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Ce ep de 6 titres le quatrième minialbum de la discographie du groupe, qui contient aussi un long jeu, «Aylmer», (paru en 2017) se présente comme un «album-concept» autour du thème de la dépression et des problèmes de santé mentale. Il se veut un espace de discussion, une main tendue au dialogue, une invitation à reconnaître son «spleen», et partager les reliefs accidentés de notre intériorité .
D’où son titre, renvoyant à une expression anglophone qu’on adresse à quelqu’un dont l’esprit semble accaparé, afin de lui signifier qu’on souhaiterait connaître le fond de sa pensée, moyennant un sou métaphorique. Une façon moderne de demander «est-ce que ça va?», en conviant l’autre à ne pas garder pour soi les affres qui le dévorent.
Ce disque empathique s’ouvre et se ferme sur des extraits sonores d’un vieux film, «The Faces of Depression»(1959), documentaire en noir et blanc tourné à Montreal par Robert Anderson, et dans lequel s’expriment des patients atteints de différents types de dépressions, au fil de discussions avec leur psychiatre.
Le film se voulait un outil pour mieux comprendre les différents syndromes d’un mal protéiforme. En traversant de part en part un sujet «longtemps tabou», et en cherchant à dédramatiser les choses, le nouveau disque de Okies aussi, cherche à se ranger du côté des outils.
La déprime et l’anxiété ont été au cœur des préoccupations de beaucoup de monde, durant la parenthèse covidienne, rappelle le quatuor – dont l’un des membres, le batteur Thomas Aguinaga, ne se cache pas d’être confronté à des troubles de santé mentale, et d’avoir été sujet à la dépression, durant cette «difficile» pandémie.
«En 2020-2021, je n’étais pas à une bonne place. J’étais enragé face à la situation.»
C’est lui qui, en tant que le parolier principal du «band», a voulu mettre cartes sur tables au fil d’un album qui explorerait de multiples «perspectives» et pistes de réflexions autour de la santé mentale, tout en leur conférant une relative «cohésion». (Ce n’est pas à proprement parler un album-concept, dans le sens que les chansons, autonomes, ne dessinent pas non plus un arc narratif chronologique.)
Précisons que non, A Penny for Your Thoughts n’est pas un traité médical, mais bien une œuvre poétique, teintée par «l’expérience personnelle» d’Aguinaga.
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Ses trois comparse, eux, vont bien. Enfin, peut-être... Préférant vérifier, on leur demande : «penny for your thoughts, les gars?» Outre le stress, raisonnable et légitime, des heures qui précèdent le moment où l’on se lance sur scène avec de nouvelles chansons... est-ce que tout est OK chez les Okies?
«C’est tellement difficile à dire, si on est affecté par [les troubles de] santé mentale», répond le guitariste d’Okie, Phil Goodman.
«Je pourrais répondre oui, je pourrais dire non. Comment être juge de ça? Honnêtement, est-ce qu’on le sait vraiment, à part si on a un diagnostic? Et même là... est-ce que c’est toujours vérace [probant], un diagnostic. Mais cet espèce de doute s’incorpore à [notre] musique», poursuit-il sous le regard approbateur de ses collègues.
«On a tous, quelque part, de l’anxiété de vivre, en tant que band, en tant que jeunes [les membres d’Okies sont dans la mi-vingtaine ou la fin de la vingtaine, NDLR] faisant partie de cette société», rebondit le claviériste, Sam Gendron.
«Moi, je suis très mauvais pour repérer quand ça va mal, ajoute-t-il. Les signes avant-coureurs, il «apprend» lentement à mieux les observer: «Je remarque que je me laisse traîner. J’étais à terre pendant deux deux mois sans réaliser que j’avais probablement plusieurs des symptômes» apparentés à la dépression. Ce n’est qu’après, une fois ressaisi, une fois passée la frénésie du «grand ménage», phase de «ramassage» ayant coïncidé à un regain d’énergie, une fois son environnement immédiat rangé et aéré, que le musicien finit par admettre qu’il était certainement déprimé sans même s’en être rendu compte.
