Chronique|

C’est injuste pour Pénélope

Aux Jeux du Québec, c’est encore les gars avec les gars, et les filles avec les filles au hockey. Comme dans les années 1970!

CHRONIQUE / Je suis de tout coeur avec Pénélope Saint-Pierre, cette jeune hockeyeuse de Gatineau.


Le Droit révélait qu’elle ne pourra jouer avec son équipe de gars aux Jeux du Québec, en raison des règles archaïques de Hockey Québec.

Aux Jeux du Québec, c’est encore les gars avec les gars, et les filles avec les filles au hockey. Comme dans les années 1970!



Pourtant, la jeune fille joue toute l’année avec des gars au sein de l’Intrépide de Gatineau Midget AAA - avec la bénédiction de Hockey Québec.

Et si je me fie à ses statistiques, elle tire fort bien son épingle du jeu en participant régulièrement au pointage.

C’est son équipe, l’Intrépide, qui s’est classée pour représenter l’Outaouais en hockey masculin aux Jeux du Québec.

Mais aux Jeux du Québec, sous prétexte que l’événement sert d’évaluation pour le programme national, elle n’a plus sa place dans l’équipe.



Pas parce qu’elle n’est pas de calibre. Pas parce qu’elle n’est pas assez bonne. Pas parce qu’elle n’est pas capable de suivre les gars.

Parce qu’elle est une fille.

Si ce n’est pas de la discrimination basée sur le sexe, j’ignore ce que c’est. Hockey Québec doit changer ses règles ou faire une exception pour elle. Point à la ligne.

Je ne comprends pas qu’à cet âge-là, 15 ans, alors que les différences physiques entre les gars et les filles ne sont pas aussi marquées qu’à l’âge adulte, on ne tolère pas davantage le hockey mixte.

Depuis ma prime jeunesse, je fais du sport de compétition. Je ne suis pas issu de la culture du hockey. J’ai pratiqué surtout des sports individuels: tennis, squash, escrime, ski de fond, judo, échecs… Dans tous ces sports, au niveau amateur en tout cas, on laisse généralement le choix aux athlètes féminins de s’inscrire avec les gars ou les filles.

Dans mon ancienne ligue de squash, les filles les plus fortes s’inscrivaient avec les gars. Même principe dans les tournois. Oui, on se taquinait entre hommes quand l’un de nous se faisaient battre par une femme. Des relents de culture macho, j’imagine! Reste que je n’ai jamais entendu personne remettre en question la présence de femmes dans la catégorie «ouverte».



Pourquoi ce ne serait pas la même chose au hockey?

J’en entendais répliquer: voyons donc, est-ce que des filles accepteraient de prendre un gars dans leur équipe? L’argument est ridicule dans la mesure où la question ne s’est jamais encore posée. En général, la biologie avantage les hommes sur les femmes pour ce qui est de la masse musculaire et de la force physique.

Mais savez-vous ce qui m’attriste le plus dans cette histoire?

C’est de lire que l’entraîneur de Pénélope a refusé de nous parler en entrevue. En d’autres mots, il s’est abstenu de prendre publiquement sa défense devant les règles dépassées de Hockey Québec. Je n’ai pas entendu non plus ses coéquipiers masculins se porter à sa rescousse. Moi qui ai si souvent entendu dire que le hockey est un sport où on gagne et on perd en équipe… où sont passées vos belles valeurs collectives?

Et pourtant, aux dires de son père, Pénélope se promet d’aller encourager ses coéquipiers masculins aux Jeux du Québec. Des gradins, bien sûr, parce qu’on lui interdira de les accompagner sur la patinoire lors du tournoi masculin.

J’admire son attitude.

D’ailleurs, j’imagine un monde où ses coéquipiers masculins lui rendraient la pareille. Un monde où tous les joueurs de l’Intrépide de Gatineau, et aussi l’entraîneur, se lèveraient d’un bloc pour dire: si Pénélope ne peut pas jouer avec nous aux Jeux du Québec, on ne jouera pas non plus. On va gagner ou on va perdre en équipe.

D’une seule voix, ils diraient: c’est injuste ce qu’on fait subir à Pénélope.



Et alors Hockey Québec, et alors Sports Québec n’auraient pas le choix d’émerger de l’âge de pierre et de débarquer en 2023.

Ce serait digne d’un scénario d’Hollywood.

On peut bien rêver, non?