«En 53 ans, je n’ai jamais, jamais vu la rue dans cet état-là. C’est la pire année que j’ai jamais vu depuis que nous sommes ici. Le soir, c’est encore plus épouvantable car on ne voit pas les trous, on s’empêche de sortir. Ce sont les voitures qui prennent le coup à ce moment-là. [...] Ils réparent tout le temps, mais ils sont moyennement proactifs. En même temps, il y en a tellement qu’on ne peut pas leur demander de tous les faire chaque fois. Alors on subi, c’est ce qu’on fait. En ce moment, trois ou quatre jours après (une réparation de nid-de-poule), c’est déjà à refaire, avec les camions et tout le trafic qui passe ici», lance une citoyenne qui habite sur la rue Georges depuis 1970.
De l’aveu de cette dernière, le débit de circulation n’a jamais été aussi élevé dans ce secteur où les projets domiciliaires se sont multipliés, ce qui n’aide en rien à l’état de la rue.
«Le soir, ici, après 15h30, n’essaie pas de sortir de la cour, le trafic c’est bloqué jusqu’à l’encan (Larose). [...] Hier (lundi), ils étaient juste ici en train de colmater des trous, mais reviens la semaine prochaine et tu vas avoir que c’est à refaire», lance-t-elle.
Deux places dans le top 10
Deux routes de l’Outaouais se retrouvent dans le top 10 provincial des pires routes de la province, selon ce classement qui est le fruit d’un sondage où on fait appel aux citoyens pour signaler les endroits les plus mal en point. En plus de la rue Georges (1er rang), le chemin Cook (4e) figure aussi au palmarès. Le top 10 est complété par des routes situées entre autres dans les Laurentides, Lanaudière et la Capitale-Nationale.
C’est la seconde année d’affilée que Gatineau remporte ses tristes honneurs puisque l’an dernier, le coup de sonde avait permis d’élire le boulevard de la Gappe comme pire route du Québec. Après avoir fat grand bruit – la mairesse France Bélisle s’était entre autres rendue sur place et avait demandé une intervention temporaire dans les plus brefs délais –, cette artère a depuis fait l’objet d’un repavage de la chaussée.
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«Comme un plaster»
Sur la rue Georges, mardi, un autre résident qui vaquait à ses affaires sur son terrain cachait bien difficilement son cynisme et sa lassitude par rapport à la détérioration de la chaussée lorsqu’il a appris la nouvelle.
«Pourquoi attendre si longtemps pour refaire les rues? C’est ça, le problème. J’ai des amis à Montréal et vous savez, le meilleur asphalte, il se trouve à l’aéroport ou bien aux États-Unis. Après ça, c’est le ciment. Peut-être que ce serait la meilleure chose qu’on pourrait avoir. Ça fait pitié, vraiment. [...] Ce ne sont pas des nids-de-poule, ce sont des nids d’autruche», s’exclame-t-il.
À son avis, ce classement est attristant pour la réputation de Gatineau.
«C’est une honte pour la rue Georges. Il y a du trafic, oui, sauf que ça n’empêche pas que les rues sont maganées. Ils les patchent (réparent), mais c’est comme de mettre un plaster (diachylon), ça ne dure pas. On vit avec cela, que veux-tu. Là, ils ont commencé à utiliser un rouleau, il était temps», dit-il.
Un citoyen rencontré dans le stationnement d’une épicerie a poussé un long soupir.
«C’est illogique. Refaites-la une fois (la rue) comme du monde et on ne recommencera pas sans arrêt. Ça coûtera ce que ça coûtera et on va nous laisser tranquilles pendant dix ans ensuite. Ils disent qu’ils veulent la refaire en 2024, mais je vais le croire quand je vais le voir», a-t-il clamé.
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Alignement et roues encaissent le coup
Propriétaire du Centre alignement de Buckingham, situé sur la rue Georges, Éric Blais soutient que les clients aux prises avec des problèmes mécaniques ou de carrosserie à la suite d’un incident survenu sur la chaussée face ou à proximité de son commerce se multiplient depuis des mois.
«Ça peut être au niveau de la suspension, des roues, des pneus, de l’alignement. On en a beaucoup, beaucoup, des remplacements de pneus ou de roues (jantes en alliage), pour lesquelles on parle de 200$. Il y a des clients qui ont frappé des trous en circulant près d’ici, leur pneu a explosé et ils arrivent dans la cour ici. J’en ai eu une vingtaine facilement en trois ou quatre semaines», soutient-il.
