Dans le meilleur des cas, il pourrait y en avoir une ou deux qui seront prêtes ce printemps, selon ce que j’entends. Avant l’éclosion des magnolias? Ce serait un exploit.
L’implantation d’un nouveau compte enregistré pose un défi à la fois pour les employés des banques et ceux de l’Agence de revenu du Canada (ARC). Je vous fais grâce des détails, sinon pour dire que du point de vue réglementaire et informatique, l’opération est un casse-tête de part et d’autre.
Desjardins, Banque Nationale, BMO, RBC, CIBC, Scotia, TD… je les ai toutes contactées pour savoir où ils en étaient dans le déploiement du CELIAPP. J’ai obtenu des réponses plus ou moins floues, quand ce n’était pas des phrases creuses. Desjardins s’est avancé pour l’été. RBC vise ce printemps. Banque Nationale, après le 1er avril (on s’en doute). La plupart se contentent de dire «2023». Permettez-moi de citer la porte-parole de la Banque TD. Elle insiste :
«À la TD nous comprenons que l’épargne pour l’achat d’une première propriété est l’un des parcours financiers les plus importants pour nos clients. Nous nous efforçons donc de faire en sorte que le CELIAPP offrira les caractéristiques et les avantages dont les acheteurs ont besoin lorsque nous le lancerons plus tard en 2023.»
Changez «À la TD» par «Dans notre gouvernement» et «nos clients» par «les familles», on croirait du Justin Trudeau…
Les institutions financières sont engagées dans un blitz. C’est qu’il y a un enjeu : un client qui ouvre un compte à un endroit est plus susceptible d’y rester et d’y contracter une hypothèque, et les personnes qui prévoient d’acheter une maison prochainement pourraient se précipiter sur le premier qui offrira le CELIAPP.
Je ne sais pas si c’est parce que Desjardins sent qu’elle a pris du retard, mais voilà que l’institution chouchou des Québécois fait la promotion d’un dépôt à terme «pré-CELIAPP» au taux de 4,65 %. Le capital pourra être transféré dans un compte libre d’impôt quand ce sera prêt, mais d’ici là, les intérêts seront imposables. Cette stratégie semble avoir pour objectif de réchapper le plus de clients qui pourraient être tentés de sauter chez la concurrence. C’est juste un placement temporaire auquel on a accolé le mot «CELIAPP», sans que ça en soit un.
Quelle est l’urgence?
Y a-t-il urgence d’ouvrir un CELIAPP? Pour la vaste majorité des gens visés, pas du tout! Il s’agit d’un véhicule d’épargne de moyen-long terme. Pour autant qu’on puisse profiter de la déduction fiscale pour 2023, et encore, il n’y a pas de presse.
Rappelons la principale caractéristique du petit dernier des comptes enregistrés : les cotisations sont déductibles d’impôt et les retraits ne sont pas imposables lorsque l’argent sert à l’achat d’une première propriété. Notez que, comme pour le RAP, l’ARC ne suit pas les sommes pour vérifier qu’elles servent à la mise de fonds.
Pour ouvrir un CELIAPP, on ne doit pas avoir été propriétaire de son lieu de résidence principale durant l’année civile ou les quatre années précédentes. On ne doit pas non plus habiter la propriété de son conjoint de fait ou son époux pendant cette période.
Une fois son CELIAPP ouvert, une personne peut y cotiser, même si elle ne répond plus aux critères d’admissibilité par la suite. Selon mes informations, toutefois, si elle ne se qualifie plus, cette personne ne pourrait plus ouvrir de CELIAPP ailleurs pour y transférer ses avoirs. Si c’est votre cas, ça voudrait dire que si vous avez établi votre compte dans une banque, vous serez limité à des produits de banque, sans possibilité de déménager vos pénates dans une firme de courtage.
L’épargnant a 15 ans pour garnir son CELIAPP, après quoi celui-ci doit être fermé. Pour utiliser les fonds en vue d’acheter une maison, le critère relatif au conjoint mentionné plus haut ne s’applique plus, mais le test à l’égard de la propriété demeure.
Qui doit se dépêcher?
Il reste néanmoins des gens pour qui ça s’en vient urgent : on pense évidemment aux personnes qui ne seront plus admissibles sous peu; parce qu’elles sont sur le point d’acheter une maison ou parce qu’elles habitent la propriété de leur nouvelle flamme qui deviendra bientôt leur conjoint de fait. Pour se voir accoler ce statut, il suffit de 12 mois de cohabitation ou de l’arrivée d’un enfant commun.
Dans ce dernier cas, c’est très malheureux, car le conjoint qui n’est pas propriétaire perd l’accès à un outil qui l’aiderait à acheter une part de la résidence.
Quant à celui qui veut se porter acquéreur cet été par d’autres moyens, le RAP, par exemple, perd-il vraiment une grosse occasion en passant tout juste à côté du CELIAPP?
Après tout, il pourrait profiter d’une déduction fiscale sur une seule cotisation de 8000 $… C’est ce que je pensais, jusqu’à ce que Charles-Hunter Villeneuve me fasse réaliser un point important. Le CELIAPP, s’il n’est pas utilisé pour l’achat d’une habitation, peut servir à accroître son espace REER (40 000 $ plus les rendements). En effet, on peut transférer le contenu de son CELIAPP vers son REER sans affecter le plafond de ce dernier.
«Quelqu’un qui n’aurait que 8000 $ dans son CELIAPP au moment d’acheter sa maison devrait y laisser son argent et continuer à y contribuer jusqu’au maximum dans le but de transférer les sommes au REER, plus tard», affirme le fiscaliste et planificateur financier. Cet avis s’applique aux personnes qui ont les moyens de remplir leur REER, précise le conseiller au Centre d’expertise chez Banque Nationale Gestion privée 1859.
Oui, donc, je comprends que ça puisse presser. Mais me permettez-vous de poser la question une autre fois : était-il nécessaire que ce soit si compliqué?