La nouvelle productrice générale de Danse CNA confiait se sentir «assez fébrile, mais aussi pleine d’humilité» quelques jours après son arrivée en poste. Avec un «petit vertige», elle s’installe dans la chaise de Cathy Levy, qui «a défendu la danse canadienne» pendant de nombreuses années.
«Le CNA, c’est une institution quand même unique au pays. Je pense qu’on ne peut pas demander mieux que ça, tant pour ma carrière que pour le milieu de la danse. C’est une institution fort respectée qui assure un leadership en danse depuis très longtemps.»
Caroline Ohrt affirme avoir choisi un chemin atypique pour se rendre où elle est aujourd’hui. «J’arrive du milieu des arts visuels, précise-t-elle. Ma formation est en histoire de l’art, en sociologie des arts et en gestion des entreprises culturelles.»
Cet amour pour les arts visuels et la danse a toujours été de pair, dit-elle. Fascinée par le rapport entre le public et l’artiste, par la rencontre «heureuse» qui se présente, Caroline Ohrt y voit une intersection étincelante entre ces deux formes d’art pour enflammer les spectateurs.
«Pour moi, ça s’équivaut et ça cohabite extrêmement bien. J’ai formé mon œil avec les arts visuels, mais j’ai toujours eu cette présence pour la danse. J’ai eu cette chance de pouvoir osciller entre les deux milieux. Ça fait de mon parcours peut-être atypique, mais maintenant avec la multidisciplinarité, qui reprend une importance différente, ç'a m’est très utile.»
Son parcours, en arts visuels au départ, l’a mené vers la danse auprès de la Compagnie Marie Chouinard où deux années très «formatrices» lui ont permis de découvrir le travail du corps vivant sur scène. C’est aussi là qu’elle a fait connaissance avec Danse Danse, un diffuseur majeur en danse contemporaine au Canada.
J’ai fait partie de leur conseil d’administration et c’est là où j’ai consolidé mon savoir. Pendant les sept années passées chez Danse Danse, j’ai été codirectrice artistique et codirectrice du développement.
— Caroline Ohrt
Et un tel bagage dans un endroit comme le CNA – lieu de tous les possibles – permet de rêver grand, de travailler, d’optimiser et multiplier les rencontres.
«Dans un seul et même lieu, on a accès à de la musique, du variété, du théâtre anglais, français et autochtone et ça pour quelqu’un qui vient de plusieurs disciplines, c’est un bijou.»
L’art du corps
Quand on lui demande quel espace occupe la danse dans la société aujourd’hui, Caroline Ohrt répond d’abord que les arts vivants sont nécessaires.
«La place qu’elle occupe correspond au besoin des gens de vivre ce que le corps peut offrir. La danse, c’est l’art du corps, l’émotion qui passe par le corps humain sur scène et qui traverse vers un public. C’est assez extraordinaire.»
Avec l’importance que les écrans prennent dans la vie, cette nécessité d’être en contact avec un corps qui bouge dans l’espace «ne fera que grandir», ajoute Caroline Ohrt. Et devant elle se pose un défi d’attirer les gens vers les propositions artistiques.
«Quand il y a des défis, c’est qu’il y a des balises et ça nous porte à être créatifs. Il faut se poser la question: pourquoi est-ce que les gens ne sont pas encore dans les salles et comment on fait pour aller les chercher? Il faut travailler les gens et leur redonner le goût du risque.»
Elle se dit d’ailleurs stimulée face à ce goût du risque qui alimentera sa vision pour la programmation 2024-2025, la première qu’elle proposera dans son nouveau rôle. Et pour elle, une programmation idéale, c’est la porte où le public peut entrer en étant «novice» et voyager à travers la saison et «tout au long d’une vie».
Les saisons de danse du CNA doivent être capables de porter le spectateur. La danse est multiple et se présente sous tellement de formes. Les gens peuvent se faire surprendre, et tout ça à travers une saison.
— Caroline Ohrt
Des «assises extrêmement solides»
Caroline Ohrt succède à Cathy Levy, qui pendant 23 ans a offert une importante vitrine pour les artistes canadiens et internationaux. La nouvelle productrice générale de Danse CNA arrive sur des «assises extrêmement solides». Le défi est de maintenir une programmation pertinente tout en innovant, dit-elle.
«J’arrive dans un point tournant, je pense, non pas du point de vue des personnes en poste, mais plutôt sociétal. Dans ces bases extrêmement solides, il faut que j’arrive à être alerte pour que la programmation demeure pertinente. Les gens changent, il faut être à l’affût de ce qui est souhaité et des nouvelles propositions que les artistes ont à offrir.»
Pour la programmation 2024-2025, Caroline Ohrt promet d’être dans le raffinement et dans «peut-être» l’ajout de nouvelles propositions.
«La prochaine saison (2023-2024), c’est la saison de Cathy, mais c’est la saison du CNA. Je vais la porter comme si elle était mienne avec beaucoup de fierté et de conviction. Je la connais par coeur. Pour la saison suivante, j’aurai de petites touches personnelles.»
Et son rêve le plus fou est que la danse soit partout. Tout simplement.