D’abord, les grosses enveloppes. La ministre des Finances Chrystia Freeland confirme dans son troisième budget que 13 milliards de dollars sur cinq ans et 4,4 milliards dans les années suivantes seront versés pour instaurer le Régime canadien de soins dentaires.
Ce régime s’adressera à tous ceux qui n’ont pas d’assurance et qui ont un revenu annuel inférieur à 90 000$. Jusqu’ici, la Prestation dentaire canadienne couvrait seulement les soins aux enfants de 12 ans et moins. Ce n’est plus le cas. Le programme est élargi parce que «les enfants ne sont pas les seuls qui ont besoin de soins dentaires abordables», note la ministre.
L’épicerie, les voyages et les électroménagers
Le gouvernement avait auparavant promis de donner un peu d’oxygène aux portefeuilles des familles canadiennes et c’est par l’entremise d’une série de mesures qu’il compte s’y prendre.
La ministre Freeland prévoit 2,5 milliards de dollars pour aider 11 millions de Canadiens à revenu faible ou modeste à se payer l’épicerie. Concrètement, ces Canadiens recevront un chèque unique allant jusqu’à 467$ pour un couple avec deux enfants admissibles et jusqu’à 234$ pour les personnes seules sans enfant.
C’est que si le taux d’inflation est en baisse depuis quelques mois, le coût du panier d’épicerie, lui, dépasse toujours les 10% et cela représente un «véritable enjeu» au gouvernement.
«Dans un contexte d’inflation, on a quand même choisi de revenir avec une aide ciblée aux bénéficiaires du crédit de TPS. On l’avait fait à l’automne. On donne un nom à l’aide en disant c’est pour l’épicerie, mais ça peut être pour n’importe quoi», explique le titulaire de la chaire de recherche en fiscalité à l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout.
Puis, le gouvernement Trudeau annonce qu’il veut sévir contre les «frais indésirables» comme les frais d’itinérance élevés des télécommunications, les frais d’événement comme les concerts et les frais de bagages excessifs, notamment.
Le fédéral veut aussi soulager le portefeuille des Canadiens en mettant en place un droit à la réparation pour réduire les frais et faciliter la mise à niveau des appareils électroménagers et électroniques plutôt que de devoir les changer comme c’est souvent le cas.
Les propriétaires de petites entreprises auront finalement un coup de pouce avec une réduction des frais de transaction par cartes de crédit. Les géants MasterCard et Visa ont fait cette promesse au fédéral en plus de protéger les points de récompenses des Canadiens.
Ces réductions devraient permettre des économies d’environ 1 milliard de dollars sur cinq ans à ces entreprises.
Les gros morceaux
La réplique aux Américains était attendue depuis des mois et le gouvernement canadien dit montrer ses muscles.
L’été dernier, le gouvernement américain a fait adopter la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) qui comprend des dépenses d’environ 360 milliards de dollars sur 10 ans, notamment en crédits d’impôt pour capter et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ottawa a annoncé mardi qu’il injectera 21 milliards de dollars sur cinq ans, notamment en offrant des crédits d’impôt à l’investissement en sol canadien. De ce montant, un crédit d’impôt de 15% à l’investissement pour des systèmes de production d’électricité sans émission coûtera 6 milliards de dollars au fédéral.
«Nous allons bâtir un réseau électrique propre accessible aux Canadiens d’un océan à l’autre, qui protégera l’environnement et qui fournira de l’électricité propre et abordable aux Canadiens et aux entreprises canadiennes», a déclaré la ministre Freeland devant la Chambre des communes.
Puis, Ottawa offrira un crédit d’impôt de 30% des coûts d’investissement dans la fabrication de technologies propres qui lui coûtera 4,5 milliards, toujours sur cinq ans.
En tout, le fédéral promet de mettre 80 milliards de dollars sur la table d’ici 2034.
«L’Objectif fondamental de tous ces crédits d’impôt est simple: c’est de diminuer le prix d’investissement. Nous avons besoin d’investissements», a déclaré un haut fonctionnaire du gouvernement.
Et l’équilibre?
Le déficit budgétaire devrait passer de 43 milliards de dollars cette année à 40,1 milliards à la fin de l’exercice de 2023-2024 dans un contexte de ralentissement économique à l’échelle mondiale.
La ministre Freeland a même évoqué une «récession modérée». Le gouvernement ne semble toujours pas avoir de plan de retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme et prévoit un déficit de 14 milliards de dollars en 2027-2028.
«Sous l’angle de l’équilibre budgétaire, ça semble toujours une oasis qui est de plus en plus loin depuis que les libéraux sont là, depuis 2015», affirme M. Godbout.
N’empêche, le gouvernement promet de trouver des économies de 21 milliards de dollars d’ici cinq ans dans la fonction publique. Pour y arriver, il compte réduire le recours aux cabinets de consultants privés, réduire de 3% les dépenses des ministères et les sociétés d’État fédérales, ce qui représente 15 milliards de dollars sur cinq ans.
Les 6 milliards de dollars d’économies restants seront trouvés en réorientant des dépenses qui avaient été annoncées au préalable.
Or, comme l’explique le professeur Godbout, sur des dépenses d’au-delà de 500 milliards de dollars, ce sont des économies mineures dans le grand ordre des choses.
La ministre Freeland martèle que ces économies n’affecteront pas l’offre de service à la population. Ce sera aux ministères et agences de trouver les fonds dans leur budget. Cela pourrait se faire par attrition ou encore en réduisant considérablement les voyages ou autres dépenses.