Alain Larivière, qui est propriétaire des Brasseurs de Montebello, offre depuis quelques années en location à l’entreprise Souche-I le bâtiment où le pub de sa microbrasserie était auparavant installé. En 2021, M. Larivière avait soumis une demande de permis de construction à la Municipalité afin de procéder à la fermeture de deux murs d’une dimension de 18 pieds linéaire sur la terrasse arrière de son édifice situé au 485, rue Notre-Dame, sur l’artère principale du village. Le projet visait à permettre l’aménagement d’une cuisine pour le restaurant Souche-I qui avait démarré ses activités avec un service de traiteur avant de lancer ses opérations de restaurant.
Selon M. Larivière, le permis n’avait pas été accordé par la direction générale en place puisqu’une erreur avait été identifiée sur un permis précédent qui avait été accordé en 2014. Cette année-là, le bâtiment avait été rénové pour accueillir le pub des Brasseurs de Montebello. « Le directeur général nous a dit que l’inspecteur en bâtiment aurait dû [en 2014] demander d’avoir la certification de l’ingénieur pour les pieux de terrasse. Il voulait voir si on pouvait travailler ensemble pour trouver un ingénieur qui pouvait régulariser cette situation », explique M. Larivière.
Dans l’attente d’une solution, note ce dernier, le feu vert avait été donné par la direction générale de l’époque pour que les travaux soient réalisés et que le commerce puisse opérer dans le contexte où la pandémie sévissait. « En gros, on nous permettait de survivre pendant l’été, avec la pandémie, et le DG nous demandait de l’aider pour éviter des coups supplémentaires à la Municipalité », résume M. Larivière.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/SHFSNH7KTFFUPJTQPCM5H3CRSY.jpg)
Même si l’homme d’affaires a déposé un plan d’architecture scellé en lien avec les travaux de 2021, voilà qu’en 2022, la Municipalité a exigé de nouveaux plans d’architecture et de structure de tout le bâtiment, de même que des plans d’ingénieur, non seulement de la section rénovée, mais pour l’ensemble du bâtiment. Un certificat de localisation est aussi devenu nécessaire. Montebello soutient maintenant que le propriétaire du 485, rue Notre-Dame n’est pas en conformité avec la réglementation municipale.
« On a tous les plans et même si nous n’étions pas d’accord, on a fait faire un plan d’ingénieur en octobre dernier, à la demande de la Municipalité. Selon notre avocat, tout est conforme, mais selon la Municipalité, il manque encore un autre plan d’architecte, même si tout a été scellé. On a dépensé 15 000$ pour deux petits murs », déplore Alain Larivière.
Le retrait des murs exigé
Montebello aurait même demandé au propriétaire de l’immeuble, et à son locataire, Souche-I, de démolir les deux murs, selon M. Larivière. Le copropriétaire de Souche-I, Joël Maheu, affirme avoir reçu plusieurs avertissements que si l’entreprise ne se conformait pas aux demandes de l’administration municipale, une amende pouvant atteindre jusqu’à 4000$ pourrait lui être imposée.
« Si on détruit les murs, on n’aura plus de cuisine et ne pourra plus opérer. Ça nous met beaucoup de stress. On est coincé entre la Municipalité et le propriétaire », déplore le restaurateur.
Celui-ci reproche à l’administration municipale de mettre des freins aux jeunes entrepreneurs comme lui et ses associés qui souhaitent développer le village. « J’ai beaucoup de projets. On veut agrandir la cuisine. On veut mettre une vraie pancarte du restaurant à l’extérieur, mais on ne peut même pas. Tant que le dossier n’est pas conforme, on ne peut pas faire aucune demande. Comme jeune entrepreneur qui rêve d’avoir un restaurant, on doit sauter à travers plusieurs cerceaux et on n’a aucun support de la Municipalité », plaide M. Maheu.
Une démolition complexe
Les propriétaires du restaurant Le Bistro Montebello ont aussi vécu des embûches avec le service d’urbanisme de la Municipalité. Ils ont déposé cet été une demande de permis pour faire reconstruire le bâtiment annexé au 570, rue Notre-Dame, lequel sert présentement d’entrepôt pour le commerce. C’est en octobre 2022 que le duo d’associés composé de Patrick Leblanc et Sophie Bisson-Dambremont avait amorcé ce projet pour démolir l’immeuble en décrépitude.
À la demande de la Municipalité, un plan d’architecture et de structure, au coût de plus de 25 000$, a été réalisé pour soumettre le dossier, indique M. Leblanc. Au moment de la présentation des documents, l’été dernier, la directrice du Service d’urbanisme aurait finalement réclamé des plans couvrant également l’édifice abritant le restaurant, selon M. Leblanc.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/44KZOAYIKJDILN26WMRTP3FQHU.jpg)
« On a appelé notre firme d’architectes et on nous a dit que c’était exagéré ce qui était demandé par la Municipalité parce que ce qu’on doit reconstruire, c’est une structure à part », raconte le restaurateur.
