En plein cœur des négociations dans le secteur public, le Syndicat des enseignantes et des enseignants du Cégep de l’Outaouais (SEECO) a entre autres voulu lancer le message que ses membres subissent autant les impacts de l’explosion du coût de la vie que les élus provinciaux, qui ont adopté en juin dernier une loi faisant passer leur salaire de base de 102 000 à 132 000$.
«On veut faire comme eux, on trouve que l’initiative de se voter 30% d’augmentation était une très bonne idée. Leurs arguments sont super bons: ils travaillent fort, ils veulent recruter des gens et retenir ceux qui sont en poste, etc. C’est la même chose pour les profs de cégep. [...] Et si on veut avoir les meilleurs candidats possible, ça prend des salaires et des conditions de travail améliorées», lance le président Christian Bernier.
Un peu d’ironie
De son propre aveu, le geste posé par le SEECO peut être comparé à un «un coup de semonce un peu ironique» parce que d’autres étapes plus formelles sont à venir, dont un vote de grève le 4 octobre prochain. Rappelons que le Front commun, qui réunit les syndicats représentant plus de 420 000 employés du secteur public au Québec, a annoncé lundi que les syndiqués seront progressivement consultés sur un mandat de grève dans les prochaines semaines.
«Aujourd’hui, ce qu’on leur dit, c’est que la négociation pourrait se régler assez facilement. Ils ont déjà trouvé le tour pour eux-mêmes, pour régler leurs problèmes. On leur dit donc que ça fonctionnerait très bien avec nous s’ils allaient de l’avant en faisant débloquer les négos. On n’aurait pas besoin de mettre plus de pression», plaide M. Bernier.
Après le vote en assemblée générale, les enseignants ont remis leur résolution, retranscrite sur une grande affiche, à la direction de l’établissement. Pour l’occasion, ils étaient masqués.
«C’est une façon de marquer le fait que le Cégep peine à trouver des employés, entre autres des enseignants. Quand il manque des postes, on a un cégep sans âme. C’est un peu pour symboliser la chose. On espère ensuite que la direction va montrer notre résolution au gouvernement, à la Fédération des cégeps, au Comité patronal de négociation des collèges», ajoute-t-il.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/VXZVVNLYLNFY5J7WUZ7VBS5JIE.jpg)
Plusieurs arguments sont inscrits dans la résolution syndicale, écrite sur un document imitant le libellé d’un projet de loi et intitulée «Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision du salaire annuel des enseignant.e.s du Cégep de l’Outaouais».
«Considérant que les gains salariaux obtenus lors des dernières luttes syndicales ont été largement supplantés par l’accroissement de l’inflation (3,8% en 2021 et 6,7% en 2022) mais également par l’augmentation éhontée du prix des aliments de première nécessité», lit-on entre autres.
Selon le contrat de travail actuel, le salaire des enseignants du Cégep varie entre 46 500$ et 97 000$, dépendant des échelons.
M. Bernier dit sentir un appui de la haute direction du Cégep de l’Outaouais à certains égards, malgré qu’elle ne tienne pas les cordons de la bourse, mais le qualifie malgré tout de tiède.
«Localement, il y a quelques mois, le Cégep en collaboration avec des municipalités de la région et d’autres partenaires, ont réclamé plus d’argent et une hausse des primes salariales pour les profs mais aussi tout le personnel de la région en santé, en éducation. Là, on sent un appui basé sur la particularité régionale de l’Outaouais. Quand on leur parle, ils disent nous appuyer, mais nous on trouve ça un peu tiède, on ne sait pas ce qu’ils font, on ne voit pas que se traduit en gestes réels, même s’il est vrai qu’ils ne sont pas placés directement devant le gouvernement», explique-t-il.
La précarité, autre enjeu clé
Christian Bernier affirme qu’outre le salaire, l’aspect de la précarité des emplois est l’un des enjeux majeurs dans le réseau collégial.
«On mise beaucoup là-dessus. Il y a environ 40% des profs qui ont un statut précaire, ce qui est méconnu, même si on parle beaucoup de stabilité, de sécurité d’emploi. Ces profs-là ne savent pas d’une session à l’autre s’ils vont travailler, ce sont des contrats. On travaille à faciliter l’accès à des postes soit annuels ou permanents», martèle-t-il.
Le SEECO indique que ses membres, comme d’autres employés du secteur public, n’ont pas l’intention de se contenter d’offres insuffisantes. L’absence de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, rend aussi le syndicat perplexe.
«Les députés de la CAQ s’offrent 30% d’augmentation. Le gouvernement offre 21% d’augmentation salariale aux agent.e.s de la Sûreté du Québec. À nous, il offre 9% sur 5 ans. De toute évidence, Papa (François) Legault a des chouchous et on n’en fait pas partie. Est-ce que le fait que la fonction publique compte 78% de femmes aurait quelque chose à voir là-dedans?», lance Mélanie Rousseau, vice-présidente à la convention collective du SEECO.