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L’histoire du canal Rideau remontre à la Guerre de 1812 qui a opposé les Britanniques aux Américains, explique l’ancien archiviste en chef de l’université d’Ottawa, Michel Prévost.

«En fait dès que les États-Unis ont pris le contrôle de la frontière entre Montréal et Kingston il n’y a plus aucune communication entre le Haut-Canada (Ontario) et le Bas-Canada (Québec).»

Puisque les frontières entre les États-Unis et ces colonies anglaises étaient «fragile», poursuit-il, les Britanniques imaginent une voie navigable loin de celles-ci.

«C’était quand même tout un défi puisqu’il y a 202 km entre Ottawa et Kingston», note M. Prévost.

Néanmoins, il faut savoir toutefois que seulement 18 km ont été creusés dans la capitale nationale.

On a plutôt utilisé les rivières Rideau et Cataraqui pour créer la liaison entre les Grands Lacs et le fleuve St-Laurent.

C’est le duc de Wellington, le même qui a vaincu Napoléon à la bataille de Waterloo qui a milité pour la construction du canal Rideau. Une défaite contre l’empereur français aurait certes miné son pouvoir d’influence en Angleterre, tout comme, bien évidemment, son décès.

Construction

En 1826, le colonel John By – un personnage bien connu de la région - arrive au pays pour déclencher le vaste projet d’aménagement du canal. À titre d’ingénieur royal, c’est lui qui pilote les travaux.

«La construction a commencé très tardivement parce qu’en Angleterre, les fonctionnaires trouvaient que c’était un projet qui coûterait trop cher et un défi presque insurmontable», affirme M. Prévost.

En effet, le budget initial s’élevait à 169 000 livres sterling. Au bout du compte, la facture s’est soldée à environ 400 000 livres, ou 650 000$ canadiens, ce qui causa des problèmes par la suite au colonel By.

Les excès de coûts s’expliquent par les défis de construction et aux particularités du relief, le canal étant aménagé de façon beaucoup plus large que prévu.

Quelque 6000 ouvriers participent à la construction du canal Rideau entre 1826 et 1832.

Une très grande hiérarchie des travailleurs existe pour assurer le succès du projet.

«En bas de l’échelle, on retrouve les Irlandais et les Canadiens français qui ont vraiment creusé le canal au pic et à la pelle», explique M. Prévost.

Ensuite, on compte les maçons, majoritairement écossais, et les forgerons tandis que les rôles d’ingénieurs et d’officiers sont réservés aux Anglais.

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Décès, blessés et malaria

Les conditions de travail n’étaient pas idéales à l’époque.

Les ouvriers n’étaient pas payés à la semaine ou au mois, mais chaque jour, selon le boulot effectué. Par exemple, le salaire dépendait du nombre de pierres taillées, de la quantité de brouettes de terres déplacées ou encore du montant de bois coupé.

«Ça force les gens à oeuvrer très très rapidement. Et comme on travaillait presque 15 heures par jour, six jours par semaine, on peut penser qu’il y avait énormément d’accidents de travail», soutient M. Prévost.

Outre les blessures, plusieurs personnes décédées au travail.

«Sur les 6000 ouvriers, on pense qu’il y en a plus que 1000 qui sont meurent dans le cadre de la construction du canal Rideau, dont la moitié à cause de la malaria. C’est surprenant d’apprendre qu’au XIX^e siècle il y avait de la malaria en Ontario», souligne l’historien.

«Il y a énormément de personnes aussi qui décèdent en raison de la poudre noire que l’on utilisait. C’était une poudre instable qui explosait en tout temps», enchaîne-t-il.

D’ailleurs, un monument a été érigé aux écluses d’Ottawa pour commémorer les travailleurs décédés ou blessés. Il est composé de messages en quatre langues : le français, l’anglais, en gaélique pour les Irlandais et en algonquin.

M. Prévost rappelle que les autochtones ont contribué aux efforts de construction du canal Rideau en étant des guides, mais aussi pour apporter des provisions et biens aux travailleurs.

«Pendant longtemps, on a oublié de souligner la contribution des autochtones, mais aujourd’hui on reconnaît leur apport.»

Utilité et quasi-destruction

Depuis sa construction et au fil des ans, le canal Rideau a connu plusieurs vocations.

Le premier vaisseau à naviguer le canal Rideau, L’Union, s’est rendu aux écluses d’Ottawa en 1831.

«Le canal, qui avait été construit pour des fins militaires, ne sera jamais utilisé pour les combats. Cela dit, il a été très utile parce que le colonel By a été un visionnaire. Il a fait les écluses plus larges de sorte que les bateaux à vapeur pouvaient circuler sur le canal Rideau», informe M. Prévost.

Ainsi, le canal est utilisé pour le transport des marchandises, mais aussi pour les gens, dans la première moitié du XIXe siècle. Plus tard au même siècle, le transport maritime chute en raison de l’avènement de chemins de fer et de routes.

L’utilisation du canal Rideau pour les loisirs fait alors surface à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Le krash de 1929 change toutefois la donne. Il n’y a presque plus d’activité ni de transport sur le cours d’eau.

«Ce qui fait que le gouvernement (canadien) a songé à détruire le canal Rideau. Heureusement, on a vite découvert qu’on ne pouvait le faire sans inonder plusieurs villages et terrains.»

C’est après la Deuxième Guerre mondiale que les activités de plaisance et les loisirs font un retour.

«Le canal Rideau est considéré comme l’un des travaux d’ingénierie du XIXe siècle les plus remarquables au monde. Presque 200 ans plus tard, ce canal fonctionne exactement comme lors de son inauguration par le colonel John B», résume M. Prévost.

Patinoire

Une première patinoire voit officiellement le jour sur le canal Rideau en janvier 1971.

L’idée d’aménager une surface glacée sur le canal Rideau revient à Doug Fulleton, fraîchement nommé à la présidence du conseil d’administration de la Commission de la capitale nationale (CCN).

Ainsi, une équipe de la CCN, pelles et balais à la main, a travaillé à transformer sa vision en une réalité.

«La patinoire n’ouvre que 39 jours, un record de brièveté, mais l’année suivante, c’est tout le contraire avec un record de longévité de 95 jours», indique M. Prévost.

À l’origine, seule une petite partie de la glace a été dégagée entre les ponts Mackenzie-King et Laurier, près du Centre national des Arts. La CCN a ensuite agrandi la patinoire à six mètres de largeur et 5 km de longueur, jusqu’au lac Dows. Au fil des ans, la surface totale pour patiner s’est élevée à 7,8 km, la faisant ainsi la plus grande patinoire naturelle au monde.

Le canal Rideau avait été désigné site national historique du Canada en 1926, mais en 2007 il est inscrit à la prestigieuse liste du patrimoine mondial de L’UNESCO. Il est le seul site du genre dans la région de la capitale nationale, mais il est aussi de l’Ontario.

«Ça nous indique l’importance que l’on accorde au canal Rideau, qui est le plus ancien canal toujours en fonction en Amérique du Nord», signale M. Prévost.

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