L’intention est inscrite dans le projet de loi 7 présenté le mois dernier par le ministre des Finances Eric Girard. Selon ce qui en ressort, le propriétaire d’un tel compte pourra décaisser le contenu sans entrave à partir de 55 ans. Avant que ce ne soit en vigueur, la loi devra être adoptée par le Parlement et les détails précisés par règlements.
Le CRI est ce compte vers lequel sont transférées les sommes accumulées dans un régime de retraite, lorsqu’on quitte un employeur. L’argent du CRI, c’est «pas touche!» Ça le dit dans le nom : immobilisé.
C’est l’équivalent d’un REER, mais assorti d’importantes restrictions. On peut piger ou même vider un REER comme bon nous semble, même si ce n’est pas une bonne idée, ce qui est impossible avec le CRI, qui impose des conditions et des limites aux retraits, limites qui diffèrent selon l’âge du titulaire.
À partir de 65 ans, le détenteur d’un CRI peut commencer à le décaisser en vue de sa retraite, en le convertissant d’abord en fonds de revenu viager (FRV). Là encore, le choix du nom n’est pas innocent : viager. Cela veut dire qu’il doit durer la vie de la personne, et pour y arriver, on doit égrainer le contenu lentement.
Pour mieux comprendre, comparons encore avec le REER, lequel doit être transformé en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) en vue du décaissement. Un retraité doit retirer un montant minimal de son FERR chaque année, sans limites. Le même genre d’obligation s’applique au FRV, mais avec un plafond.
Cet obstacle a l’avantage de protéger le bas de laine contre un épuisement prématuré ou la dilapidation, mais il comporte un inconvénient majeur : il empêche des stratégies de décaissement qui peuvent s’avérer plus rentables dans certaines situations. Une d’entre elles concerne les retraités admissibles au Supplément de revenu garanti (SRG), une prestation fédérale prévue pour les personnes âgées les moins nanties. Les montants de SRG auxquels ont droit ces personnes sont déterminés en fonction de leurs revenus. Pour plusieurs d’entre elles, il serait souvent plus avantageux de vider d’un coup leur FRV afin de faire augmenter leur SRG par la suite.
Actuellement, il reste toujours possible de «désimmobiliser» le contenu d’un CRI (par conséquent, les limites aux retraits du FRV), mais la méthode pour y arriver nécessite une planification établie des années à l’avance et des formalités coûteuses. Pour se lancer dans cette opération, il faut surtout être bien accompagné, ce qui est rare. C’est pourquoi plusieurs voix dans l’industrie de la planification financière réclament depuis longtemps des assouplissements.
L’année dernière, Retraite Québec avait mené des consultations dans l’industrie sur la base d’un document qui proposait trois avenues pour rendre plus flexibles le CRI et le FRV. De tous les scénarios, Québec semble avoir penché pour le plus accommodant.
On doit savoir que la rigidité actuelle du CRI et du FRV est incompatible avec les efforts de Retraite Québec qui veut inciter les gens à retarder la prise des prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ).
Cette stratégie, dont j’ai maintes fois souligné l’efficacité, nécessite des épargnes importantes afin de faire le pont durant les années qu’on reporte les rentes publiques. Avec les règles actuelles, cette avenue était accessible aux retraités qui avaient amassé de l’argent dans leur REER, mais pas ceux dont l’épargne était concentrée dans un CRI.
Avec le projet de loi de 7, Québec corrigerait une forme d’iniquité, mais pas toutes. La loi s’applique au CRI uniquement, qui découle des régimes de retraite des entreprises opérant sous juridiction provinciale. Elle ne touche pas le REER immobilisé, le nom qu’on donne au compte dans lequel sont transférées les sommes accumulées dans un régime de retraite fédéral.
Dans ce cas, ce serait à Ottawa d’assouplir les règles.