Itinérance: Une halte-chaleur à Hull, mais de l’incertitude pour le secteur Gatineau

La roulotte halte-chaleur est arrivée mercredi dans le stationnement de l'aréna Robert-Guertin.

Pendant qu’une roulotte halte-chaleur était installée sur le terrain de l’aréna Robert-Guertin, les négociations piétinaient toujours, selon plusieurs intervenants sur le terrain, entre la Ville de Gatineau et le réseau de la santé, mercredi, pour qu’une initiative similaire puisse voir le jour près de la rue Notre-Dame, dans le secteur Gatineau.


L’arrivée de la roulotte de construction chauffée près du Gîte Ami était attendue par la population itinérante du secteur, où des dizaines de personnes vivent dans des tentes de fortune. «Les gens sont juste contents, parce que [mardi] soir, il faisait vraiment froid et il y avait une trentaine de personnes à l’extérieur qui n’avait pas de place où se réchauffer», expose Sasha Yakimishan, intervenante au Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais (CIPTO). Cette dernière s’attend cependant à ce que le système de rotation devant assurer une place à chaque personne pendant une durée limitée cause quelques frictions. «Ça va brasser», craint Mme Yakimishan.

Sasha Yakimishan, travailleuse de rue au CIPTO.

Annick Demers et Jessica Bellin, qui se trouvent au campement près du ruisseau de la Brasserie depuis quelques années déjà, ont confié qu’elles utiliseront sans hésiter la roulotte pour trouver un peu de chaleur. La nuit avant l’arrivée de la roulotte, «c’était le chaos, c’était le bordel, on gelait», a mentionné Mme Bellin.

Jessica Bellin et Annick Demers habitent dans le campement du stationnement de l'aréna Robert-Guertin.

Même s’il avait été annoncé que de 30 à 40 personnes pourraient se réchauffer à l’intérieur de la nouvelle roulotte, ce sera finalement seulement une vingtaine de personnes à la fois qui y seront admises. Un plan de contingence est toutefois prévu pour les périodes de froid extrême, précise Jeneviève Caron, directrice adjointe à la direction santé mentale et dépendance du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO). Dans un tel cas, la roulotte pourrait accueillir un peu plus de gens.

Rien encore dans le secteur Gatineau

En plus de cette mesure dans le Vieux-Hull, le CISSSO souhaitait ouvrir des haltes pour la population itinérante du secteur Gatineau. Rien ne s’est encore concrétisé à cet égard.

Selon nos informations, la Ville de Gatineau voudrait louer un bâtiment municipal du secteur de la rue Notre-Dame au CISSSO, mais le réseau de la santé n’aurait pas le budget nécessaire. «On regarde actuellement c’est quoi les options, on regarde aussi s’il y a des partenaires communautaires qui sont intéressés [à s’occuper d’une telle ressource]», a indiqué Mme Caron, sans vouloir confirmer que la Ville exigerait un loyer pour que les personnes en situation d’itinérance puissent se réchauffer dans un immeuble municipal.

Jeneviève Caron, directrice adjointe à la direction santé mentale et dépendance du CISSSO.

En début de soirée, la Ville de Gatineau a précisé n’avoir toujours reçu aucune «demande officielle» pour l’installation du chalet de service au parc Sanscartier de la part du CISSSO. «Si une telle demande était formulée, la Ville l’analyserait en bonne et due forme et selon les conclusions de l’analyse, le chalet de service pourrait être rendu disponible gratuitement dans une optique de partenariat avec le milieu», a précisé le service des communication.

En parallèle, le CISSSO a ouvert 40 «lits d’urgence» au Motel Montcalm, sur le boulevard Gréber. Les gens qui seront en quête d’un lit et qui n’ont pas de place au Gîte Ami pourront être dirigés – et transportés – vers cette ressource d’urgence.

«Chacun joue son petit rôle»

Le directeur général du Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais, Yves Séguin, raconte qu’un incident survenu la semaine dernière, dans le secteur du Gîte Ami, démontre ce qu’il juge être une incapacité de la Ville et du CISSSO à agir véritablement de façon concertée pour venir en aide à la population itinérante. Une douzaine de personnes en vivraient directement les conséquences depuis quelques jours. La réponse des autorités à l’incendie survenu dans la maison de chambres voisine du Gîte Ami, la semaine dernière, en est l’exemple parfait, dit-il.

