La section compte 22 pages, plus qu’il n’en faut pour tricoter une chronique de finances personnelles, direz-vous. Pourtant, c’est mince. Autant vous faire à l’idée d’un tricot un peu lâche.
L’élément central de ce chapitre a été coulé dans les médias la veille, une enveloppe ciblée de 2,5 milliards afin d’aider les ménages à faibles revenus à «rembourser l’épicerie». Pour le reste, des babioles, des intentions floues, des projets à définir. On y rappelle surtout les mesures destinées aux particuliers mises en œuvre par les libéraux depuis leur arrivée au pouvoir.
Bref, voilà une campagne de communication articulée autour de propositions mineures et réchauffées. Pour un gouvernement qui cherche à réaliser des économies, il a raté l’occasion d’épargner sur le papier.
À vous de juger ce qui semble le plus intéressant pour le particulier, cela se trouve sans doute dans d’autres chapitres, celui dans lequel il est question des milliards destinés aux soins dentaires.
Mes yeux se sont accrochés à trois paragraphes où il est question d’un éventuel code de conduite visant les prêteurs hypothécaires. L’objectif du vague projet est d’assurer aux Canadiens étranglés par leur dette hypothécaire un accès équitable à des mesures d’allègements. On cite entre autres des rajustements d’échéancier de paiements et la prolongation de la période d’amortissement au-delà de 25 ans.
Dans la vraie vie, ces accommodements sont déjà proposés par les institutions financières aux clients qui éprouvent des difficultés avec leur hypothèque. Toutefois, les solutions peuvent varier d’un prêteur à l’autre et selon la situation financière du débiteur. D’après l’explication d’un fonctionnaire, l’initiative vise à la fois à uniformiser les pratiques dans l’industrie et à faire connaître les mesures d’allègement auprès des personnes concernées.
Le document budgétaire précise que les propriétaires pressés par leur dette hypothécaire doivent pouvoir accéder à des mesures d’allègement «sans qu’ils aient à payer des pénalités inutiles, des frais bancaires internes ou des frais d’intérêt, ce qui aidera plus de personnes à faire face aux taux d’intérêt élevés.»
Quand? Comment? On ne sait pas, mais la mesure ne serait pas contraignante. La possibilité de modifier la période d’amortissement d’un prêt hypothécaire avant la fin du terme du contrat sans subir de frais excessifs représenterait un changement majeur.
Le budget nous rappelle que le Canada peut être à la remorque des autres en matière de défense des consommateurs. Ottawa annonce par exemple son intention d’imposer des chargeurs universels aux fabricants de produits électroniques (téléphones, tablettes, etc.), emboîtant ainsi le pas à l’Europe. Compte tenu de la taille du marché canadien, c’est vrai qu’il n’aurait pas pu ouvrir la marche dans ce domaine. Dans la même veine, le gouvernement fédéral entend aussi légiférer afin de protéger le droit à la réparation des appareils électroniques et électroménagers, un autre terrain où la Communauté européenne montre la voie à suivre.
Ottawa dit vouloir «sévir» contre les frais cachés et les prêts à conditions abusives. Le Québec a déjà réalisé un bon bout de chemin à ce chapitre, les Québécois ne verront sans doute pas leur vie changer par ces belles intentions fédérales.
Une autre information qui a fait l’objet d’une fuite dans les médias, c’est les changements apportés au Régime enregistré d’épargnes-études (REEE). Ici, on se trouve (enfin!) en territoire concret. À partir de maintenant, le bénéficiaire d’un REEE pourra retirer 8000$ en paiements d’aide aux études (PAE) au cours des 13 premières semaines d’études postsecondaires à temps plein, contre 5000$ auparavant. Après 13 semaines, il n’y a pas de limite aux retraits pour les jeunes qui étudient à temps complet, ce qui ne change pas. Pour ceux qui fréquentent l’école à temps partiel, ils pourront toucher 4000 $ en PAE par trimestre, une amélioration par rapport à l’ancien plafond de 2500$.
Toujours au sujet des REEE, des parents séparés pourront désormais ouvrir un REEE conjoint pour le compte de leur enfant, j’apprends que c’était impossible jusque-là. Tout ça peut s’avérer certes utile dans certaines situations, mais ce ne sont là que des ajustements mineurs.
Restons dans le domaine des études. Ottawa a doublé les bourses d’études canadiennes durant la pandémie, soit pendant trois ans. Il les réduit pour la prochaine année scolaire, sans toutefois les ramener à ce qu’elles étaient avant. Le programme sera bonifié de 40% par rapport à ce qu’il était avant la COVID. Québec fait bande à part avec son programme de prêts et bourses, mais il peut recevoir le financement du fédéral pour transférer l’argent aux étudiants québécois.
Un mot sur la «mesure-phare» visant le particulier, le petit chèque supplémentaire (et unique) destiné aux contribuables qui touchent le crédit TPS. Comme il était rapporté dans les médias la veille, l’aide peut atteindre 467 $ pour un couple avec deux enfants et 234 $ pour une personne seule. Ottawa applique la même recette qu’il nous a déjà servie, sauf que là, elle nous arrive dans un nouvel enrobage marketing : «le remboursement pour l’épicerie». Je vous rassure, vous pourrez dépenser cet argent comme bon vous semble.
Je vais me garder de convertir la somme en «cafés par jour», ce n’est tout même pas énorme. Cela semble suffisant pour la ministre de Finances pour qu’elle affirme avoir pensé à la «classe moyenne». La prétention semble excessive, quoiqu’il faut reconnaître que les ménages ont reçu ces dernières années un soutien financier important de la part des deux paliers de gouvernement. Tellement qu’on peut se demander si l’aide à l’épicerie était vraiment nécessaire.