Le directeur général de la SPH, Michel Kasongo, précise que l’organisme transfère une grande partie de ses activités au 751, boulevard Saint-Joseph afin de poursuivre pleinement sa mission dans un milieu de travail «sain et sécuritaire». Ce secteur a aussi d’énormes besoins en matière d’aide alimentaire.
Afin de continuer à soutenir les plus vulnérables du centre-ville, la SPH continuera d’offrir des soupers la semaine et les fins de semaine, mais en formule «pour emporter seulement». De l’intervention sociale individuelle pourra continuer d’avoir lieu sur place, et les bureaux du Centre Yolande-Duval, sur le boulevard des Allumettières demeureront disponibles pour les partenaires qui viennent y offrir des services, notamment la clinique de droit social et la clinique dentaire communautaire.
«C’est un pas de recul qui, on l’espère, pourra nous permettre de rebondir et mieux aider la population, a lancé M. Kasongo. On constate une augmentation importante du niveau de violence, verbale, mais aussi physique entre les gens, mais aussi envers nos intervenants. Il y a des menaces de mort envers nos usagers, nos employés et nos bénévoles. Ça fait plus d’un an qu’on est confronté à des cas de violence sans aucun moyen financier pour y faire face comme il faut. On n’est plus capable de remplir notre mission dans un contexte aussi inquiétant et violent.»
Deux ans de détérioration
M. Kasongo rappelle que la mission de la SPH n’est pas seulement de servir des repas chauds aux gens dans le besoin. «Les repas, c’est pour attirer les gens et ensuite les aider à s’en sortir, insiste-t-il. La situation actuelle, la crise, l’urgence à laquelle on fait face nous a amenés à nous éloigner de notre mission. On est devenu un endroit où les gens viennent manger, se réchauffer pour ensuite repartir. Il y a des débordements. Nos intervenants sont formés en intervention sociale, mais depuis des mois ils sont surtout devenus des agents de sécurité. Ça fait deux ans que cette situation se détériore.»
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La situation est à ce point devenue explosive par moment que la SPH n’est plus en mesure d’offrir une salle communautaire. C’est là que se croisaient souvent des mères monoparentales dans le besoin, des aînés et des gens du quartier qui avaient besoin de briser l’isolement. «Ces gens ne viennent presque plus, ils ont peur, affirme M. Kasongo. On y jouait au bingo, à des jeux de société. Les gens discutaient, socialisaient. Là, on ne peut plus rien faire de ça en raison des nombreux problèmes de sécurité qu’on observe.»
La colère augmentera
L’annonce de la SPH a eu l’effet d’un véritable coup de tonnerre dans le centre-ville. Les autres organismes sociaux présents dans le secteur disent très bien comprendre la décision de la SPH. En même temps, ils savent que cela ne fera qu’augmenter la pression sur leurs épaules.
«J’ai bien peur qu’on doive maintenant gérer encore plus de colère et de faim au centre-ville, affirme Yves Séguin, directeur général du Centre d’intervention et de prévention en toxicomanie de l’Outaouais (CIPTO). Dans le centre-ville, il manque une ressource, avec des lits, un endroit où les gens peuvent se poser, manger et avoir accès à des ressources sociales. La halte n’est pas du tout une réponse à ça. Il y a encore 30-40 personnes qui fréquentent la halte parce qu’ils n’ont pas d’autre endroit où aller. Mais il n’y a pas d’aide, pas de repas à cet endroit. Quand la soupe ouvre et que tout le monde converge là, c’est bien évident que ça devient le théâtre de frictions, d’incidents violents et que parfois ça saute.»
La directrice générale du Gîte ami, Lise Paradis, ne se fait pas de cachette. «Les gens qui n’auront plus accès à un souper, un endroit où se poser, c’est certain qu’ils vont venir cogner à notre porte, dit-elle. Mais on est à pleine capacité. On a des gens au gîte qui ont besoin d’hébergement spécialisé. On accueille des aînés en perte d’autonomie et en situation d’itinérance. Il n’y a aucune place pour eux. On a des gens qui ont une déficience intellectuelle et des problèmes de consommation. Ça prend des ressources spécialisées pour ces gens-là, mais il n’y a rien, ils sont chez nous. On va nécessairement devoir refuser des gens. C’est certain que ça va générer de la colère et que ça va faire augmenter le risque de violence.»
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Preuve du sous-financement, dit Bélisle
Le centre-ville demeure un endroit «généralement sécuritaire», estime M. Séguin. Ce dernier dit ne pas s’inquiéter outre mesure pour les étudiants de l’école secondaire de l’Île ou pour les résidents du centre-ville. «Ça reste un environnement où il y a de plus en plus de gens en surconsommation, avec des problèmes de santé mentale qui en viennent parfois à avoir des comportements violents, dit-il. On ne peut pas juste tenter de gérer ces gens-là, il faut les aider. Moi, je suis surtout inquiet pour ces gens de notre centre-ville dont on ne s’occupe pas suffisamment. Je m’inquiète de la violence entre eux, qui est aussi très grave. Je m’inquiète pour des gens qui se cognent la tête contre un mur parce qu’ils souffrent et qu’il n’y a rien pour les aider. Je m’inquiète des actes de violence envers les intervenants et les policiers.»
La mairesse de Gatineau, France Bélisle, a indiqué au Droit être «très préoccupée» par l’annonce de la SPH. Elle rappelle avoir souligné à quelques reprises cette inquiétude au Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO) au cours des dernières semaines. «Je compte sur eux pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle dans cette transition, a-t-elle affirmé. La Ville sera là en soutien. Cette situation témoigne encore une fois du sous-financement et du rattrapage nécessaire en santé et services sociaux dans notre région.»