Il était plus que temps.
On a tous en tête une histoire de lave-vaisselle en bon état de marche qu’on a dû remplacer prématurément en raison d’une pièce de rechange qui coûtait plus cher que l’appareil neuf. Ou encore d’un téléphone intelligent parfaitement fonctionnel, qui n’a pas survécu à la plus récente mise à jour du système.
Une lectrice, Henriette Levasseur, a vécu une expérience hallucinante dans un magasin de Gatineau. Elle se cherchait une lampe. En trouve une qui lui plaît. Mais réalise que l’ampoule Del intégrée à la lampe ne se remplace pas. «Et après?», demande Mme Levasseur au commis. «Après, il n’y a rien d’autre à faire que jeter la lampe», concède celui-ci. Mme Levasseur m’a écrit un courriel indigné: «J’avais entendu parler d’obsolescence programmée. Mais à ce point?»
Mais oui, à ce point. Êtes-vous si surprise?
L’âge d’or des électroménagers qui durent toute une vie est bel et bien révolu. Selon une enquête récente de l’organisme Équiterre, 25% des Québécois font réparer leurs appareils électroniques et électroménagers. Les bris observés surviennent à peine 2,6 ans après l’achat. Un délai inacceptable! J’ai eu une cuisinière qui m’a duré 15 ans. Ma dernière laveuse a rendu l’âme après 2 ans…
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Donc oui, vivement, un droit à la réparation au Canada. Notre pays a plusieurs longueurs de retard sur l’Europe en cette matière. La France, par exemple, a voté une «loi anti-gaspillage». Son but? Redonner au consommateur un meilleur accès à la réparation de ses appareils.
Pour ce faire, les législateurs français ont entre autres créé en janvier 2021 un «indice de réparabilité». Il attribue une note sur 10 à certaines catégories d’appareils électroniques et ménagers. «Il permet de savoir vraiment à quel point l’appareil est réparable», m’expliquait récemment Amélie Côté, analyste chez Équiterre.
L’indice de réparabilité français évoluera, en 2024, en indice de durabilité, précise-t-elle. Ainsi avant d’acheter une nouvelle laveuse ou un téléphone cellulaire, les Français sauront combien d’années leur appareil est censé fonctionner et s’ils peuvent ensuite accéder à des pièces de rechange à un coût raisonnable.
La loi anti-gaspillage produit déjà son effet en Europe.
Le groupe Seb, un fabricant de petits électroménagers, a changé la conception de ses produits pour les rendre plus durables et plus réparables. Au point de garantir, pendant 7 à 10 ans, la disponibilité des pièces détachées. Et pour s’assurer que les réparations soient faites en moins de 48 heures, il a déployé un réseau de 6500 réparateurs agréés. Le groupe Seb s’assure que les réparations se font presque toujours à un coût moins onéreux que celui d’un remplacement.
Le rêve…
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Le droit à la réparation présage d’une nouvelle économie. Où la réparation, le reconditionnement des objets, le seconde-main auront la cote. Où les fabricants, au lieu de nous garrocher du tout à jeter, auront avantage à nous offrir des produits plus durables. Nous en sommes là. À revoir non seulement nos modes de production, mais aussi nos modes de consommation.
Quand la laveuse brise après deux ans, nous sommes prompts à blâmer le fabricant. Mais regardons-nous. Comme consommateur, on veut du neuf. Parce qu’on a l’impression que c’est plus fiable. Combien de temps on passe à magasiner de nouveaux vêtements, de nouveaux gadgets pour nos appareils intelligents?
Si on passait plus de temps à entretenir nos objets plutôt qu’à s’en procurer des neufs? Est-ce qu’on ne s’y attacherait pas davantage? N’y ferait-on pas plus attention? Qui sait si on ne cesserait pas de consommer plus de ressources que la Terre arrive à en produire...