais, qui a acheminé plus tôt ce mois-ci, une lettre intitulée «Inégalité pour des élèves décrocheurs oubliés» aux médias de même qu’aux cinq députés de l’Outaouais, au protecteur national de l’élève et au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

«Je pense que les jeunes de Val-des-Monts sont laissés de côté, pour compte, et que le taux de décrochage qui est criant selon toutes les statistiques n’est en quelque sorte pas pris au sérieux, parce que rien n’est mis de l’avant pour les aider. On les ignore, un peu, relate la mère de famille. C’est comme de dire: les jeunes de Val-des-Monts ont moins de chances de réussir et c’est leur problème. On laisse ça seulement dans la cour des parents. Tout le monde sait qu’on est en plein essor.»

La Montvaloise affirme qu’avec trois écoles primaires qui débordent – celles-ci accueillent au total cette année 1115 enfants selon le Centre de services scolaire des Draveurs (CSSD) –, les chiffres et la logique prouvent que le besoin pour une école secondaire ne fera que s’accentuer à long terme.

À l’heure actuelle, 688 adolescents (+5% par rapport à 2022) sont transportés quotidiennement de Val-des-Monts vers l’une des écoles secondaires du territoire de Gatineau, majoritairement à la polyvalente Nicolas-Gatineau, où la clientèle surpasse encore le cap des 3000 élèves.

Peu de clés pour réussir?

Mme Langlais est d’avis que les inégalités sont flagrantes et qu’on ne peut les passer sous silence.

«Quand on regarde les différentes clés pour la réussite académique et la persévérance scolaire, qui est un sujet chaud et important en tout temps, on parle entre autres du sommeil, d’un bon équilibre travail-études, de socialisation, d’activités parascolaires, de sentiment d’appartenance. Tout ça a un impact sur la motivation. Sauf que les jeunes de Val-des-Monts n’ont aucune de ces clés-là qui peuvent être mises en application», se désole-t-elle.

Selon elle, le ministère «passe à côté de la track» lorsqu’il base ses décisions, surtout selon le critère des espaces disponibles.

«Ils prennent leurs décisions selon le nombre de têtes par pieds carrés. Je comprends le calcul mathématique, mais il manque le calcul humain, les besoins fondamentaux. [...] Je ne pense pas que la demande (du CSSD) est prise au sérieux. Je ne pense pas non plus qu’elle a été présentée avec tous les enjeux nécessaires pour que ce soit réellement compris (par les fonctionnaires). On dirait que la décision a été prise un peu à l’aveugle, même si je sais qu’ils ont beaucoup de demandes», lance-t-elle.

Une partie du noyau villageois de Val-des-Monts, où on retrouve deux écoles primaires.

Avec le temps de transport, soit au-delà de 60 minutes matin et soir dans plusieurs cas, un cercle vicieux se forme inévitablement, pense la mère, dont la belle-fille doit se lever avant 6h pour espérer ne pas rater le passage de son autobus.

«Si tu calcules le temps de sommeil qu’on recommande et que tu enlèves le temps de souper, la douche et les devoirs, il n’y en a pas de vie (personnelle). C’est tout. Et s’ils veulent en avoir une, soit ils coupent dans les devoirs et l’étude, soit ils se couchent tard et sont fatigués, ce qui affecte la concentration et les résultats scolaires», déplore Valérie Langlais.

À l’arrêt d’autobus à 6h30

Catherine Daigle, mère de quatre enfants, dont un au secondaire, habite elle aussi à Val-des-Monts et soutient que les ados font face à une réalité quotidienne loin d’être évidente. Sa fille quitte la maison à 6h28 pour se rendre à l’arrêt d’autobus.

«La problématique, dans notre cas, c’est surtout au niveau des activités parascolaires. Elle (l’ado) est dans l’équipe de basketball et trois soirs par semaine, elle a des entraînements. Le mardi, c’est à 16h15, alors elle reste à l’école, ce n’est pas si pire. Mais les autres jours, elle revient de l’école en faisant une heure d’autobus puis on va la porter à son entraînement de 17h45. On retourne la chercher à 19h15, signale la Montvaloise. Comme je suis quelqu’un qui aime s’impliquer, que ce soit avec des réunions à l’école ou le conseil d’administration à la garderie, parfois mon conjoint doit amener les plus jeunes enfants pour aller la chercher.»

La majorité des 700 élèves du secondaire habitant à Val-des-Monts fréquentent la polyvalente Nicolas-Gatineau.

Le taux de décrochage dans le secteur justifie à lui seul l’importance de voir ce projet devenir réalité dans un avenir pas si lointain, pense-t-elle.

«Ça donnerait plus de temps à tout le monde en famille et ça créerait un meilleur sentiment d’appartenance. Val-des-Monts, c’est un endroit exceptionnel pour vivre, c’est un gros village, je me promène et je connais tellement de gens. Ce sentiment-là pourrait se poursuivre chez nos enfants. Ce serait aussi plus facile de faire des activités parascolaires, car certains s’en privent. De notre côté, c’est extrêmement important, on ne dira pas non, on promeut le sport», explique-t-elle.

Les deux mères de famille estiment d’ailleurs que le projet d’école secondaire dans leur municipalité n’est pas en concurrence avec l’attendu projet d’agrandissement d’Hormisdas-Gamelin, dans le secteur Buckingham.

«L’un n’empêche pas l’autre. Ce sont deux situations qui n’ont pas de bon sens», spécifie Mme Daigle.

«Cerise sur le sundae»

La grève dans le transport scolaire ces derniers mois, que Valérie Langlais qualifie de «cerise sur le sundae», s’est avérée une «autre preuve» que les ados en milieu rural sont pénalisés, considérant l’impossibilité de faire appel à la Société de transport de l’Outaouais et même à Transcollines. Certains parents – et plusieurs familles n’ont pas le luxe d’avoir deux véhicules, rappelle-t-elle – prenaient jusqu’à trois heures par jour pour faire le taxi.

La situation lors du retour en classe à la fin août a aussi causé son lot de frustrations.

«Dans ma tête, c’était une évidence même que la compagnie d’autobus qui n’est pas en grève (Bigras Transport), car on ne savait pas combien de temps ça allait durer, aurait pu être déployée principalement pour les jeunes qui n’ont pas d’autres options, comme ceux de Val-des-Monts et Cantley. On les voit comme égaux à ceux de Gatineau, mais leur situation n’est pas la même», affirme-t-elle.

Le CSSD a récemment réitéré sa demande pour la construction d’une école secondaire d’environ 400 places à Val-des-Monts, un projet qui a recueilli plus de 5000 signatures dans une pétition déposée à l’Assemblée nationale. Au départ, il était espéré que le projet puisse se concrétiser à temps pour l’année scolaire 2027-2028. Le terrain pour accueillir une telle infrastructure n’a pas encore été déterminé par la municipalité.

La population de Val-des-Monts s’est accrue de 15% en l’espace d’à peine cinq ans. On y comptait l’an dernier environ 13 500 habitants.