Marie-Claude Dumont, enseignante depuis 28 ans, était du nombre parce que les choses, dit-elle, doivent absolument changer.
«Il faut faire valoir nos revendications par rapport à la charge (de travail) qui a augmenté ces dernières années. Entre mes débuts et aujourd’hui, c’est deux mondes complets avec la clientèle étant donné qu’il n’y a presque plus de classes spécialisées. C’est vrai que notre tâche est beaucoup plus lourde, s’exclame celle qui oeuvre au préscolaire. Les paroles (du gouvernement), c’est beau, mais il faudrait que des actions suivent. C’est épuisant.»
Pour resserrer l’étau sur le gouvernement Legault alors que les négociations «stagnent» selon la partie syndicale près d’un an après le début des pourparlers pour renouveler le contrat de travail, quelques centaines de membres du Syndicat de l’enseignement de l’Outaouais (SEO) ont fait passablement de bruit devant les bureaux des centres de services scolaires des Draveurs (CSSD), au Coeur-des-Vallées (CSSCV) et des Portages-de-l’Outaouais (CSSPO).
Éligible à la retraite dans sept ans, Mme Dumont affirme qu’elle se bat aussi pour ses collègues des générations suivantes parce qu’elle croit mordicus à l’importance d’avoir une relève.
«Il faut trouver le moyen de les accrocher, faire en sorte que les nouveaux (profs) veulent rester. J’en ai vu passer qui ont quitté avant leurs premières années (de carrière). C’est décourageant, car c’est tellement important, c’est pour les enfants», a-t-elle lancé.
Ne pas lâcher prise
Avec une voix à peine audible tellement les klaxons et les crécelles se faisaient entendre sur le boulevard Maloney en pleine heure de pointe, Nathalie Séguin, vice-présidente du SEO, n’a pas caché que l’esprit de solidarité a monté d’un cran dans les rangs.
«Il faut revoir absolument la composition de la classe, c’est notre élément numéro, c’est primordial, on ne veut pas décrocher du tout ça de cela. Les profs sont en train de se mettre à terre et leur solution (au gouvernement) d’une aide à la classe, c’est pour le premier cycle seulement, ils ne sont pas capables de combler au complet», déplore-t-elle.
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Le soutien offert pour les nombreux élèves ayant des plans d’intervention est aussi loin d’être à la hauteur, renchérit Mme Séguin, qui en appelle à plus de flexibilité et d’ouverture de la part de Québec
«On ne veut pas lâcher notre bout. Pour beaucoup d’enseignants, c’est la négociation de la dernière chance, ils disent que si ça ne passe pas, ils quittent. Avec le manque d’enseignants prévu d’ici quelques années, c’est clair que si les choses ne changent pas, il va en manquer encore plus», affirme-t-elle. Pensons à nos enfants et à nos petits-enfants.»
À la croisée des chemins
Enseignante de sixième année cumulant 30 ans d’expérience, France Lacroix croit elle aussi qu’on en est à une certaine croisée des chemins.
«Ce qui cloche le plus, c’est la tâche, tout ce qu’on nous demande de faire. Il n’y a plus de services. [...] Avec la pandémie, ça a amené des élèves qui ont de grands besoins, certains ne savent ni lire ni écrire en deuxième année alors lorsqu’arrive le temps des apprentissages, le prof a besoin d’aide, elle se retrouve coincée entre deux, trois niveaux. [...] Dans une autre classe, il peut y en avoir cinq qui ont un trouble de comportement», soutient-elle.
Mme Lacroix affirme qu’on est en droit de s’attendre à un enseignement de qualité mais que la lourdeur de la tâche, la bureaucratie et le manque de ressources professionnelles dans les écoles gruge du temps fort précieux. De nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas le français passent aussi trop rapidement d’une classe d’accueil à une classe régulière, relate-t-elle, si bien qu’on ajoute, dit-elle, une autre lourde responsabilité sur les épaules des enseignants.
«J’en ai vu des négos pas faciles, je vais avouer. Là, je trouve que celle-ci est vraiment axée sur les conditions de travail. Il va falloir qu’il y ait du changement. [...] C’est une belle profession, mais là trop c’est trop», lance-t-elle, rappelant que «l’éducation est la base de la société» et que ses fondement doivent être solidifiés.
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L’enseignante légalement qualifiée soupire lorsqu’elle repense au ministre Drainville qui a mentionné qu’il y aurait à la rentrée un adulte par classe.
«Les parents paient des taxes scolaires, on veut avoir des gens compétents. [...] On met la vie de nos enfants entre les mains de personnes pendant dix mois par année, on les forme. C’est important, ce sont des apprentissages pour plus tard», martèle-t-elle.
Les membres du SEO, affilié à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), se sont prononcés en faveur d’une grève avec une écrasante majorité de 97% en juin dernier. D’autres syndicats affiliés se sont aussi exprimés dans le même sens depuis, notamment à Montréal et Québec. Il n’est pour l’instant pas prévu de débrayer, ce qui entraînerait une fermeture des écoles, à court terme. D’autres enseignants doivent se prononcer d’ici la fin septembre, souligne la FAE.
«Personne ne souhaite aller en grève, surtout dans le contexte économique actuel. Mais nous n’hésiterons pas à utiliser ce moyen ultime si on persiste à ignorer qu’il est urgent d’agir!», clame la présidente du SEO, Nathalie Gauthier.