Après des mois d’attente et une lettre de la firme d’architectes du duo de restaurateurs qui est demeurée sans réponse de la part de l’administration municipale pendant plusieurs semaines, cet automne, M. Leblanc et Mme Bisson-Dambremont, accompagnés de leur architecte, ont finalement obtenu une rencontre avec la Municipalité en novembre. Ils devront faire produire un plan complet d’architecture et de structure de l’immeuble plus que centenaire, sans quoi leur dossier va demeurer au beau fixe. « Il n’y a aucune flexibilité à la Municipalité. Il n’y a aucun projet qui va avancer tant qu’ils n’auront pas ces plans », mentionne Mme Bisson-Dambremont qui désire seulement « avancer avec le projet ».
« On parle d’un 5000$ à 10 000$ d’extra », lance de son côté M. Leblanc qui se dit quelque peu exaspéré par la situation. Selon l’homme d’affaires, c’est tout le village qui risque de payer le prix de ce qu’il considère comme étant une réglementation trop contraignante. « Je pense qu’on va ralentir l’économie du village si on continue d’être aussi strict sur les lois. Ça va continuer d’être compliqué pour tous les projets », dit-il.
Montebello ne fait pas bande à part, dit la mairesse
La mairesse de Montebello, Nicole Laflamme, refuse de faire un « débat sur la place publique » avec le dossier du 485, rue Notre-Dame. Le propriétaire du bâtiment a reçu un avis juridique selon lequel la construction des deux murs, en 2021, représentait un agrandissement de son édifice, mentionne l’élue. Les cas du 485 et du 570, rue Notre-Dame sont considérés comme étant des « agrandissements » par la Municipalité, en vertu du règlement en place qui avait été adopté en 2017 par le conseil de l’époque, soutient Mme Laflamme.
« Ce sont des agrandissements en vertu de nos règlements. Quand on fait un agrandissement, on doit, pour obtenir le permis d’agrandissement, soumettre le plan d’architecte de l’agrandissement, mais aussi de tout le bâtiment principal », indique Mme Laflamme.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/G4NBLISDW5HUHPCQ7Q7VOIKUGI.png)
Selon cette dernière, si l’affaire traîne dans le temps pour les Brasseurs de Montebello et le restaurant Souche-I, c’est parce que le propriétaire de l’édifice n’a pas soumis les documents requis.
« S’ils complètent leur dossier, on va délivrer leur permis rétroactivement pour régulariser leur situation parce qu’ils ont fait leur construction sans permis à l’époque. La raison pour laquelle ça prend autant de temps, c’est parce qu’on attend les documents », souligne-t-elle, ajoutant qu’aucune entente avec l’administration antérieure n’a été trouvée dans les dossiers de la Municipalité.
« ll serait d’ailleurs surprenant que l’administration antérieure ait autorisé un propriétaire de bar à faire une construction quelconque sans permis », avance la mairesse qui insiste en soulignant que Montebello n’a jamais exigé la démolition des deux murs au cœur du litige. « Quand ils nous ont dit qu’ils pourraient démolir les deux murs pour ne plus avoir de problèmes, j’ai dit ‘‘effectivement, si vous démolissez les murs, vous n’aurez plus de problèmes’' », précise l’élue.
Plusieurs municipalités «dans le voisinage de la MRC de Papineau et même à l’extérieur» disposent d’une réglementation similaire à celle de Montebello en matière d’urbanisme, selon la mairesse Laflamme. « Ce n’est pas comme si Montebello faisait exprès ou se différenciait », affirme celle-ci.
Une question de sécurité
Si la réglementation est aussi stricte pour les bars et restaurants, c’est pour une question de sécurité, fait valoir Mme Laflamme. Quand un entrepreneur souhaite procéder à des travaux, il est soumis à plus d’exigences, insiste la première magistrate.
« Dans le cas d’un restaurant ou d’un bar, les règles en vertu de la Loi sur les ingénieurs et la Loi sur les architectes sont strictes. La raison en est simple, la sécurité du public est en jeu dans de tels endroits. On ne veut pas répéter les incidents désastreux du passé », explique la mairesse, donnant à titre d’exemple le cas d’une terrasse qui pourrait s’écrouler sous le poids d’une foule d’invités à un mariage ou le déclenchement d’un incendie au cours duquel des clients seraient incapables de sortir assez rapidement à cause de sorties inadéquates.
Montebello est présentement en train de réviser sa réglementation. « Je doute fort que ce règlement va changer même avec la révision que nous sommes en train de faire quand on regarde ce qui se fait ailleurs et les motifs pour lesquels ce règlement avait été adopté », lance Nicole Laflamme.
Pendant ce temps, Alain Larivière n’écarte pas l’idée de vendre son immeuble s’il reçoit une offre alléchante d’un acheteur. L’administration est en train d’avoir raison de sa patience, clame-t-il. « Nous, on ne veut pas contourner les lois. On veut bien travailler avec la Municipalité, mais à chaque fois qu’on apporte des solutions, c’est toujours balayé du revers de la main », mentionne l’homme d’affaires.