«On a gagné, merci, bonsoir!», s’est exclamé Paul Châteauvert, lorsque Le Droit est allé à sa rencontre mercredi soir, aux abords du Centre Robert-Guertin.
M. Châteauvert, qui fréquente souvent les lieux et utilise les services communautaires du secteur, considère qu’il s’agit d’une nouvelle «qui fait du bien». «Je m’entends bien avec les policiers, mais ça leur aurait donné trop de pouvoir, croit-il. Ils font une bonne job, les policiers, mais je connais certaines personnes qui auraient eu peur de toujours se faire ramasser.»
Après une journée forte en discussions, le conseil municipal de Gatineau a finalement rejeté mercredi le terrain du Centre Robert-Guertin comme endroit de prédilection pour y construire le prochain QG du Service de police de la ville de Gatineau. La construction du futur quartier général sur un terrain municipal à l’angle des boulevards de la Technologie et des Hautes-Plaines et plutôt ce qui a reçu l’aval de la majorité des conseillers, une décision qui doit toutefois encore être entérinée par un vote officiel, le 21 mars prochain.
«C’est une bonne nouvelle, c’est certain», a soutenu Benoit Fournier, qui se rend souvent au campement pour itinérants derrière le Centre Robert-Guertin, où résident plusieurs de ses amis. Selon lui, c’est une victoire pour les gens atteints de troubles de santé mentale, qui se seraient d’autant plus sentis «intimidés» par la proximité d’un QG policier. «Je crois que ça aurait fait fuir les gens ailleurs dans la ville, plutôt que d’être concentrés ici, dans le Vieux-Hull, où il y a les services», croit-il.
Patrick Gagné, qui fréquente actuellement la halte-chaleur, n’est de son côté ni chaud ni froid face à la décision du conseil. «Je n’ai rien à me reprocher, ça ne m’aurait pas dérangé. Les policiers sont toujours ici de toute façon», a-t-il lancé.
L’union fait la force
Pour le président de l’Association des résidents de l’Île-de-Hull, Daniel Cayley-Daoust, les moult mobilisations et sorties publiques citoyennes et communautaires des dernières semaines et des derniers mois ont porté leurs fruits. «Je pense que c’était un peu le facteur clé, toute cette mobilisation-là. Beaucoup de bénévoles, de gens, ont fait du porte-à-porte pour la pétition, qui a fait circuler l’information en ligne, qui a participé aux conseils municipaux et au forum Guertin. Ça a été instrumental pour permettre aux gens de s’exprimer sur ce dossier-là et vraiment poser les questions au conseil municipal et offrir une vision alternative au quartier général sur le site Guertin.»
Le coordinateur de l’Association pour la défense des droits sociaux de l’Outaouais , Pierre-Luc Baulne, se réjouit également que les diverses mobilisations aient reçu une oreille attentive. «On a réussi à ramener, par un effort concerté de citoyens, de militants et de travailleurs du terrain, la question humaine au centre [du débat].»
M. Baulne se garde tout de même une réserve quant au choix du terrain municipal à l’angle des boulevards de la Technologie et des Hautes-Plaines. «Je ne suis pas moins préoccupé par les enjeux d’un quartier général situé près d’un autre quartier résidentiel. Je ne suis pas moins sensible à ce que ça implique, assure-t-il. Mais, en revanche, on sait d’emblée que les relations avec des citoyens dans des quartiers plus aisés financièrement sont déjà un peu meilleures que des quartiers ou c’est un peu plus défavorisé.»
«J’aimerais voir un genre de Rockfest de l’itinérance. Un festival pour amasser des fonds et aider les personnes dans le besoin. Je vois une foire, des kiosques, des invités. C’est un bon projet, non?»
— Paul Châteauvert
«Aspect humain»
Emmanuelle Bernheim, professeure titulaire à la Faculté de Droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice, se dit satisfaite que «l’aspect humain» ait finalement été davantage considéré dans la décision des élus. «Ce qui est rassurant, c’est qu’on considère finalement autre chose que seulement l’enjeu de la sécurité, souligne-t-elle. Jusqu’à quel point les personnes en situation d’itinérance représentent autant un enjeu de sécurité. Ça reste à démontrer. [...] Dans les faits, ce qu’on observe, c’est qu’avec la police vient la judiciarisation, vient le contrôle, vient la surveillance. Pour les personnes concernées, le fait que les policiers tentent d’inciter les personnes en situation d’itinérance à s’insérer dans les ressources, dans les services, ce n’est pas moins coercitif.»
Mme Bernheim réitère que l’avenir du terrain de Robert-Guertin doit passer par une consultation publique, afin de trouver un projet qui puisse s’harmoniser avec le secteur. «C’est quelque chose qui est d’ailleurs réclamé, et ça permettrait de mesurer les besoins réels et les intérêts des personnes qui fréquentent l’endroit. Ça m’apparaît être le seul moyen de déterminer ce qui devrait s’y trouver.»
Paul Châteauvert, pour sa part, voit grand pour le terrain de Robert-Guertin. «J’aimerais voir un genre de Rockfest de l’itinérance, lance-t-il en riant. Un festival pour amasser des fonds et aider les personnes dans le besoin. Je vois une foire, des kiosques, des invités. C’est un bon projet, non?»