175e anniversaire de l’Université d’Ottawa: un établissement catholique (1889-1903)

La première collation des grades en 1890.

En 1889, le rêve de l’archevêque d’Ottawa, Mgr Joseph-Thomas Duhamel, un ancien du Collège de Bytown, devient réalité. En effet, le pape Léon XIII élève l’établissement au rang d’université pontificale. Cette obtention constitue un grand honneur pour les Oblats qui dirigent la maison d’enseignement de la Côte-de-Sable.


La charte catholique amène plusieurs changements. Ainsi, le supérieur prend le titre de recteur et on crée le poste de chancelier apostolique, titre que portera l’archevêque d’Ottawa jusqu’en 1965. L’innovation la plus marquante demeure toutefois l’organisation des trois premières facultés : arts, philosophie et théologie. À ces facultés s’ajoute bientôt celle de droit qui ne survivra que quatre ans.

En 1892, la maison d’enseignement pour garçons compte 389 étudiants dont un très grand nombre est inscrit au cours commercial conduisant à un diplôme d’études secondaires. Plus de 50 pour cent des étudiants sont originaires de l’Ontario, alors que 20 pour cent viennent du Québec et presque autant des États-Unis, dont plusieurs Franco-Américains. Cette année- là, l’Université confère 27 diplômes universitaires.

Toujours en 1892, le corps professoral compte une cinquantaine de membres, majoritairement des oblats, et le personnel de soutien se compose d’une quarantaine de personnes, dont plusieurs religieuses.

Le début du XXe siècle commence sur une note positive pour les francophones. À partir de 1901, on assiste à une restauration graduelle de l’enseignement du français et les annuaires sont publiés dans les deux langues. Certes, le bilinguisme n’est pas imposé aux anglophones qui s’y opposent, mais cela n’apaise pas pour autant les tensions linguistiques. En 1915, faute de pouvoir trouver un terrain d’entente, la majorité des oblats irlandais quitteront l’Université et le nombre d’étudiants anglophones tombera à seulement 85.

L’édifice des sciences

À la fin des années 1890, le bâtiment principal ne suffit plus à l’enseignement des sciences. Il faut construire un nouvel édifice pour ces disciplines et pour loger le musée. La construction de l’immeuble en pierre calcaire provenant d’une carrière où se trouve aujourd’hui le Casino du Lac-Leamy commence en 1899.

Inauguré en 1901, le bâtiment accueille notamment des laboratoires, une bibliothèque et le premier amphithéâtre du campus. Le musée, qui abrite des collections de minéraux, de fossiles, de monnaie et de médailles, constitue le centre d’attraction de l’édifice. Ce sont toutefois les collections zoologiques et ornithologiques qui demeurent les plus imposantes, avec des crocodiles, des tortues, des serpents naturalisés et un gigantesque orang-outan capable d’épouvanter le plus brave des étudiants. Ces collections sont depuis longtemps disparues et le pavillon porte maintenant le nom de Salle académique.

L’Université d’Ottawa à la fin du XIXe siècle.

Une discipline sévère

Au tournant du XXe siècle, les heures de cours et les périodes d’études sont longues et les obligations religieuses nombreuses. De plus, la discipline demeure sévère. Par exemple, l’étudiant ne peut sortir de l’établissement sans autorisation, aucune publication n’y est introduite sans l’approbation du préfet de discipline et toute correspondance peut être lue par la direction. Un manquement aux règles peut entraîner l’expulsion, ce qui arrive toutefois rarement. Somme toute, ce qui apparaît aujourd’hui bien strict faisait partie des mœurs de l’époque.

Les sports et la culture

Ce tableau austère cache néanmoins une vie sportive et culturelle intense. Les étudiants pratiquent de nombreux sports, notamment le baseball, le hockey, la crosse et le football dont l’équipe demeure la meilleure de toute la ligue majeure. Ce dynamisme repose sur l’entraîneur oblat William Stanton, dont une résidence perpétue la mémoire.

Les étudiants s’adonnent également à des activités telles que la raquette, l’escrime et le patinage. Des excursions à l’extérieur, comme à la caverne Laflèche dans la Gatineau, aux chutes des Chaudières et à la cabane à sucre au printemps agrémentent également la vie estudiantine.

Parmi les autres loisirs, mentionnons la musique, le théâtre et la littérature. Ainsi, les étudiants peuvent écrire dans The Owl jusqu’en 1898 et, par la suite, dans The University of Ottawa Review. Une revue littéraire de langue française voit aussi le jour en 1900.

En réalité, la direction a tout intérêt à rendre agréable le séjour des étudiants, particulièrement celui des pensionnaires dont l’année universitaire s’étire de septembre à juin. Certains ne retournent même pas chez leurs parents pour les vacances de Noël ou de Pâques.

C’est dans ce contexte que la famille universitaire prend tout son sens et que s’impose un bon équilibre entre les études, les obligations religieuses et les divertissements. Le plan d’études de 1893 insiste d’ailleurs sur ce dernier point. « Donnez-leur des jeux et alors les récréations seront honnêtes, agréables et utiles. Enlevez les amusements et les récréations seront toujours languissantes, dangereuses pour la morale.»

Malheureusement, ce bel élan sera brisé, le 2 décembre 1903, par un incendie dévastateur. Nous y reviendrons.


Source: Michel Prévost, L’Université d’Ottawa depuis 1848 / The University of Ottawa since 1848, Ottawa, Université d’Ottawa, 2008, 160 p.


Michel Prévost est une riche ressource pour toute personne s’intéressant à l’histoire régionale (Gatineau, Ottawa, Est Ontarien, Outaouais) et à l’histoire des Franco-Ontariens. Il s’intéresse depuis plus de 40 ans au patrimoine archivistique, historique et bâti de l’Université d’Ottawa.