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Donc voilà 46 ans que chaque année, on en profite pour parler des femmes et d’inégalité, 46 ans qu’on se penche à cette date sur des statistiques sombres sur la violence, sur la pauvreté, sur l’injustice. Partout dans le monde.

Heureusement toutefois, la situation a beaucoup changé depuis les balbutiements de cet effort collectif à s’inquiéter d’évidences qui auraient dû nous affoler tous les jours de l’année.

Il y a 30, 40 ans, on devait fournir un effort particulier pour rappeler aux médias, aux politiques, aux organisations sociales, aux entreprises, qu’elles ne devaient pas rater ce rendez-vous du calendrier pour parler du sujet.

Il y a 20 ans, il y a 15 ans, on était ensevelies sous les statistiques terrifiantes concernant la violence à la maison, les inégalités dans les entreprises, l’absence des femmes dans les cercles de pouvoir.

Et puis le temps a fait son œuvre, la Charte canadienne des droits et libertés aussi. À la longue, les choses ont bougé, petit à petit et il y a cinq ans est arrivée l’affaire Weinstein et l’accélération de #metoo qui a crevé mille abcès, fait exploser mille vérités et libéré la parole.

En 2023, force est de constater qu’on est rendu totalement ailleurs que là où on était en 1977. Certaines choses se sont beaucoup améliorées. D’autres problèmes sont apparus ou ont pris d’autres formes tragiques. On pense ici au contrôle que permettent les nouvelles technologies, à la mondialisation qui a ouvert les frontières à l’exploitation sexuelle, aux réseaux sociaux et autres plateformes qui ont créé le monstre de la violence numérique.

Cela dit, même si on est loin de l’égalité dans les sphères de pouvoir, les femmes ont beaucoup progressé et les plafonds de terre tombent partout. Parité au cabinet, femmes à la tête de grandes sociétés d’État – en ce moment, Radio-Canada et Hydro-Québec pour ne nommer que celles-là -- femme à la tête de partis politiques…

Les femmes ont accès à l’éducation et prennent leur place : 86 % d’entre elles ont un diplôme sept ans après leur entrée au secondaire, contre 77 % des hommes. Et plus tard, elles sont près de deux fois plus nombreuses que les hommes à détenir un diplôme universitaire de niveau supérieur au baccalauréat.

Les statistiques montrent aussi que les femmes progressent à la tête des entreprises, même si elles demeurent sous-représentées au pouvoir : environ 20 % des membres des conseils d’administration et des postes de haute direction, selon Statistique Canada. C’est encore trop peu, mais mieux que le 12,5 % en moyenne d’il y a 10 ans, même s’il reste encore beaucoup à faire pour la parité au vrai sommet des structures.

Les femmes prennent aussi de plus en plus leur place dans l’univers des PME et les investissements dans les entreprises dirigées par des femmes ont augmenté, nous apprenait Investissement Québec en novembre dernier.

Toutefois, les femmes continuent de gagner moins d’argent que les hommes : 89 cents pour chaque dollar gagné par les contribuables masculins, selon la Fondation canadienne des femmes, qui cite Statistique Canada. Et l’écart est encore plus prononcé pour les femmes racisées, autochtones, identifiées comme handicapées.

En outre, les femmes sont beaucoup plus souvent victimes de violence conjugale ou intime que les hommes. Toutefois, même si chaque féminicide est une tragédie sans nom, et on en voit trop, les chiffres globaux ont beaucoup diminué depuis 20 ans, dit Statistique Canada, précisant cependant que cette baisse est réservée aux provinces, alors que les taux dans les territoires restent inchangés.

*****

Quels sont donc les grands chantiers de l’égalité en 2023 ?

Voici quelques pistes.

Il est clair qu’il faut se pencher sur la violence sur le web.

La violence verbale dont les femmes sont victimes sur les réseaux sociaux, par courriel, sur les plateformes de discussion de toutes les sortes.

Il faut aussi absolument agir pour empêcher que la violence physique soit mise en ligne, diffusée. On parle de ces images à caractère sexuel, qu’elles soient distribuées entre camarades dans une école secondaire ou sur les grandes plateformes commerciales de pornographie, qui n’ont pas été autorisées par celles qui y figurent. On parle de ces images qui deviennent l’objet d’un crime, non pas pour celles qu’on voit, mais ceux qui les font circuler.

Il faut que ça cesse. Et que le législateur prenne le problème réellement au sérieux et arrête de stagner sur la question.

Autre problème criant : la non-application des articles du code criminel contre les prostituteurs, donc les clients et les proxénètes, qui font vivre les réseaux d’exploitation sexuelle chez les mineures, mais aussi chez les majeures. Une femme exploitée sexuellement à 23 ans ou à 50 ans n’est pas moins victime des engrenages de dépendances, de vulnérabilité, de précarité, qui les font plonger dans ces enfers où elles n’ont aucun contrôle sur rien.

La loi existe. Qu’attendent les policiers, les procureurs, les juges, pour qu’elle soit respectée ?

Et puis, il y a les dossiers internationaux qu’il faut contribuer à solutionner, à exposer. Mutilations génitales, agressions sexuelles comme armes de guerre, inégalités systémiques, légales, endossées par les États.

Ce qui arrive aux femmes en Iran est immense. La répression dont elles sont victimes. Et le courage proportionnel dont elles font preuve pour se battre et dénoncer, refuser l’injustice.

Ceci ne fait qu’effleurer le reste du chemin à parcourir pour que la justice et la paix règnent.

Continuons.

Mais prenons aussi un moment pour regarder un peu en arrière et voir que le verre à moitié rose se remplit, malgré tout, tranquillement.

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