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QG de police: défaite et compromis politique

Le conseil municipal de Gatineau a finalement écarté le site Guertin, au centre-ville, au profit d’un autre situé dans les Hautes-Plaines.

CHRONIQUE / Bien du monde s’attendait à ce que le futur quartier général de la police de Gatineau atterrisse sur les terrains de l’ex-aréna Guertin. Le QG de 200 millions s’installera plutôt dans les Hautes-Plaines, à la sortie de l’autoroute 5.


Une option sortie du chapeau à la toute dernière minute.

Depuis 4 mois, la mairesse et son comité exécutif poussaient à fond pour le site de Guertin - qui était aussi le premier choix de la police et de l’administration municipale.



Mais le conseil municipal en a décidé autrement.

Et c’est rare, très rare, qu’une recommandation commune de la mairesse, du comité exécutif et de l’administration soit renversée par une majorité d’élus.

C’est ce qu’on appelle une défaite politique.

La mairesse prétend qu’elle n’a pas essuyé de revers.



La vérité, c’est qu’en 4 mois à militer pour le site de Guertin, elle n’a pas gagné d’appuis supplémentaires parmi les élus.

Et mercredi, c’est une proposition en faveur du site des Hautes-Plaines du conseiller Steven Boivin qui a dénoué l’impasse.

Alors si ce n’est pas une défaite politique, je me demande ce que c’est.

Les itinérants du Gîte Ami, peu enclins à voir surgir un poste de police à côté de leur refuge, ne se sont pas gênés pour crier victoire, eux.

Au-delà de la décision elle-même, il me semble que ce débat sur le QG de police a de nouveau mis en lumière un problème au conseil municipal.

Je trouve que la mairesse Bélisle peine à s’élever au-dessus de la mêlée lorsque les esprits s’échauffent autour de la table.



Mercredi, on l’a vu se lancer dans des attaques personnelles – et gratuites – contre la conseillère Olive Kamanyana — qu’elle vient de dégommer du comité exécutif. Une sortie virulente qui a jeté un froid instantané sur les délibérations en cours.

Puis la mairesse a carrément versé dans la démagogie, en laissant entendre que d’installer le centre de police dans les Hautes-Plaines, et donc en périphérie des points chauds, mettrait des gens à risque. Pensez à cette pauvre dame d’Aylmer, a dit la mairesse, qui pourrait attendre vingt minutes avant de voir la police répondre à son appel d’urgence!

Le chef de police, Luc Beaudoin, a dû contredire la mairesse sur ce point. La «pauvre dame» d’Aylmer n’a pas d’inquiétude à avoir, a-t-il expliqué. L’emplacement du QG de police n’a pas d’incidence sur les temps de réponse aux appels d’urgence. Dans les faits, des policiers sont déployés en tout temps sur l’ensemble du territoire…

L’ironie, c’est que la mairesse Bélisle exhortait ses troupes à ne pas s’improviser experts en sécurité publique dans le débat sur le QG. La voilà qui tombe dans le piège.

Dans tous les cas, la démagogie et les attaques personnelles ne devraient pas avoir droit de cité au conseil municipal. Surtout pas de la part de la mairesse, qui a un devoir d’exemplarité.


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Quant au choix du site des Hautes-Plaines pour accueillir le futur QG, ça me semble un bon compromis politique.

Du point de vue de la sécurité publique, aucun doute que Guertin aurait été le meilleur choix. Le SPVG salivait à l’idée de s’installer à cet endroit central, vaste, facile d’accès, etc. En outre, la municipalité était prête à démarrer la construction demain matin sur ce site qu’elle connaît de fond en comble.

Ce qui était problématique dans le cas de Guertin, c’était l’acceptabilité sociale.



Des organismes communautaires et des associations de citoyens ne voulaient pas d’un poste de police à côté d’un refuge pour sans-abri et d’une soupe populaire. Les vagues promesses de la police de mieux travailler avec cette clientèle vulnérable n’étaient pas pour les rassurer.

En outre, le site Guertin n’était pas nécessairement le meilleur choix du point de vue du développement du territoire. Par exemple, on ne connaissait pas avec précision le «coût de renonciation» lié au choix du site Guertin. Que perd-on en y installant un QG de police? Serait-ce préférable de vendre les terrains au privé? D’y construire des logements sociaux? Des commerces? Une bibliothèque? Un aréna?

On l’ignore.

L’administration n’a pas eu le temps de mener une analyse comparative parce qu’il faut déménager le QG de police au plus vite afin de laisser de la place pour le futur hôpital sur la rue d’Edmonton.

Et c’est peut-être ce que ça donne, des débats publics réalisés dans l’urgence. C’est imparfait, il manque des données, des propositions surgissent à la dernière minute, les élus ont l’impression de se faire bousculer…

S’il faut parler d’une victoire, mercredi, c’est que le dossier avance. Le site sur les Hautes-Plaines n’est pas un mauvais choix. Il faisait partie d’une liste de 5 sites où le SPVG était à l’aise d’installer son QG.

C’est un terrain acceptable, sans être optimal, situé près de la sortie de l’autoroute 5. À deux pas d’un quartier résidentiel, sans être au coeur des habitations. Les habitants du quartier auront maintenant leur mot à dire, mais c’est jouable.

Il reste qu’un QG de 200 millions, ça donne le vertige. A-t-on vraiment besoin d’un poste de police de cette envergure? Olive Kamanyana a raison de dire que ce chiffre-là, avancé par le SPVG et l’administration gatinoise, n’a pas été beaucoup remis en question. Encore une fois, le temps presse...