Plusieurs cabinets ne peuvent plus se permettre d’accepter de nouveaux clients. D’autres délaissent les déclarations de revenus des particuliers, faute de temps, mais surtout de main-d’oeuvre. Quelques-uns revoient complètement leur offre de services.
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«Nous vivons présentement un manque de main-d’oeuvre. On le savait que ça s’en venait, mais je dirais que ça frappe vraiment de plein fouet cette année», indique la présidente de l’Ordre des comptables professionnels agrées du Québec, Geneviève Mottard.
«Si j’ai un seul conseil à donner, c’est prenez vous tôt!», ajoute-t-elle.
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Aucune région n’y échappe. Les Coops de l’information ont effectué une tournée des bureaux de CPA du Québec, afin de voir s’il était encore possible de trouver un comptable professionnel, en cette période achalandée des impôts. Sur les 35 cabinets joints à Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Lévis, Saguenay, Rimouski, Rivière-du-Loup, Alma et Gatineau, 28 ont dit ne plus avoir de place.
Les raisons évoquées sont multiples: «On est plus que complets. On manque de personnel. On ne prend pas de nouveaux clients. On ne fait plus de déclarations d’impôt. Notre agenda est chargé pour l’année.»
Un cabinet a dit accepter les nouveaux clients, précisant toutefois que les délais pour effectuer la déclaration de revenus seraient dépassés. Un autre nous a simplement souhaité «bonne chance» dans nos recherches.
En Outaouais, notamment, la pénurie de main-d’oeuvre est suralimentée par l’attrait des emplois au gouvernement fédéral. Les comptables et fiscalistes sont une denrée rare, au privé comme au public. Les répercussions sont directes sur les contribuables à la recherche d’un spécialiste.
Il arrive même que des firmes — déjà débordées — dirigent les retardataires vers des entreprises comme H&R Block, des organisations habituées de traiter rapidement de grands volumes de demandes liées à des dossiers courants, comme celui d’un «salarié ordinaire» avec un T4, un Relevé 1 et quelques feuillets fiscaux de REER.
Pourquoi cette pénurie?
La pénurie de main-d’oeuvre chez les CPA s’explique par plusieurs facteurs, souligne la présidente de l’Ordre, Geneviève Mottard.
«Comme pour plusieurs secteurs, la démographie et le vieillissement de la population a joué un rôle sur le manque de main-d’oeuvre, évidemment, dit-elle. De plus, les dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les CPA, en raison de la pandémie. Pensons à tous les programmes d’aide financière comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ainsi que les nouvelles déductions rattachées au télétravail. La demande a été forte et le travail plus complexe.»
Pourtant, le nombre de membres de l’Ordre des CPA continue d’augmenter au Québec, passant de 39 250 en 2018 à près de 41 000 en 2022.
Mais les finissants en comptabilité délaissent davantage la voie des cabinets, au profit des entreprises ou des organismes gouvernementaux. D’autres choisissent également l’enseignement.
«Ce n’est pas drastique comme diminution, mais c’est une nouvelle réalité et ça signifie que moins de nouveaux membres travaillent auprès des particuliers, notamment pour leurs impôts», souligne Mme Mottard.
Nous travaillons fort pour attirer les jeunes vers la profession, qui est encore victime de préjugés. Non, nous ne sommes pas plates et nous ne portons pas tous des bas bruns!
— Geneviève Mottard
Africains et Français à la rescousse
La reconnaissance des acquis de comptables originaires de l’extérieur du Québec et du Canada pourrait améliorer la situation. En 2022, l’Ordre a autorisé 291 dossiers de personnes provenant de l’extérieur du Canada qui avait présenté une demande d’équivalence de formation.
«Ce programme est intéressant, puisqu’il aide ceux qui arrivent de l’étranger à cheminer pour devenir membres. Nous en recevons beaucoup des pays du nord de l’Afrique, étant donné que plusieurs sont francophones», note Mme Mottard.
Une autre entente, cette fois avec la France, a permis d’approuver 34 demandes de reconnaissance au cours des cinq dernières années.
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Un service bénévole
Au Québec, ceux qui n’ont pas les moyens de débourser pour des services professionnels en comptabilité peuvent se tourner vers un programme gratuit. Le «Service d’aide en impôt» fait appel à des centaines de bénévoles, afin prêter main-forte aux personnes qui ont besoin d’assistance pour remplir leurs déclarations de revenus et qui n’ont pas les moyens de payer des services. Les contribuables qui gagnent un salaire annuel de moins de 35 000$ sont admissibles.
L’an dernier, 530 organismes ont offert ce service à l’échelle provinciale. Ce sont 191 200 déclarations provinciales et 176 600 déclarations fédérales qui ont été effectuées par les bénévoles en 2022, confirme Claude-Olivier Fagnant de Revenu Québec.
Si le manque de comptables professionnels agréés est criant pour les services offerts aux particuliers, il n’y a pas de pénurie de bénévoles au programme administré par Québec, précise M. Fagnant.
Avec Marc Allard, Marie-Christine Bouchard, Louis-Denis Ebacher et Mathieu Lamothe