Ce nouvel album, Gendron le voit moins comme «un dialogue» que comme le témoignage, «très intime, très personnel», de son comparse parolier. Un témoignage dans lequel les éventuels auditeurs souffreteux pourront se retrouver : «c’est une façon de dire à tout le monde ‘You are not alone’!» croit-il.
Le chanteur et guitariste Marc-Antoine Moisan, a lui aussi été passablement «affecté» par la coupure pandémique.
Se lancer dans la création d’un nouveau disque n’était pas du tout sur la table à dessins, retrace-t-il : Okies envisageait plutôt d’effectuer une grande tournée; en 2020, la formation avait d’ailleurs été réinvitée au Bluesfest, qui a finalement été contraint de reporter cette édition.
C’est donc un peu par dépit qu’elle a recentré tous ses «efforts» dans ce projet, pour lequel les quatre amigos son partis s’exiler dans un chalet/studio à Déléage, qui est devenu leur «refuge» ou créer, puis enregistrer le disque, retrace Marc-Antoine Moisan.
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Le claviériste en profite pour rappeler que le quatuor baigne depuis longtemps dans les ambiances mélancoliques – et des univers sonores propice à l’introspection, ajoute Phil Goodman – et que Okies n’a finalement fait que rebondir sur l’intérêt soudain qui s’est spontanément manifesté dans les premières semaines de la pandémie, en ce qui a trait à la recherche de solutions et de services offerts en santé mentale.
«Dans nos chansons, on a juste pinpointé [mis le doigt sur] une problématique tangible.»
Les chansons d’A Penny for Your Thoughts oscillent entre des atmosphères planantes et une colère sourde – notamment sur The Waiting Room Blues, premier extrait paru en octobre 2022, où le band évoque un individu rongé par l’anxiété, qui refuse d’admettre ses défaillances en lien avec la santé mentale. «La rage» contenue se ressent à la fin de la chanson, à mesure que s’élèvent les grondements d’un chœur prêt à exploser, soumettent Sam Gendron et Thomas Aguinaga.
La chanson Workhorse parle des habitudes qu’on a de «souffrir en silence», partage le claviériste. Elle s’inspire d’un collègue de travail du parolier – un sexagénaire, bourreau de travail, qui jamais ne se plaignait, malgré les douleurs physiques qui le rongeaient – est un regard sur les disparités qui persistent entre notre façon de réagir au mal d’autrui, selon qu’il s’agisse de troubles mentaux ou physiques.
Les Aylmerois disent faire, à l’instar du Canadien Dan Mangan, des «bummer jams». Comprendre: des textes grattant les bobos et le malheur, mais servies sur des mélodies dynamiques, voire enjouées. Malgré l’aspect «downant» du fil conducteur, le quatuor a veillé à ne pas plomber l’ambiance.
Okies, qui se nourrit de diverses influences allant de Alt-J à Passengers en passant par Milky Chance (sans oublier Dan Mangan, insiste Marc-Antoine Moisan, grand afficionado), s’est efforcé de faire ressortir une forme d’«enchantement» musical.
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Avec Take a Penny / Leave a Penny, le disque clôt son «voyage» intimiste en territoire pathologique sur un morceau «un peu plus drôle» et «un message plus positif», alors qu’Aguinaga se met à «imaginer une société qui [aurait] accepté les défauts du monde».
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Dans les années 30 – période de la Grande Dépression, comme quoi tout est dans tout – le terme «okies» servait à désigner, en Californie, les personnes natives de l’Oklahoma, un État agricole où beaucoup de gens, acculés à la misère, furent contraints de se convertir en travailleurs itinérants; beaucoup se sont retrouvés en Californie, pour y offrir leurs services et leur sueur.
Le quatuor s’est d’abord baptisé Trait d’union, avant de réaliser que le nom était trop francophone pour un band dont le répertoire est – pour l’instant, du moins – exclusivement anglophone.
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Le quatuor Okies sera en spectacle au Rainbow Bistro d’Ottawa samedi 25 mars, en première partie de Villages.
Billets: ticketweb.ca