Il y a d’abord la demande de la Commission de la capitale nationale (CCN) pour permettre d’utiliser la Ferme Moore à des fins commerciales qui fera face à une opposition générale de la part des associations de résidents du secteur. Le conseiller du secteur, Jocelyn Blondin, s’y oppose catégoriquement, mais les opinions au conseil à ce sujet divergeaient encore la semaine dernière.
À un jet de pierre, il y a les quelque 170 copropriétaires des 150, 152, 154 et 156 boulevard de Lucerne - dont les immeubles de condominiums de six étages sont bien visibles à l’intersection des boulevards Saint-Raymond et Alexandre-Taché - qui annoncent qu’ils feront front commun pour empêcher la Ville de permettre à un promoteur montréalais de construire un immeuble de 10 étages sur le terrain immédiatement à l’est des leurs résidences.
Les deux dossiers mis en lumière par Le Droit dans les derniers jours ont fait l’objet de recommandations positives - nuancée dans le cas de la Ferme Moore - de la part du service de l’urbanisme et du comité consultatif d’urbanisme la semaine dernière. Le conseil municipal doit se prononcer mardi soir. Dans les deux cas, des citoyens prévoient se déplacer pour interpeller les élus en personne.
Que le projet de construction résidentiel sur Lucerne prévoit aussi la restauration de la maison patrimoniale John-Hamilton plus au nord sur le terrain n’émeut pas les propriétaires des quatre immeubles Champlain. Leur opposition est catégorique. Ces derniers n’ont pas l’intention de rester les bras croisés. Ils souhaitent que la Ville fasse respecter la réglementation en vigueur qui limite à six étages la hauteur sur le terrain visé. La présidente du syndicat de copropriété de l’immeuble Champlain I, Gisèle Aubut, signifie déjà l’intention des résidents de forcer la tenue d’un référendum s’ils doivent en arriver là.
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La résolution du syndicat de copropriété de Place Champlain envoyée à la Ville et dont Le Droit a obtenu copie évoque le risque d’un «préjudice grave et irréparable» qui aurait des impacts importants pour les propriétaires sur la jouissance et la valeur de leur bien. Il s’agit avant tout d’une question d’harmonie urbaine, affirme Mme Aubut.
«Ça provoquerait des inconvénients pour tout le monde, notamment en raison de l’augmentation de la circulation à un endroit déjà complètement surchargé, ajoute Mme Aubut. Ça n’a rien à voir avec la perte d’une belle vue pour quelques propriétaires. C’est de la qualité de vie de tout un secteur dont il est question. […] Est-ce qu’on souhaite avoir une ville où c’est le chaos total, où la beauté et l’esthétisme n’ont aucune importance, où on préfère le développement anarchique et déconnecté de son environnement?»
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Lucie Métras, propriétaire d’une unité du 156, boulevard Lucerne, affirme ne pas être opposée à la densification de son secteur. «On savait très bien qu’il y aurait un jour un promoteur qui viendrait développer ce terrain, c’est bien normal, explique la résidente. Mais on ne peut pas permettre une augmentation à 10 étages. On n’aurait aucun problème avec un immeuble de six étages qui respecte le zonage en place. On dirait que les promoteurs ne sont pas capables de présenter des projets qui respectent la réglementation à Gatineau. On dirait que les dérogations majeures font toujours partie intégrante des projets dès le départ.»
La résolution votée à l’unanimité par le syndicat de copropriété de Champlain I soutient qu’un immeuble de 10 étages aurait inévitablement un impact sur la luminosité et la vue d’une vingtaine de ses voisins. «Ça va créer un couloir de noirceur, d’humidité et de froid qui pourrait entraîner une dégradation précoce de la copropriété», ajoute-t-on. Mme Métras souligne toutefois qu’il ne s’agit pas là de l’argument principal à la base de la contestation. «C’est d’abord le respect de la réglementation qu’on souhaite», dit-elle.
Levée de boucliers pour la Ferme Moore
Le demande de la CCN pour faire du bâtiment principal de la Ferme Moore un restaurant, et de la grange adjacente une salle de banquet pour permettre à son locataire «La Commune» d’organiser des mariages et des réunions de groupe, fait l’objet d’une levée de boucliers dans le quartier.
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Le service de l’urbanisme et le comité consultatif d’urbanisme sont d’accord à permettre l’aménagement d’un restaurant, mais s’opposent à la salle de banquet. Le conseiller Blondin, s’est rangé derrière les associations de citoyens de son secteur et a déjà annoncé qu’il votera contre une plus grande utilisation commerciale de ce site patrimonial et communautaire.
Dans une lettre ouverte publiée par Le Droit, lundi matin, l’Association des résidents des Jardins-Taché, forte de l’appui de 14 autres organisations du secteur s’oppose fermement à tout changement de vocation de la Ferme Moore, invite le conseil à tourner le dos à la commercialisation du site.
«La commercialisation du site ouvrirait une brèche majeure et irréversible dans la protection du site et encouragerait l’établissement d’activités non compatibles avec la nature résidentielle du voisinage immédiat […] nous continuons de préconiser la protection du site en tant que lieu communautaire, patrimonial et naturel, peut-on lire dans la lettre. Nous sommes conscients que la préservation de la richesse historique et commerciale de la Ferme Moore pose des défis liés à la conservation et à l’entretien du site, au développement urbain et à l’utilisation des lieux. Nous croyons qu’il est grand temps de relever ces défis. »
Les signataires de la lettre demandent la mise sur pied d’une consultation qui réunirait la CCN, la Ville et les associations de résidents afin de développer une vision commune et à long terme pour l’utilisation de ce site. La CCN a déjà refusé une offre de bail à long terme de 35 ans proposée par la Ville de Gatineau et plusieurs partenaires institutionnels et communautaires en 2021.