«Tout le monde a joué son petit rôle, pas plus, dénonce-t-il. La Croix-Rouge a fait ce qu’elle fait habituellement, sans véritable considération de la situation particulière de la dizaine d’individus touchés. Elle a pris en charge les sinistrés pendant quelques jours en offrant un hébergement en motel et de l’argent pour s’acheter quelques vêtements et de la nourriture. Les gens ont ensuite été référés au Service d’aide à la recherche de logement (SARL) qui est mandaté par la Ville dans les situations d’urgence de ce genre, mais on parle ici de gens qui vivent avec des problèmes de santé mentale et de consommation. C’est très complexe. Les intervenants en itinérance du CISSSO devaient rencontrer les gens, mais on est en lien avec les sinistrés et ils sont plusieurs à n’avoir été pris en charge par personne. On se retrouve donc avec une douzaine de personnes en situation d’itinérance de plus, d’un coup, parce que tout le monde s’est contenté de faire son petit mandat. Certains ont trouvé une place dans une roulotte en attendant, d’autres ont pris une place au Gîte Ami ou dans un refuge à Ottawa. Encore une fois, tout le monde se relance la balle quand ça devient compliqué en itinérance. Quand on nous dit que tous les efforts possibles sont faits, ce n’est pas vrai.»

Les petites roulottes louées

Les intentions de la Ville de Gatineau par rapport aux roulottes qui ont peu à peu fait leur apparition sur le site de l’aréna Guertin demeurent par ailleurs toujours floues, un mois exactement après que la mairesse France Bélisle eut annoncé qu’elles devaient quitter rapidement.

La présence de ces roulottes louées par un citoyen à des personnes en situation d’itinérance contrevient à la réglementation municipale, avait annoncé Mme Bélisle, à la mi-octobre. Mercredi matin, le président du comité exécutif, Daniel Champagne, a précisé que les «discussions se poursuivent pour savoir quelles mesures seront prises» dans ce dossier. Ce dernier a réitéré que la situation présente un enjeu réglementaire, mais il a ajouté que la Ville s’en remet au leadership du CISSSO pour trouver une solution adéquate.

«On continue la discussion avec les partenaires pour savoir quels gestes on devrait poser, a-t-il répété. On est en partenariat avec le CISSSO et s’ils ont besoin de nous, on va agir. Les discussions se poursuivent, mais il n’y a pas de décision prise pour retirer les roulottes en ce moment. Il y a des espaces disponibles pour la relocalisation des gens. Il y avait ce matin huit lits encore disponibles au Gîte Ami. [...] Il y a un plan et il suit son cours. La question du bien-être des personnes en itinérance relève du CISSSO. Nous, on est présent, on agit en partenariat.»

Bélisle dit militer avec les organismes

Le conseil municipal a de nouveau été interpellé par des résidentes du campement du site Robert-Guertin, mardi soir. La cohabitation difficile sur les lieux, les tensions parfois vives entre les policiers et les personnes itinérantes et le sentiment que les autorités continuent de se lancer la balle dans le dossier de l’itinérance ont été notamment abordés.

Anne Thibault, avocate et coordonnatrice de la Clinique interdisciplinaire en droit social de l’Outaouais, a de nouveau critiqué le manque d’aide financière pour assurer un niveau de vie au minimum décent sur le site de l’aréna Robert-Guertin. «On est dans l’urgence, […] c’est vraiment une crise humanitaire, a-t-elle lancé. […] On n’est pas à l’abri de morts comme on a pu voir à Cornwall. Si la Ville crie comme elle a crié au mois de septembre, elle doit être cohérente dans ses propres actions pour soutenir les personnes dans leurs besoins. La Ville doit s’engager à dénoncer l’inacceptable pour faire débloquer l’argent.»

La mairesse France Bélisle a de nouveau rappelé que le conseil municipal a autorisé une dépense extraordinaire de cinq millions de dollars pour financer la construction d’une halte-chaleur permanente adjacente du Gîte Ami, il y a quelques mois. Elle a toutefois ajouté que la véritable réponse sur le terrain appartient au CISSSO. «S’il y a des choses qui doivent être faites à plus court terme, elles sont du ressort du CISSSO et nous militons pour que les organismes puissent obtenir ce dont ils ont besoin pour intervenir», a-t-elle déclaré.