Au niveau régional, Gatineau occupe toutes les positions du classement de CAA-Québec puisque les pires routes selon les citoyens qui ont voté sont, en ordre, en plus de Georges et Cook, le boulevard Saint-Raymond, la route 105 (portion à Gatineau), la montée Paiement, le boulevard Mont-Bleu, le boulevard Saint-René Est, le boulevard de Lucerne, l’avenue des Laurentides, le chemin de Chambord et le boulevard Maloney Est.
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Réaction des élus
Le classement de CAA-Québec n’a pas causé une grande surprise auprès des élus non plus, y compris la mairesse Bélisle, qui croit que les deux positions de tête en 2022 et 2023 «démontrent que c’est peut-être le temps qu’on s’occupe un peu plus de nos services de base».
«Je suis d’accord avec les citoyens qu’il faut faire des investissements dans nos routes. Le conseil a investi dans la réfection des routes comme jamais en injectant 53 millions de dollars cette année. Ça comprend un investissement pour la rue Georges qui s’en vient, ça commande un peu de patience. Il faut aussi rappeler que la somme historique qu’on investit en 2023 va prendre un peu de temps avant qu’on le sente sur nos routes mais on est en action», a-t-elle affirmé.
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Pour le conseiller du district de Buckingham, Edmond Leclerc, «tout a été dit» et il est «d’une grande évidence que cette infrastructure n’est pas à la hauteur.
C’est su et dénoncé par les citoyens, les élus au conseil. Je ne suis pas surpris que ça fasse partie du vote populaire. La ville est en mode vigie constante de la rue Georges. On n’attend pas des requêtes au 311 pour colmater des nids-de-poule là parce qu’on sait qu’elle nécessite une attention plus serrée que d’autres rues», a-t-il commenté.
Quant à son collègue Mario Aubé, dans Masson-Angers, il dit ne pas «être tombé en bas de (sa) chaise» en voyant les résultats.
«Si on se promène dans Masson-Angers, les gens vont nous parler que d’une seule chose et c’est la rue Georges. à quel point c’est épouvantable. Je ne suis pas surpris qu’elle se retrouve dans le palmarès», dit-il, spécifiant apprécier que l’administration municipale ait fait preuve d’agilité en acceptant de devancer les travaux palliatifs à venir.
Mais ça ne règle pas tout, admet-il sans détour.
«Une fois que j’ai dit ça, il y a trois des rues dans top 10 pour l’Outaouais qui sont dans mon district, soit Georges, des Laurentides et Maloney Est, dont on refait la portion entre Cheval-Blanc et Aéroport cet été. C’est ça le sujet , les gens le savent, il faut juste que ma voix porte au sein du conseil, c’est ce que je demande. C’est rare qu’on identifie des rues, mais dans mon quartier, il y a deux rues pires que Georges: les rues de Fleurie et de Castillon, ça fait des années qu’elles sont en décrépitude. La rue Georges a plus d’attention car c’est une rue passante, mais les rues locales, on n’en parle pas. L’administration est très au courant que je pousse pour ces rues-là», dit-il.
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La Ville de Gatineau réitère que des travaux sont prévus par phases à court, moyen et long terme sur la rue Georges, à commencer par une intervention palliative dès cet été sur la portion située entre le chemin de Montréal Ouest (route 148) et un peu au nord de l’autoroute 50. En 2024, un tronçon de près de trois kilomètres compris entre le chemin Pierre-Laporte et un point situé un peu au sud de la rue des Liards subira le même sort.
«D’ici la réalisation des interventions de réfection, les équipes des travaux publics poursuivent leur programme de colmatage de nids-de-poule et des interventions ponctuelles pourraient également être effectuées par le service des infrastructures. Les équipes de ces deux services municipaux travaillent toujours en étroite collaboration», explique-t-on.
La Ville spécifie que des travaux majeurs ne sont pas envisageables à court terme sur la rue Georges puisqu’un projet de grande envergure, notamment l’ajout d’un collecteur pluvial et l’ajout des infrastructures d’utilité publique, est dans les cartons au cours des prochaines années.