La valeur des ruines des rapides Deschênes sera réévaluée par le ministère de la Culture

Les ruines des rapides Deschênes sur la rivière des Outaouais.

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) devra pour un temps lever le pied sur sa volonté de démolir les ruines des rapides Deschênes. Le Droit a appris que le ministre responsable de l’Outaouais et ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, vient de demander à son ministère de déclencher une nouvelle analyse de la valeur patrimoniale des vestiges de la première centrale hydroélectrique de la région.


Quelques heures plus tôt, la conseillère municipale d’Action Gatineau, Caroline Murray, faisait savoir qu’elle lançait une pétition devant être déposée à l’Assemblée nationale d’ici la fin de la session parlementaire par le député libéral de Pontiac, André Fortin.

«Je pense que c’est normal pour moi aujourd’hui, alors que la communauté se manifeste une fois de plus en mettant sur pied une pétition, de me tourner vers l’équipe de mon ministère pour qu’une réévaluation de la valeur des ruines soit faite, a indiqué le ministre Lacombe. On peut conclure que la mobilisation citoyenne y est pour quelque chose.»

La dernière évaluation patrimoniale faite par le ministère de la Culture du Québec était arrivée à la conclusion que les ruines des rapides Deschênes n’avaient pas suffisamment de valeur pour être citées par le gouvernement du Québec. Or, les critères d’analyse ont changé depuis. Une nouvelle façon d’évaluer la valeur patrimoniale des immeubles est en vigueur depuis ce printemps au Québec.

Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et ministre responsable de l'Outaouais.

«Je demande à mon ministère de refaire l’évaluation en tenant compte des nouveaux critères et quand on aura les conclusions on sera davantage en mesure de se positionner comme équipe gouvernementale sur la suite des choses pour les ruines, a indiqué M. Lacombe. Dans l’intervalle, ça veut dire que pendant qu’on procède à cette réévaluation du site, le ministre des Transports ne pourra pas aller de l’avant avec la démolition. Je peux l’assurer. Au terme de l’évaluation, si le ministère de la Culture arrive à la conclusion que les éléments patrimoniaux sont suffisants pour que le gouvernement classe les ruines, elles ne pourront plus être démolies. Je ne sais pas quelle sera la conclusion, mais on va refaire l’analyse de manière rigoureuse et transparente.»

Gatineau invitée à revoir sa position

Caroline Murray milite comme plusieurs des citoyens de son quartier pour la préservation des ruines des rapides Deschênes depuis son arrivée en politique municipale. Elle a tenté, il y a un an, de faire adopter une résolution par le conseil municipal demandant au gouvernement du Québec de ne pas démolir ces vestiges. Une majorité du conseil, dont la mairesse France Bélisle, s’est opposée à cette résolution, par crainte de «se mettre un bras dans le tordeur» pour une infrastructure qui ne lui appartient pas. La mairesse avait alors évoqué la possibilité de faire du lieu un site symboliquement historique, mais sans s’opposer à ce que le MTQ retire les ruines de la rivière.

Le lancement des appels d’offres pour préparer la démolition des ruines par le ministère, il y a deux semaines, a relancé ce débat. Une demande formulée pour une rencontre avec la mairesse est cependant demeurée lettre morte, précise la conseillère.

Caroline Murray, conseillère du district de Deschênes.

«Il n’y a pas de résolution claire du conseil, mais moi je suis élue pour représenter mes citoyens et l’association des résidents de mon quartier, explique-t-elle. C’est une demande phare qu’ils ont depuis longtemps. Je crois que ces ruines sont essentielles pour l’histoire de Deschênes. Ne pas les préserver serait une grave erreur. Je m’attends à ce que la mairesse nous supporte et j’espère que cette pétition recevra l’appui de tous mes collègues au conseil municipal.»

Le député de Pontiac n’a pas hésité à parrainer la pétition qui est actuellement hébergée sur le site de l’Assemblée nationale. Il se désole que la décision du MTQ de démolir les ruines ne tienne pas compte des demandes répétées de la communauté. ll y a deux semaines, le cabinet de la mairesse Bélisle rappelait au Droit que le site des rapides Deschênes était considéré comme «très dangereux» par le MTQ. L’excuse de la dangerosité des lieux n’est pas suffisant aux yeux du député de Pontiac pour démolir les vestiges.

«Des risques sur nos cours d’eau, il y en a partout, insiste-t-il. On réussit toutefois à protéger les gens, à les avertir du danger, à sécuriser les lieux. Actuellement, le site des ruines des rapides Deschênes est très mal sécurisé. Avant d’arriver avec la solution extrême de la démolition, il y a beaucoup d’éléments qui pourraient être mis en place pour sécuriser l’endroit.»

M. Fortin invite aussi le conseil municipal à reconsidérer sa position dans le dossier. «Chaque fois que quelqu’un prend le temps de bien regarder ce dossier à fond, il comprend rapidement l’importance de la préservation de ce site de notre patrimoine, a-t-il dit. Ce serait bien que la Ville de Gatineau prenne une position claire. Je m’attends aussi à une position du ministre de la Culture. On ne peut pas laisser la préservation de notre patrimoine entre les mains de gens au ministère des Transports.»