La première phase du projet Nature 360 est à l’ordre du jour de la séance du conseil municipal de Cantley du 11 avril.
Le sujet suscite la crainte dans la communauté depuis des mois et fait régulièrement l’objet de questions lors des séances du conseil. Le mont Lorne, qui est situé entre la station de ski mont Cascades et le club de golf, est considéré comme un milieu naturel d’intérêt à protéger par plusieurs.
Le biologiste et résident de la municipalité voisine de Chelsea, Carl Savignac, parle du mont Lorne et du secteur visé par le développement immobilier en question comme étant le «dernier grand massif forestier non développé de la rivière Gatineau au sud de la municipalité de Low et la seule rive d’au moins un kilomètre restée intacte à Cantley». Le mont Lorne représente une forêt abritant des arbres pluricentenaires et plusieurs espèces végétales et animales en péril, selon le spécialiste qui craint des pertes d’habitat directes et des impacts sur l’hydrologie, notamment, si un développement résidentiel voit le jour dans le secteur.
Le lieu abrite l’engoulevent bois-pourri, un oiseau nocturne vulnérable au Québec et menacé au Canada, souligne M. Savignac. Le mont Lorne serait l’un des derniers endroits où réside cette espèce au sud du bassin versant de la rivière Gatineau.
«L’impact du développement résidentiel sur la biodiversité, on le connaît très bien. On a des preuves qu’on retrouve au moins une quinzaine d’espèces en voie de disparition sur cette montagne. On parle d’oiseaux et de plusieurs espèces de plantes. C’est une forêt qui est située au sud du Québec dans la zone bioclimatique qu’on appelle érablière à caryer. C’est une forêt qui est très menacée par le développement. Il reste seulement des fragments de ce type de forêt. C’est du concentré», explique le biologiste.
Un promoteur immobilier ne peut plus construire de nouveaux chemins à l’extérieur du périmètre urbain, en vertu du schéma d’aménagement et de développement révisé de la MRC des Collines-de-l’Outaouais qui est entré en vigueur en février 2020. L’ancien conseil municipal de Cantley, qui était dirigé à l’époque par la mairesse Madeleine Brunet, a cependant permis aux promoteurs de soumettre des projets ne respectant pas le nouveau document de planification territoriale jusqu’en date du 14 décembre 2021. Les développeurs ayant profité de cette disposition jouissent d’un droit acquis. Au total, treize lotissements, dont Nature 360, ont été soumis auprès de l’administration de Cantley dans les délais requis.
500 lots en pleine forêt?
Rivière Mont Cascades Inc., dont le principal actionnaire est Pierre-Hugues Fortin, le propriétaire du Golf Mont Cascades, a présenté les grandes lignes de son projet en novembre à des citoyens. Le promoteur immobilier soutient qu’une centaine de citoyens étaient présents, mais qu’au moins 2000 invitations avaient été envoyées par la poste.
Selon des résidents de Cantley consultés par Le Droit, le promoteur a indiqué lors de la séance d’information tenue à l’automne qu’il s’agissait d’un projet de lotissement d’au moins 500 lots sur la montagne et dans les environs, sur une superficie de cinq kilomètres carrés. Des kilomètres de chemins pavés à proximité des berges naturelles de la rivière Gatineau seraient dans les plans de l’entreprise.
Le vice-président de Mont Cascades Inc., Martin Baril, n’a pas voulu confirmer ces chiffres au Droit. Il a dit qu’il préférait ne pas fournir les plans du projet pour ne pas nuire au processus en cours d’approbation avec Cantley et «parce que tous les argumentaires ont été présentés».
«Il y a moins de 20% de la canopée qui est coupée. Tout ça a été expliqué lors de la présentation. On a laissé de grands milieux, des corridors fauniques, on a engagé des biologistes, on a de grandes parties de terrains qui ne sont pas développées pour que l’environnement soit protégé. C’est un beau projet qui est conforme. On va laisser la Municipalité se prononcer. Nous sommes allés bien au-delà des normes minimales demandées par l’environnement et par tous les départements», a affirmé M. Baril au Droit.
Danielle Lacasse était présente à la séance d’information du mois de novembre. Elle est à la tête d’un regroupement de citoyens qui s’inquiète de ce développement immobilier.
«C’est un modèle des années 1980 qui ne s’insère plus dans les façons de faire d’aujourd’hui et qui favorise l’étalement urbain. Il y a toute une façon de faire maintenant qui est beaucoup moins intrusive pour l’environnement et beaucoup moins coûteuse pour le citoyen, et pourtant on a ce projet d’envergure qui va à l’encontre de toute la réglementation», dénonce-t-elle.
«Le promoteur veut vraiment vendre des ‘’million dollars views’'. Les chemins montent sur toutes les crêtes jusqu’au sommet de la montagne. L’idée, c’est de donner des vues spectaculaires aux gens qui achèteraient les lots», affirme de son côté Michel Junger, un autre résident de Cantley qui s’est dit «scandalisé» par la présentation du promoteur.
«Une patate pourrie», déplore le maire de Cantley
Le sujet divise à la table des élus, confirme le maire, David Gomes, qui ne mâche pas ses mots pour blâmer l’ancienne administration pour cet héritage légué au conseil actuel. D’un côté, des conseillers voient des revenus potentiels pour gonfler le trésor de l’hôtel de ville. De l’autre, il y a ceux qui veulent protéger la zone rurale et l’environnement, comme le maire. Même si Mont Cascades Inc. collabore avec le service d’urbanisme pour réduire l’empreinte écologique de son projet et qu’il est «conscientisé», M. Gomes déplore que son administration soit coincée avec cette décision.
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«Le nouveau schéma d’aménagement de la MRC met un terme au développement immobilier dans les montagnes. L’ancien conseil n’a pas mis ses culottes. Je comprends que c’était difficile pour eux de se priver des revenus qui devraient rentrer à municipalité, mais on se ramasse avec une patate pourrie», peste M. Gomes à propos du droit acquis qui a été accordé à l’époque.
Le service d’urbanisme et le Comité consultatif d’urbanisme de Cantley ont émis des recommandations défavorables envers le projet dans sa forme actuelle, en proposant des bonifications pour l’ajout d’espaces verts, nous a-t-on confirmé à la Municipalité.
Selon les avis juridiques obtenus par la Municipalité, Cantley s’expose à des poursuites judiciaires de plusieurs dizaines de millions de dollars si elle bloque les 13 projets qui contreviennent au schéma d’aménagement en dehors du périmètre urbain et qui sont essentiellement concentrés dans le secteur du mont Cascades, souligne le premier magistrat. Nature 360 est le premier dossier qui est soumis à l’analyse.
«Les 13 projets qui ont été déposés touchent des montagnes que je juge, personnellement, exceptionnelles. Je veux les protéger, mais je ne peux mettre ma ville à risque de poursuite pour des promoteurs qui ont obtenu des droits acquis et qui font leurs devoirs. Et je ne parle pas en plus des revenus liés au développement dont on se priverait parce que ce n’est pas unanime à la table du conseil», déplore M. Gomes.
Ce dernier affirme que si les élus acceptent le projet Nature 360, Cantley va «ouvrir les valves» pour les 12 autres projets à l’extérieur du périmètre urbain. M. Gomes croit que la salle du conseil sera bondée, mardi. Il dit avoir interpellé le gouvernement provincial pour obtenir de l’aide financière en vue du résultat du vote.
«C’est une forêt exceptionnelle et le gouvernement provincial se targue de vouloir protéger l’environnement, mais il doit prendre la balle au bond et mettre son pied à terre», clame le maire de Cantley.