Chronique|

Bureaucratie aveugle

Ainsi, la Ville de Gatineau refuse de reconnaître un joli sentier boisé en tant que corridor scolaire. Même si, dans les faits, plus d’une soixantaine d’écoliers l’empruntent chaque jour pour se rendre à pied à leur école primaire. Cherchez l’erreur!


J’ai beau chercher le gros bon sens dans cette histoire rapportée par mon collègue Mathieu Bélanger, je ne le trouve pas.

Le chemin Robert-Stewart - c’est le nom du sentier - comporte l’immense avantage de rapprocher les enfants à moins d’un kilomètre de l’école des Cavaliers, dans le secteur Aylmer. C’est comme un raccourci de leur maison vers l’école. Pas pour rien qu’il est si populaire. Sans ce sentier, tous ces enfants devraient sans doute voyager par bus ou encore se faire déposer à l’école, en voiture, par leurs parents.



Il n’y a que du bon à voir des dizaines d’écoliers à emprunter ce sentier matin et soir. C’est bon pour leur santé, c’est bon pour l’environnement. Des écoles primaires entourées d’élèves à distance de marche, comme l’école des Cavaliers, c’est ce qu’on souhaite comme société!

Voilà des mois que les parents recommandent qu’on reconnaisse le chemin Robert-Stewart comme un corridor scolaire officiel. Pour eux, ce serait comme une police d’assurance. Une façon de s’assurer que leurs enfants soient calculés comme des marcheurs - ce qu’ils sont - et donc pas transférés dans une autre école, lors d’une énième refonte des bassins scolaires…

Comment peut-on s’opposer à une demande qui a pour effet de faire marcher plus d’élèves vers l’école?

Pour des raisons de sécurité, bien sûr. Quoi d’autre? Notre époque est obsédée par la sécurité…



Du point de vue de la Ville de Gatineau, le sentier n’est pas un chemin public. Il est isolé, pas assez éclairé, pas déneigé en hiver… Il n’y a pas de trottoir, pas de traverses d’écoliers, pas de brigadiers scolaires…

«On ne peut assurer la sécurité des élèves» sur ce sentier, tranche la Ville. Fin de la discussion. Ce qui n’empêche pas les parents d’envoyer leurs enfants à l’école via le dangereux sentier!

Voici un cas typique, selon moi, où une bureaucratie aveugle va à l’encontre de l’intérêt public.

Il me semble qu’il y a ici moyen de moyenner. Au lieu de brandir bien haut son carnet de normes, Gatineau devrait chercher un compromis. Ce serait quoi de le déneiger? Ou d’y affecter un brigadier scolaire? Ou des parents bénévoles?

Tant que le sentier n’est pas reconnu comme un corridor scolaire, les parents craignent que leurs enfants soient délocalisés dans une autre école plus loin de chez eux. Si ça devait arriver, en raison d’une grille d’analyse qui ne reflète pas bien la réalité, tout le monde serait perdant.

Les enfants, les parents, l’environnement…



Quant à l’argument de la sécurité, on pourrait arguer que ce n’est pas tant le sentier que le grand nombre de véhicules aux abords des écoles qui est problématique. En augmentant le nombre de marcheurs scolaires, on diminue ce problème... et on augmente la sécurité.

Je ne vois aucune raison valable de refuser de reconnaître ce corridor scolaire. Au contraire, il faudrait plus de corridors du même genre pour accommoder les écoliers marcheurs. En outre, Gatineau veut que les gens participent à la vie de leur communauté, qu’ils s’impliquent... Dans le cas du chemin Robert-Steward, des citoyens déneigent le sentier l’hiver. Quand des gens s’approprient l’espace public pour en faire un lieu plus habité, plus vivant, plus agréable, il faut les encourager. Pas les décourager.