«Mais personne ne s’entend vraiment sur le niveau de l’importance du ralentissement, a précisé M. Cormier au Droit. Est-ce que ça va être un petit ralentissement, une forte récession? Il est encore tôt, un peu pour le prédire.»
M. Cormier sera de passage à Gatineau mardi pour une série de rencontres avec des employés du Mouvement Desjardins de Gatineau, des entrepreneurs régionaux et pour s’adresser aux acteurs économiques régionaux lors d’un dîner-causerie devant la Chambre de commerce de Gatineau. «Pour moi, c’est important de rester branché sur les régions, sur le terrain», soutient-il.
M. Cormier est d’avis, comme plusieurs experts, qu’il y avait plusieurs signes avant-coureurs qui laissaient déjà présager la venue d’une économie difficile. «Il y avait de la surchauffe dans le secteur de l’immobilier, de la construction. On voyait comment le prix de l’immobilier avait explosé. Il y avait de la surchauffe sur le marché du travail avec une pénurie de main-d’œuvre. Et là, on voyait vraiment des enjeux pour les entreprises et des hausses salariales très élevées. Il y a eu une inflation qui surchauffait à 8, 9 %. L’économie roulait à plein régime. Et là, on aurait pensé qu’après la pandémie, ça aurait été un peu plus lent. Mais force est de constater que ça n’a pas ralenti.»
Quelle pente à remonter pour l’Outaouais?
Questionné à savoir si l’Outaouais, de par ses particularités régionales et frontalières, risque d’avoir davantage de difficultés à se relever de ces durs mois à venir, M. Cormier soutient qu’elle pourrait quand même réussir à tirer son épingle du jeu. La région de l’Outaouais est unique, soutient-il, puisqu’elle peut compter à la fois sur un fort urbanisme, sur beaucoup de services et une fonction publique importante, et à la fois sur un milieu rural, forestier et agricole en importance.
«L’avantage de la région, c’est qu’il y a quand même beaucoup de gens qui sont dans le secteur du service, soit pour de grandes entreprises, pour le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, des emplois qui sont moins vulnérables peuvent être à une réduction d’heures ou à des pertes d’emplois. Donc, ça pourrait maintenir une certaine capacité de consommation des ménages versus d’autres régions du Québec qui sont peut-être dans des secteurs d’activité où, là, il pourrait y avoir plus de mises à pied ou plus de réduction en même temps.»
Mais il avoue que l’enjeu de la pénurie de logement pourrait rester le talon d’Achille régional. «L’année 2022 a été une année de forte croissance démographique, avec la pression que ça amène. Tout le Québec a de la pression sur l’immobilier actuellement et sur l’accès à la propriété, mais l’Outaouais est particulièrement touchée. Alors il n’y a pas une seule solution. Il y a des solutions. Les solutions vont venir des programmes fédéraux, provinciaux, municipaux. Moi, je suis satisfait de voir actuellement que c’est en train d’être sur l’agenda de tout le monde, la priorité, l’accès à la propriété. [...] Et on a aussi tellement besoin du milieu communautaire actuellement. J’essaie d’être porteur d’espoir, mais on est vraiment devant une crise et une situation qui va prendre malheureusement des années à s’améliorer.»
Il cite toutefois des projets d’infrastructure et de développement immobilier qui, selon lui, pourraient aider l’Outaouais à être plus résiliente. «Je pense au projet Agora, au projet Zibi, il y a encore quelques projets d’infrastructures dans l’air, l’élargissement de l’autoroute 50. Si ces projets-là vont de l’avant et si la perte d’emploi ou le taux de chômage n’est pas trop élevé en Outaouais, ça pourrait permettre à l’Outaouais de subir un impact moins grand. Si vous regardez juste en 2022, l’économie de l’Outaouais a été parmi les meilleures à travers le Québec, notamment avec la hausse de la population, mais aussi la résilience des secteurs d’activités.»
L’avantage coop
Dans un contexte économique présent, avec des inégalités sur tous les fronts, tant du côté environnemental, au niveau de la main-d’œuvre, de l’immobilier, ou de l’iniquité intergénérationnelle, par exemple, les entreprises doivent aussi se sentir investies au niveau de la dimension sociale, explique M. Cormier. «Ça ne peut pas juste être le gouvernement qui s’occupe de tout, de la santé, de l’éducation, des routes, de l’environnement, de la sécurité publique. Et que les entreprises, leur finalité, c’est de générer des profits pour des actionnaires. Je pense que la situation actuelle, elle nous amène à réfléchir à ça.»
Au Mouvement Desjardins, plus précisément, on assure avoir une approche proactive pour les membres, indique le PDG. Par exemple, les membres qui sont en renouvellement hypothécaire en 2024 sont clairement identifiés et contactés, ou le seront prochainement, tout comme les entreprises sous pression.«Pour vous donner une idée, c’est 14 000 entreprises dans la région de l’Outaouais qui font affaire avec Desjardins. Alors, parfois, c’est avec l’injection de fonds de capital régional coopératif Desjardins en termes de capital de risque que ça peut supporter, on a le fonds du grand mouvement qui a aidé 44 projets dans votre coin de pays et on a le fonds C, un fonds qui permet de verser jusqu’à 20 000 $ pour des PME, pour justement passer à travers des moments un peu difficiles ou se réorganiser ou se structurer. [...] Il va arriver des situations qui vont être difficiles quand même et qu’il va falloir peut-être prendre d’autres mesures, mais pour l’instant, on met tout en œuvre pour être capable de les appeler proactivement.»
Le modèle entrepreneurial coopératif est à privilégier, puisqu’il devient un modèle avec une vision à long terme, démocratique, à l’écoute des gens et qui n’est pas exclusivement à la recherche de profit, souligne-t-il. «Oui, on en fait de l’argent chez Desjardins. On fait deux milliards de dollars d’excédent par année. C’est correct. On a besoin de faire de l’argent pour investir en technologie, pour se développer. Mais ce n’est pas la finalité. Alors oui, je crois que le modèle coopératif actuellement est plus pertinent que jamais, parce qu’il permet d’avoir une vision à long terme et surtout permet aux gens d’avoir une voix dans la destinée de l’entreprise.»