«C’est un concept développé pour les baby-boomers», a résumé Francis Charron, président d’EDM Construction. «Ces gens-là nous ont dit: donnez-nous nos espaces communs, mais laissez-nous nous organiser nous-même. Beaucoup de nos résidents sont venus à l’école ici. Il y a plein de retrouvailles de gens parmi nos résidents. Et c’est comme ça que le concept a pris toute sa valeur dans la communauté, dans la fraternité.»
Le complexe Lib est construit sur le site de l’ancienne Académie d’Aylmer, qui date de 1861. Le bâtiment a été conçu, selon le promoteur, de façon à intégrer le cachet de cet édifice patrimonial, tout en harmonisant le projet à la modernité. Le Lib, ce sont 160 logements locatifs destinés aux gens actifs de 55 ans et plus, ainsi que plusieurs espaces communs ouverts aux résidents. C’est un «entre deux» entre un concept résidentiel de type condo et une résidence pour aînés, soutient-on.
Jongler avec le patrimoine bâti
Mais les premiers balbutiements du projet, en 2019, ne s’étaient pas faits sans crainte, alors que plusieurs résidents du secteur avaient participé à des rencontres citoyennes dans le but de s’assurer de comprendre le concept du promoteur, de même que ses plans pour l’intégration de l’Académie d’Aylmer, un bâtiment riche en histoire, au projet résidentiel.
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«Les ajouts aux bâtiments étaient très rapprochés et très près de la rue aussi», rappelle l’historienne et candidate au doctorat en étude du patrimoine et muséologie sociale à l’Université du Québec en Outaouais, Lynne Rodier. «À ce moment-là, j’étais avec l’Association du patrimoine d’Aylmer et on avait demandé qu’on recule l’édifice pour laisser à l’avant-plan l’édifice patrimonial.»
De façon générale, Mme Rodier se dit satisfaite du projet final Le Lib Aylmer. «Ce qui est intéressant du concept, c’est qu’il ramène beaucoup d’aspects du passé de ce bâtiment.»
Mais elle aurait préféré que le style de la nouvelle construction s’harmonise davantage au style patrimonial de l’ancienne école. «Ils ont fait un excellent travail avec la restauration de l’Académie, mais ce que je trouve moins intéressant, c’est que tout est noir, tout est gris, le style des logements. Je trouve ça un peu moins attrayant.»
«On a été avec l’architecture par contraste», explique Francis Charron, soulignant que des «clins d’oeil» à l’Académie ont été ajoutés au nouveau bâtiment, aux lucarnes, par exemple. «Ça vient rappeler l’Académie, les architectures qu’on voit aux alentours, des petits rappels subtils. Mais c’est très dur de faire le même type d’architecture quand on n’est pas à la même époque.»
Réussir à harmoniser le patrimoine bâti avec son idée de complexe «n’a pas été une mince tâche», indique-t-il. «Quand on entre dans un bâtiment patrimonial, on a plein de surprises. Ici, on voulait vraiment donner une deuxième vie à l’Académie. Les murs ont des histoires à conter. On voulait transformer un bâtiment institutionnel en un bâtiment ou tu as envie d’habiter, de partager les espaces communs.»
Il considère de son côté avoir relevé le défi haut la main, «au-delà des espérances». «Quand on est ici, il se passe quelque chose qu’on n’est pas capable d’expliquer. On se sent bien parce que le bâtiment a beaucoup d’histoires à raconter.»
Lynne Rodier souhaiterait voir de plus en plus d’entrepreneurs réfléchir encore davantage au concept d’intégration. «Ce qui est difficile à concevoir, c’est la divergence de structure, les blocs carrés, par exemple. Certains entrepreneurs commencent à avoir le souci du détail patrimonial à ce niveau-là, mais on doit les convaincre d’y travailler. C’est l’effort des architectes qu’il faut pousser un peu plus pour préserver le patrimoine ensemble. [...] Si c’est pour devenir une mode que cette mode soit un peu plus exigeante auprès des promoteurs immobiliers et des architectes.»