Cathy Levy signe sa dernière programmation avec celle qui sera présentée dans quelques semaines. Les spectacles proposés par Danse CNA en 2023-2024 seront donc les derniers qu’elle offrira en cadeau au public pour cette institution.
La productrice émérite de Danse CNA a pris la décision de quitter le Centre national des arts (CNA) il y a un an. Cette grande aventure dit-elle aura duré 23 ans.
J’ai pris la décision pour les prochaines années de faire autre chose, des contrats et des projets en danse et être plus relaxe. Il y a beaucoup de responsabilités avec ce travail et ça fait 40 ans que je travaille dans le milieu.
— Cathy Levy
Au fil des saisons, plusieurs rencontres et bien des moments ont inspiré une noble fierté chez Cathy Levy. Elle nomme sans hésitation la présence de Pina Baush sur la scène du CNA en 2004 dont la compagnie, Tanztheater Wuppertal, n’était pas venue au pays depuis 20 ans.
«Les relations comme celle-ci avec les artistes, Crystal Pite, Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui, c’est une fierté. Je peux mentionner Pina, mais il y a plusieurs artistes avec qui on a développé un partenariat très fort et c’est très important pour moi. Il faut trouver un équilibre entre les artistes comme eux et aussi trouver les voix émergentes.»
Puis, il y a eu les défis qui se sont dressés devant elle, comme tout ce qui entoure la logistique des tournées: les déplacements, l’obtention de visa pour les artistes. Et les défis sont devenus plus redoutables pendant la pandémie, souligne-t-elle.
«Les artistes de danse doivent tourner. C’est très important pour eux. Ce n’est pas comme du théâtre qui peut s’installer à un endroit pour quatre semaines. […] Les tournées, la possibilité de présenter des spectacles, c’est vraiment important pour les artistes.»
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Déconstruit la croyance populaire
En 23 ans de carrière auprès de Danse CNA, Cathy Levy a déconstruit la croyance populaire voulant que la culture au Canada se déroule à «Montréal ou peut-être Vancouver, mais pas Ottawa». Elle a aussi bâti un partenariat avec l’Orchestre du CNA dont la puissance résonne et émeut durant les ballets. La productrice émérite s’était également donné comme mission de présenter les premières oeuvres des grands artistes et les artistes émergents et de poursuivre les relations avec les diffuseurs canadiens.
J’ai fait une liste des dix compagnies de danse que je voulais absolument inviter. Je les ai presque toutes invitées sauf le Ballet de l’Opéra national de Paris. C’est la seule sur la liste et j’ai essayé. J’ai parlé avec la directrice artistique mille fois et c’était très difficile à organiser.
— Cathy Levy
Cathy Levy se décrit comme «une femme qui a toujours faim de faire autre chose». Mais elle est fière de tout ce qu’elle a accompli, confie-t-elle. La gratitude qu’elle éprouve et le plaisir qu’elle a ressenti pendant toutes ces années font rayonner ses yeux quand elle aborde tous ces moments qui lui ont permis de faire briller la danse et ses artistes.
«Ottawa, c’est une ville particulière parce qu’il n’y a pas de grandes compagnies de danse ici. Je pense qu’on a trouvé des façons de contribuer au milieu parce qu’on a offert des conversations et des occasions de rencontre entre artistes.»
Au CNA, il est devenu «normal» de voir une grande et importante saison de danse, poursuit-elle. Mais la danse est aussi un art vivant «constamment fragile» parce qu’elle évolue au rythme des conversations sociales. Les questions d’aujourd’hui concernant la place pour les artistes autochtones et pour les femmes ont toujours été une priorité pour Cathy Levy, «mais ce n’était pas une conversation il y a 23 ans».
«J’ai confiance envers les chorégraphes parce que je pense qu’ils sont des artistes qui sont vraiment conscients de la société qui les entoure, ils sont multidisciplinaires. C’est une communauté très curieuse.»
La dernière saison
La prochaine programmation de Danse CNA sera «encore diversifiée», précise Cathy Levy. Quelques spectacles qui devaient être présentés avant la pandémie monteront «enfin» sur les planches du CNA.
«Ce sera un équilibre entre les nouveaux projets et les artistes qui ont déjà une relation avec le CNA. Il y a les coproductions et beaucoup de voix. Je pense que c’est une saison qui va stimuler, mais aussi donner beaucoup de plaisir aux gens. J’ai respecté les conversations entamées, par exemple le projet avec le Ballet national du Canada que Crystal Pite a fait avec eux en février 2020.»
Cette œuvre signée par la chorégraphe canadienne est Angels’ Atlas, une pièce qui émeut particulièrement Cathy Levy.
C’est complexe, c’est beau. Elle joue avec la lumière. C’est une pièce avec beaucoup de sentiments, de défis émotionnels des êtres humains. C’est une technique très forte, un grand ensemble qui bouge avec une force énorme.
— Cathy Levy
La suite
Maintenant, Cathy Levy avoue avoir hâte de faire autre chose. Elle a déjà accepté d’être la conseillère internationale pour le Jacob’s Pillow Dance Festival, un important festival de danse aux États-Unis.
«C’est un festival d’été et ça me donne la chance de laisser mes orteils dans l’eau du milieu. Pour moi, c’est une très bonne transition.»
Cathy Levy pourrait ne rien faire. Mais elle a encore beaucoup d’énergie, lance-t-elle.
«Je veux prendre un peu de temps pour écrire un peu et je vais continuer d’aller voir des spectacles de danse et de théâtre. Ça fait partie de ma vie.»